Malgré l’augmentation générale de l’autonomie moyenne des véhicules électriques, les longs trajets demeurent un obstacle quasi infranchissable pour la plupart des modèles.
L’une des idées reçues du secteur voudrait d’ailleurs que ces trajets de plus de 500 km soient réservés aux seules Tesla. En effet, la marque californienne dispose non seulement des meilleures performances du marché (la Model S Grande Autonomie atteint 652 km d’autonomie), mais aussi d’un réseau de recharge dense et bien implanté.
Pourtant, depuis quelques mois, la concurrence s’organise non seulement en augmentant l’autonomie théorique des voitures, mais aussi en structurant le réseau de recharge. À titre de comparaison, le réseau Ionity dispose aujourd’hui d’une offre de bornes rapides équivalente à celle de Tesla. Parallèlement, Mercedes, avec son EQS, et Audi avec l’e-tron GT affirment pouvoir concurrencer le Californien sur les longs trajets. Des propos qui demandent vérification assurément. Première tentative de réponse avec le bolide d’Ingolstadt.
Quelle version de l’Audi e-tron GT est la plus adaptée aux longs trajets ?
Audi dispose de deux versions de sa sportive électrique. Nous avions déjà pris le volant de la version RS, la plus musclée, mais dans l’exercice de la longévité de la batterie, c’est la version Quattro qui semble la plus indiquée. En effet, avec son autonomie théorique de 488 km, l’e-tron GT Quattro est ce qu’Audi propose de mieux sur ce terrain.
Cette version Quattro dispose bien sûr d’une grande batterie de 93 kWh (86 kWh de charge utile), mais surtout d’une capacité de recharge record. Comme sa cousine chez Porsche, la Taycan, elle accepte jusqu’à 270 kW en puissance de charge, ce qui permet en théorie de récupérer 80% de la capacité de sa batterie en moins de 30 minutes.
Si sur le papier, l’e-tron GT Quattro offre un mix parfait entre autonomie et capacité de recharge, ce qui en fait le véhicule électrique le plus adapté aux longs trajets chez Audi, dans les faits, ça donne quoi ? Peut-on vraiment réaliser un trajet de départ en vacances classique à bord de ce fleuron de la voiture électrique ?
Objectif 750 km. Une douce folie ?
Quitte à tenter un long trajet, autant opter pour la difficulté. Notre itinéraire de test nous a donc emmené de la région parisienne, le Val d’Oise, plus précisément, à Cap Breton dans les Landes, soit très exactement 766 km. Sur le papier, c’est à la portée des 488 km théoriques de l’e-tron GT Quattro.
Dans les faits, c’est évidemment beaucoup plus compliqué dans la mesure où la grande majorité de notre trajet emprunte l’autoroute, autrement dit le purgatoire des véhicules électriques.
En effet, lorsqu’un constructeur automobile annonce une valeur pour l’autonomie de sa voiture, il est de bon ton de retrancher 30% du total pour avoir une estimation de ses capacités réelles sur voie rapide. Au-delà de 110 km/h, les batteries fondent comme neige au soleil et qu’importe que l’on s’appelle Dacia ou Tesla.
Trajet aller : faire confiance à la voiture, toujours ?
Pour la première partie de notre périple, nous avons opté pour un choix simple : laisser la main à Audi et suivre strictement les recommandations de notre e-tron en matière de recharge.
Le système du véhicule intègre une fonctionnalité de calcul d’itinéraires qui indique au conducteur son rayon d’action possible en fonction du niveau de charge de sa batterie, mais aussi les stations les plus indiquées pour recharger sur le trajet.
Partis « réservoir plein » de notre destination de départ avec un coffre relativement chargé et trois passagers à bord, Audi MMI se montrait plutôt confiant quant à nos chances de réaliser les 345 km qui nous séparaient de la station de recharge Ionity de Poitiers sur l’autoroute A10.
En effet, pour cet arrêt à presque mi-parcours, le système intelligent d’Audi prévoyait un matelas de 13% de batterie restante.
Bien entendu, il convient de rappeler que tout au long du parcours nous avons scrupuleusement respecté les limitations de vitesse, en adoptant une conduite souple et que nous avons utilisé le régulateur automatique de vitesse sur les portions autoroutières.
Malgré ces précautions, il apparaît assez rapidement qu’Audi MMI est quelque peu optimiste dans ses calculs. Notre matelas fond à mesure que nous roulons. À environ 150 km de notre étape poitevine, nous envisageons même un passage en mode de conduite « éco », voire de réduire notre vitesse moyenne pour éviter quelques sueurs froides.
