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Avis de gros temps pour les pirates musicaux

Plus d’un CD sur deux produit dans le monde est une une copie illicite. Confrontée à une menace majeure, l’industrie du disque multiplie les initiatives technologiques pour protéger son magot.

Les signaux d’alarme sont au rouge dans l’industrie de la musique. Les chiffres s’amoncellent, accusateurs. Les dernières données du syndicat américain de l’édition musicale, la RIAA (Recording Industry Association of America), montrent une chute des ventes de disque de 10 % en volume depuis le début de l’année, soit une baisse de chiffre d’affaires de 6,7 % sur le territoire américain. En cause, pour l’essentiel, non pas la conjoncture, mais le piratage sous toutes ses formes.

La copie prend le pas sur l’original

Le chiffrage du phénomène réalisé par l’IFPI, l’organisation représentant l’industrie mondiale du disque, est plus que troublant. 1,9 milliard de supports pirates ont inondé le marché mondial de la musique en 2001 : 40 % des CD et cassettes vendus étaient donc des copies illicites ! Un chiffre qui atteint même 51 % pour les seuls disques compacts. En Asie, chaque jour, des milliers de disques sont pressés industriellement à partir de copies pirates. L’IFPI estime ainsi que Taiwan peut produire 8 milliards d’unités par an, Hong Kong, 3 milliards et la Chine, 1,8 milliard. Autant dire que la parade se situe plus au niveau du lobbying auprès des gouvernements que de la protection technologique. “Ces industriels peuvent presser à partir de n’importe quel disque copié”, dénonce Sylvin de Magnienville, responsable sécurité des CD et DVD chez le presseur français MPO.En effet, il y a quelques années, la copie s’effectuait d’un CD à une cassette. En aucun cas la qualité de cette dernière ne permettait de répéter l’opération. “Mais à l’ère numérique, la copie est parfaite et peut être répétée indéfiniment”, constate Jonathan Morrish, porte-parole de Sony Music Europe. Pire, le morceau de musique peut être mis à la disposition du monde entier par internet : “Le “peer to peer” est notre bête noire”, confirme Eric Daugan, directeur nouveaux média chez Warner. La parade, là, est logicielle. “Nous travaillons de près avec les éditeurs de logiciels musicaux, comme Microsoft, pour bloquer la mise en ligne des titres”, souligne Eric Daugan.Pour la copie privée, la situation est plus ambiguë, les législations nationales étant disparates. “Notre méthode : récupérer par la technologie ce que la technologie nous a fait perdre”, résume Jonathan Morrish, chez Sony Music. L’éditeur japonais, qui a développé son produit maison Key2audio, protège ainsi 160 titres environ. À peine 1 % de ses mises sur le marché.Si l’enjeu est tellement important, pourquoi la technologie ne se démocratise-t-elle pas ? “Les résultats ne sont pas encore totalement satisfaisants”, indique Eric Daugan. Les premiers systèmes de protection fonctionnaient de façon radicale : si les disques pouvaient être lus sans souci sur des chaînes Hi-Fi, certains ne passaient pas sur l’ordinateur. Car c’est au niveau de l’ordinateur, média indispensable à la copie, que doit se situer la parade. Il suffit alors de créer un leurre logiciel sur le disque qui laisse croire à l’ordinateur qu’il contient des données, non des fichiers audio. Berné, celui-ci ne songe même pas à lancer un morceau. Dommage pour celui qui veut travailler en musique ! Seulement, le constat a créé un tollé chez les consommateurs et les techniciens planchent sur des technologies un peu plus subtiles pour pallier cette déficience importante. “De toute façon, annonce clairement Noam Zur, responsable ventes de la société israélienne Midbar, spécialiste de ce domaine, tout est question d’équilibre entre la protection et la possibilité de lire des disques : une protection maximale ne peut être obtenue qu’en empêchant toute écoute !”Midbar revendique depuis peu 30 millions de disques équipés avec sa technologie dans le monde. Son principe : le disque est gravé d’un côté avec les données audio illisibles sur un ordinateur. Sur l’autre face, la musique est gravée sous un format lisible par un PC (MP3, WMA…), mais assorti d’une protection contre la copie. “L’important est de ne surtout pas toucher au contenu, qui est très important dans l’audio”, insiste Noam Zur.

Des trous dans la partition

D’autres basent pourtant leur protection sur ce même contenu, en y ajoutant des erreurs. Car, si les lecteurs Hi-Fi intègrent des corrections d’erreur ?” une note manquante est ajoutée par interpolation sans que cela soit perceptible à l’oreille ?” le PC, lui, n’a pas les moyens de réaliser cette extrapolation. Il ne saura donc pas combler les données manquantes… ce qui rend l’écoute du disque moins agréable. Ce défaut se transmettra à la copie, même jouée sur une chaîne. Autre méthode : une signature électronique intégrée avant le pressage et que le logiciel de gravure ne pourra pas lire. Autant de méthodes que tous, actuellement testent et peaufinent, avant qu’elles prennent leur envol… parallèlement à un changement de mentalités. “On aimerait faire passer le message que copier des CD est un réel acte de vol, comme dérober des objets dans des supermarchés”, insiste Jonathan Morrish.

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Agathe Remoué