Un texte communautaire qui entretient les disparités de régime juridique entre les États membres, ce n’est pas courant. Et pourtant, c’est le cas de la directive sur la sécurité des communications électroniques, qui devrait être adoptée le 6 décembre par le conseil des ministres des Quinze. De quoi s’agit-il ? D’un texte, voté par le Parlement européen mi-novembre, qui retient le principe de l’opt-in (l’internaute donne son autorisation préalable) pour l’utilisation des cookies (fichiers d’identification déposés par un serveur internet visité sur le disque dur de l’internaute, qui permet au site de le reconnaître lors d’une connexion ultérieure). Idem en ce qui concerne les SMS (messages courts sur mobile), les télécopies ainsi que les appels téléphoniques gérés par des automates. Lors du dernier conseil des ministres télécoms en juin, onze états s’étaient prononcés pour le consentement préalable de l’internaute, et quatre ?” dont la France et la Grande-Bretagne ?” pour le droit d’opposition.“Il ne faut pas sous-estimer le danger d’un retour à la territorialisation du droit au sujet des questions liées au net”, prévient Ana Palacio Vallelersundi, la présidente espagnole de la Commission juridique du marché intérieur au Parlement européen. Avec le risque que les entreprises se trouvent en infraction dans un pays et en conformité avec la loi dans un autre.
Des systèmes d’une autre époque
“Les règles de droit ne doivent pas dissuader les entreprises, et surtout les PME, de vendre hors de leurs frontières, insiste Ana Palacio Vallelersundi. Internet permet de tester l’efficacité et l’hypocrisie de nos systèmes juridiques, qui ont été conçus à une époque où le commerce transfrontière était réservé aux seuls grands groupes.” D’autant plus que les tribunaux ne sont pas encombrés par les contentieux relatifs à l’envoi de messages non sollicités (spamming), malgré l’existence de la “Liste orange” de France Telecom ou du “Fichier Robinson”, mis en place par la Fédération des entreprises de vente à distance (Fevad), qui réunit les coordonnées des internautes ne souhaitant pas recevoir de messages commerciaux. Alors que l’arsenal juridique existe, puisque l’article 226-18 du Code pénal prévoit que la collecte d’informations nominatives concernant une personne physique, qui s’y serait opposé, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 305 000 euros (2 millions de francs) d’amende. “Les victimes ne doivent plus se laisser faire, martèle Jean-Jacques Gomez, vice-président du tribunal de grande instance de Paris. Et l’émergence des fonds éthiques pourra en outre inciter les entreprises à faire preuve de plus de respect à l’égard des internautes.”Autre sujet abordé par le texte communautaire : la conservation des données. Le député radical italien Marco Cappato, rapporteur au Parlement européen de l’amendement à ladite directive, plaide pour un effacement des données de connexion des internautes après paiement des factures. Une approche qui risque de ne pas trouver d’écho favorable en ces temps de lutte contre le terrorisme. Même si les pouvoirs publics, à ce qu’ils en disent, ne veulent pas entendre parler de lois d’exception.
Pas de textes de circonstance
“Il faut se méfier des législations circonstancielles qui sont par essence contestables et inefficaces. Elles sont rédigées dans l’urgence sous le coup de l’émotion, constate Jean-Louis Bruguière, le premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris, en charge des questions terroristes. Ensuite, la loi persiste alors que la menace évolue. Ce qui génère plus d’insatisfactions.” Sur ces points, la position française aura été finalement arrêtée lors dune réunion interministérielle (Justice, Intérieur, Affaires étrangères et Industrie) organisée le 29 novembre à Matignon autour de la conseillère technique pour les NTIC de Lionel Jospin, Florence Schmidt-Pariset.
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