C’est à ce moment précis que notre regard est attiré par un panneau de signalisation plus que bienvenu : la prochaine aire disposerait d’une de bornes de recharge.
Plus besoin de jouer avec le feu. Nous n’irons pas d’une traite jusqu’à Poitiers, mais au moins nous évitons la bataille. Notre soudain regain de confiance ne dure malheureusement que quelques minutes, le temps d’emprunter la sortie menant à l’aire de repos et de se retrouver face à une borne Izivia… hors service. Nous comprenons alors pourquoi notre Audi ne nous avait pas signalé cette option, et repartons la queue entre les jambes.
Quelques 30 km plus tard, l’histoire se répète. Une aire d’autoroute s’offre à nous, a priori équipée de stations de recharge. Cette fois, il est hors de question de répéter notre précédente erreur. Nous interrogeons notre système Audi qui ne semble pas trouver d’intérêt particulier à cette aire et nous incite à poursuivre jusqu’à Poitiers.
Sûrs de notre fait, nous avançons confiants et assistons, non sans surprise, au spectacle inanimé d’une demi douzaine de bornes Ionity plantées au bord de l’air que nous venons de snober.
Comment expliquer cet impair ? Le système d’Audi est certes bourré de qualités, mais la finesse d’analyse ne fait pas partie de ses atouts. En effet, lors d’une recherche, lorsqu’il propose un itinéraire, il oublie d’évaluer ses alternatives et ce malgré notre surconsommation évidente. Dans la mesure où il nous juge capables d’arriver avant la panne, les options secondaires lui sont superflues. C’est doublement regrettable. D’une part, parce que ce procédé réduit les choix du conducteur, et surtout, d’autre part, parce qu’il augmente ses craintes.
Malgré nos mésaventures, nous arrivons à l’air de Poitiers avec 9% d’autonomie restante soit très exactement 32 km. Notre Audi nous indique qu’une pause de 22 mn devrait suffire à la poursuite de notre périple. Nous resterons finalement 32 mn sur la borne, le temps d’une pause bien méritée. Avec 74% d’autonomie au compteur, il est impossible de rallier directement Capbreton, mais notre Audi nous indique un prochain arrêt, sur l’air de Saugon. Cette fois, la marge de sécurité est plus confortable. Nous y arrivons avec encore 100 km d’autonomie disponible. Cette seconde pause sera plus courte, 20 mn, le temps de croiser une Corsa-e et une Kia e-Niro qui semblent également mettre leurs batteries à l’épreuve. Sur ce second arrêt, une pause plus courte aurait été envisageable.
En effet, notre destination finale n’est plus qu’à 215 km. Néanmoins, cet arrêt légèrement plus long est non seulement bienvenu, mais il permet également de s’épargner une autre problématique : celle de la recharge du véhicule à destination.
La fin de ce trajet aller est une formalité. Nous arrivons à Capbreton avec 23% d’autonomie restante. C’est non seulement suffisant pour les premières virées sur place, mais c’est aussi confortable dans l’optique de la recherche d’une borne municipale.
Au final, malgré quelques frayeurs dues en partie à la rigidité du système Audi, ce trajet aller s’est déroulé sans encombres. Notre temps de recharge a prolongé le voyage d’une heure environ, mais ces pauses sont intervenues à des moments opportuns, nous ont permis de nous restaurer et, plus important, de nous reposer.
Trajet retour : faire confiance au conducteur, c’est plus sûr
Après les frayeurs de l’aller, nous décidons de prendre en main notre trajet retour. Cette fois, il n’est plus question de laisser Audi nous guider. Les arrêts se feront à notre guise et en fonction de la puissance des bornes de recharge sur le parcours.
En effet, c’est l’autre critique qui peut être faite au planificateur d’itinéraire du constructeur aux quatre anneaux. Il ne prend pas en compte la puissance des bornes, et parfois ne l’indique même pas dans son système. Or, entre une borne plafonnée à 150 kW et une autre qui tutoie les 300 kW, le temps de recharge n’est pas identique. Surtout, qu’avec notre RS e-tron Quattro nous avons l’une des capacités de recharges les plus hautes du marché. En effet avec sa recharge jusqu’à 270 kW en courant continu, le bolide d’Audi peut passer de 5% à 80% de batterie en 20 mn seulement. Encore faut-il trouver les bornes adéquates, ce que nous nous efforcerons de faire sur ce second trajet.
Malheureusement, une telle opération n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Il n’existe pas d’outil parfait pour aider les utilisateurs de véhicules électriques à entreprendre de longs trajets. Pas même l’application ChargeMap pourtant plébiscité par les usagers, mais qui souffre de grosses lacunes notamment sur ces fonctions de recherche.
