Qu’elle était étrange, cette conférence de présentation de la 11e génération de processeurs Core Mobile ! Alors qu’Intel évite généralement de citer la compétition trop ouvertement, préférant les (pas très humbles) comparaisons générationnelles entre ses propres puces, le champion des processeurs x86 a cette fois montré les dents.
Avant hier soir, lors du lancement officiel de sa 11e génération de processeurs mobiles « Tiger Lake », la firme a donc diffusé des mesures de performances comparant son félin non seulement au SoC mobile concurrent d’AMD – le Ryzen 7 4800 U – mais aussi avec la puce graphique Nvidia Geforce MX350, un GPU que l’on retrouve dans des machines d’entrée de gamme et qui représente le premier prix pour jouer en 3D.
Et a profité de ces démos pour qualifier l’expérience de jeu offerte par ses concurrents, selon les titres, comme « à peine jouable ». Un discours rarement vu dans la communication très policée du mastodonte.
Jeux vidéo, logiciels de création, filtres audio accélérés par l’IA, Intel n’y est pas allé avec le dos de la cuillère dans ses exemples pour mettre en avant, mais surtout comparer sa puce avec ses concurrents. Parce qu’Intel a foi dans sa puce, bien sûr. Mais aussi parce qu’Intel est un peu agacé…
Intel en a assez de prendre des coups
Si vous avez lu notre actualité à propos de Tiger Lake, vous connaissez déjà les fondamentaux de ce nouveau SoC. Un « super » processeur pour PC portables qui représente non seulement une belle évolution côté CPU, mais qui promet aussi un doublement des performances graphiques par rapport à Ice Lake – soit une multiplication par quatre en deux générations ! Outre la fierté de lancer un nouveau composant si majeur – Intel domine outrageusement le marché des PC portables depuis toujours – ce qui explique l’attitude (gentiment) vindicative d’Intel, c’est le contexte.
Empêtré dans des soucis de production qui l’ont vu accuser des problèmes de livraison sur de nombreuses gammes et qui ont retardé l’introduction de sa gravure en 7 nm, le géant Intel, qui fut jadis le champion de la finesse de gravure, a depuis cédé la couronne à TSMC et Samsung. Et il a beau expliquer que la mesure des transistors n’est pas normalisée entre les différents acteurs, mettre en avant des technologies assez uniques – EMIB, Foveros, SuperFin – rien n’y fait : pour le monde entier, Intel est largué.
Perdu dans le désert pendant des années (notamment) à cause de son architecture Bulldozer, AMD a retrouvé le nord grâce à son extraordinaire PDG, Mme Lisa Su. Et enchaîne les succès avec ses architectures Zen (CPU) et RDNA (GPU). Non content d’être aux commandes des deux prochaines générations de consoles (Xbox Series X et Playstation 5) avec ses puces, AMD domine le rapport prix/performances des processeurs desktop. Et sa dernière génération de puces x86 pour PC portables, les Ryzen 4000 Mobile, est une franche réussite qui lui permet de grapiller des parts de marchés à son concurrent, jusque-là archidominant.
A cela s’ajoute Nvidia, qui veut se mettre aux CPU en tentant de s’offrir ARM. Un Nvidia qui roule des mécaniques avec ses dernières générations de puces Ampere et dont la cotation boursière a dépassé celle d’Intel. Ou encore Apple, qui tourne le dos aux puces x86 en développant ses propres puces ARM, ce qui privera à termes Intel de 7,6% du marché informatique puisque c’est lui qui fournissait la marque en CPU. Ici aussi , Intel est « dépassé ».
Pour toutes ces raisons, Intel en a sans doute eu un peu marre et a aussi « osé » comparer son nouveau bébé à la concurrence. Pour tenter de rappeler que le nombre de cœurs ou les fréquences ne font pas tout.
Plus qu’un processeur, une plateforme
Dans la dialectique de la présentation de Tiger Lake (11e génération de Core) un mot est très important pour Intel : plate-forme. Outre les affirmations (nous n’avons pas encore testé, ndr) de supériorité technique sur son concurrent direct AMD en matière de performances pures, Intel entend rappeler qu’il ne vend pas qu’un simple CPU mais un SoC (system on a chip, puce tout-en-un) intégré dans une plateforme complète, tant logicielle que matérielle.
Ce qui est vrai : la plateforme EVO, qui reprend les fondamentaux d’Athena et qui accompagne cette 11e génération de puces Core contient en effet plus qu’un couple CPU/GPU. Le Wi-Fi (produit par Intel) est de série, de même que le Thunderbolt 4 (développé et là encore produit par Intel), l’accélération IA est de la partie (en partie issue de Nervana) et les ingénieurs logiciels d’Intel noyautent tous les gros développeurs logiciels pour être sûrs que leurs technologies soient parfaitement prises en charge.
Quand bien même AMD a l’avantage brut dans certains domaines comme le nombre de cœurs, les performances intrinsèques de Tiger Lake sont épaulées par toute la plate-forme. De l’avantage d’être un géant à même de développer puces réseau, protocoles de transfert (Thunderbolt), etc. Plus que jamais, cette domination d’Intel met en lumière la qualité et la bravoure des ingénieurs d’AMD qui ont bien plus qu’un simple leader en face d’eux !
S’il ne faut pas minimiser les problèmes de production (perte de leadership mondial de sa fonderie), de gouvernance stratégique (échec des puces mobiles qui a laissé le champ libre à Qualcomm) ou de choix technologiques d’Intel (sans AMD, on en serait peut-être encore au quad-core !) il est bon de rappeler un peu qui est Intel. C’est-à-dire le numéro 1, qui représente à lui tout seul 17,6% du marché global du marché semi-conducteurs (contre 2% pour AMD). Intel est peut-être blessé, mais le tigre reste un tigre.
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