Boulevard de Sébastopol à Paris, au c?”ur de la nuit : la clientèle diurne hétéroclite de l’Easyinternet Café des Halles a depuis longtemps cédé la place à une population de jeunes mâles accros et soucieux de limiter la dépense. À côté des éternels étudiants insomniaques qui peaufinent leur recherche documentaire, on trouve des chômeurs, des hackers, des salariés travaillant avec des horaires décalés et qui repartiront au petit matin s’affaler dans leurs lits les yeux dans le rouge mais avec la certitude que leur compte bancaire est toujours dans le vert. Car pour rentabiliser ses installations, l’Easyinternet Café met ses tarifs en veilleuse pendant la nuit : en offrant quatre heures de connexion pour un euro et demi (10 francs), les Easy parisiens obtiennent un taux d’occupation qui dépasse les 50 % entre minuit et 6 heures du matin.Quel autre endroit à Paris peut vous abriter et vous distraire si longtemps à ce prix ? C’est bien pour ça qu’Abdallah, alias “Badboy” sur le web, passe près de deux heures quotidiennes à l’Easy café des Halles. Car du temps, il en a plus que de l’argent : “Je n’ai pas de job. J’envoie des CV, je me balade sur les sites des stars et de rencontre. À Gagny, on n’a rien de tel.” Quelques rangées plus loin, José revendique un record de trois jours passés devant l’écran à peine entrecoupés de brèves pauses pour aller aux toilettes, se laver ou s’alimenter. Employé dans une laverie, il passe son mois de vacances à voyager sur la toile. À croire que l’écran carré de l’ordinateur le change des hublots ronds de machines à laver… Goguenard, il zappe d’un programme à l’autre, passant du salon “Viens me suc…” (“Je l’ai créé moi-même et ça fait un tabac”) à la consultation de sites sportifs ou pornos. Les filtres mis en place par Easyinternet pour éviter que ses établissements ne se transforment en peep-show virtuels ? “Ils sont faciles à contourner. La nuit, on trouve toujours un habitué prêt à aider.”
Tuyaux et cigarettes
Convertis au forfait mensuel illimité à 15 euros, les habitués ont fini par se regrouper la nuit dans la même travée. Désormais, José ne craint plus le manque : “C’est comme une drogue. Je suis devenu un “nerd”. Tant que France Telecom aura le monopole et imposera ses tarifs, internet sera trop cher à domicile et je viendrai ici.” Entre deux sessions de surf, les “cybernightclubbers” se retrouvent devant l’entrée pour griller une cigarette. Les esprits s’échauffent dans cette tribu de noctambules. Beaucoup de ces jeunes qui ont grandi dans les cités et découvert la toile avec les Easyinternet Cafés, rêvent encore d’argent ou de rencontres faciles en ligne. “C’est vrai qu’on peut acheter des trucs simplement en donnant n’importe quel numéro de carte de crédit ? Qui peut me montrer ?”, interroge les yeux ronds un gars du 93. Autour, des as du clavier le regardent ironiquement en exhalant la fumée. Si les amateurs de carambouilles virtuelles s’échangent des tuyaux, les chercheurs d’embrouilles réelles se font rares. La présence de vigiles à l’entrée garantit la tranquillité du lieu. Mais cela ne suffit pas à Moë, un gérant de bar qui aime surfer après son service. “La nuit, c’est sale, pas toujours bien fréquenté et les discussions parfois agitées. Dès que jaurai mon ordinateur à domicile, ils ne me verront plus.”
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