Dès lors, la planification d’un itinéraire optimal prend des allures de mission. Il convient de croiser les informations glanées sur le site français de Ionity à la base de données de Chargemap.
Le cas échéant, nous interrogeons également Audi MMI pour être certain que la borne visée est répertoriée par la voiture et qu’elle apparaît en état de fonctionnement. Dans les faits, le propriétaire de véhicule électrique se retrouve dans la peau d’un pionnier de l’automobile au début du XXe siècle, carte routière à la main et décidant de son itinéraire et de ses haltes en fonction des stations services existantes.
Passons sur les détails, ce trajet retour vers le Val d’Oise s’est effectué dans un temps quasi similaire à l’aller. Le temps de recharge n’a pas dépassé l’heure mais à la différence du premier trajet nous nous sommes épargnés les frayeurs liées à la panne de batterie et avons pu décider des moments de pause.
Voyager en électrique, ça coûte combien ?
Si voyager en électrique nous a paru non seulement possible mais aussi relativement facile, il convient de prendre en compte une autre donnée : le coût du voyage. Bien évidemment, il n’est pas ici question du prix de notre carrosse, mais bien de celui de chaque passage à la borne.
En la matière, tous les propriétaires de véhicules électriques ne sont pas soumis au même traitement. En effet, à l’heure actuelle, Ionity facture au temps passé sur chaque borne, à la minute, et non en fonction de la quantité d’énergie récupérée.
Dès lors, il devient quasi indispensable de souscrire à un abonnement sous peine de faire exploser sa facture. En effet, le tarif de base de la recharge est de 0,79 euros la minute ce qui crée non seulement une disparité en fonction des capacités de recharge de son véhicule, mais ce qui dans certains cas revient à payer l’électricité plus cher que l’essence.
Concrètement, la très grande majorité des utilisateurs de bornes Ionity disposent d’une carte de recharge et d’un abonnement adéquat. Mieux, de nombreux constructeurs offrent une ou plusieurs années d’abonnement aux acheteurs de véhicules électriques ne leur laissant à charge que le coût de chaque passage à une borne.
Dans notre cas, notre carte Audi e-tron Charging Service (facturé 4,91 par mois) a permis de faire baisser le prix de la minute de recharge à 0,31 euros.
En conséquence, afin d’effectuer notre trajet aller, nous avons dépensé 16,74 euros à l’aller et moins de 18 euros pour le retour, soit nettement moins que n’importe quel véhicule thermique.
Quel bilan pour ce voyage en Audi RS e-tron Quattro ?
Passons sur les qualités propres de l’Audi RS e-tron. Elles ont été largement évoquées lors de notre test de la sportive électrique.
Le premier enseignement, et non des moindres, est qu’il est tout à fait possible de traverser la France en voiture électrique. Certes, c’est plus simple lorsqu’on dispose d’une batterie conséquente ou d’une capacité de recharge élevée, deux qualités dont bénéficie cette Audi e-tron RS Quattro.
Pourtant, avec une consommation oscillant entre 21 et 23 kWh/100 km le bolide d’Audi ne fait pas partie, en théorie du moins, des voitures les plus adaptées aux longs trajets.
En revanche, la sportive dispose d’une marge de progression certaine sur l’accompagnement du conducteur lors des longs trajets. Une évolution du système MMI semble nécessaire pour répondre à cette problématique. Que ce soit en optant pour plus de souplesse ou en intégrant des options de recherche plus poussées en matière de recharge, le constructeur allemand peut vraiment améliorer son OS.
Enfin, il semble évident qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, d’application mobile (idéalement compatible CarPlay ou Android Auto), qui réunisse à la fois les qualités de navigation d’un Waze, d’une part, et la mine d’informations d’un Chargemap, d’autre part.
Ces lacunes, conjuguées à la faiblesse du réseau de recharge rapide en France, tendent à prouver que nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements des voyages en véhicule électrique. Ils sont effectivement possibles, mais ne sont pas encore aussi évidents que leurs équivalents thermiques. Néanmoins, ces déplacements sont déjà possibles et c’est bien la preuve que l’avenir appartient aux véhicules 100% électriques.
On a aimé
- Le voyage silencieux et confortable
- Rouler en Audi RS e-tron Quattro
- Les arrêts aux bornes compris dans les temps de pause
- Le coût du trajet
On n’a pas aimé
- La dépendance aux bornes Ionity
- Trop peu de recharges rapides sur l’Autoroute et en dehors
- Quelques sueurs froides dues à la batterie
- Les allers/retours entre Waze et MMI
- Le manque de souplesse du système Audi sur le calcul d’itinéraire
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