Fini les mots d’excuse ! L’actionnaire ne pourra plus se dérober à son devoir de vote lors des assemblées générales. À la condition sine qua non que l’entreprise ait prévu dans ses statuts le recours aux nouvelles technologies. Avec son allure de premier de la classe, Air Liquide a déjà sauté le pas. Lors de l’AG du 3 mai dernier, ses actionnaires se sont prononcés en faveur du vote par télétransmission. La société a donc anticipé le décret d’application portant sur la loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE).” Pour l’heure à l’étude à la Chancellerie, le texte ne devrait pas entrer en application avant un an “, déclare Philippe Bissara, délégué général de l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa). Jean-Paul Valuet, secrétaire général de cette association qui a contribué à l’élaboration de la loi sur la NRE, ajoute : ” Le débat juridique actuel porte sur la pertinence d’une élection virtuelle en s’appuyant uniquement sur le droit commun de la signature électronique. “
Pour l’Ansa, ce dernier texte n’apporte qu’une assurance minimale quant à l’identification de la personne. Au contraire du décret qui prévoit un renforcement du dispositif d’authentification de l’actionnaire ainsi que la création d’un site au scrutin.
Favoriser la participation
Par ailleurs, le scrutin électronique pose des problèmes de timing. C’est pour cette raison que l’Ansa a tenu à ce que l’immobilisation des actions soit révocable jusqu’à la veille, à midi (heure de Paris) de l’AG. Philippe Bissara note que ” l’immobilisation, qui dure aujourd’hui cinq jours, mécontente les gérants de fonds collectifs, et les grands actionnaires qui ne peuvent céder leurs titres pendant cette période “. Si ce délai était modifié, cela permettrait de mobiliser davantage les actionnaires étrangers.” Au regard de la lourdeur administrative du vote par procuration, la moitié des actionnaires étrangers ne votent pas. Ils mettent largement en cause la durée de la procédure d’immobilisation, pendant laquelle ils ne peuvent réaliser de profits “, souligne Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam).A priori, celle-ci considère le vote électronique comme un moyen de favoriser la participation des actionnaires, qu’ils soient grands ou petits. Elle n’en reste pas moins circonspecte face aux scrutins directs, et rejoint ainsi l’avis de Robert Thomas, directeur du service actionnaires chez Air Liquide : “Outre les problèmes de connexion réseau qui peuvent survenir, vous n’êtes jamais à l’abri de“hackers”“. Et Philippe Bissara de renchérir : ” Voter avant l’AG, c’est atteindre à coup sûr le quorum. Le taux d’actionnaires qui doivent être présents pour voter une résolution lors d’une première assemblée est fixé à un tiers. “Concrètement la mise en place d’un tel système suppose de trouver des réponses aux problèmes d’authentification et de certification des actionnaires. Il ne relève effectivement pas de la loi de spécifier les technologies qui seront utilisées. Pour Régis Jamin, senior vice-président pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique de la société américaine Election.com, le protocole SSL, doté d’une clé 128 bits, suffit bel et bien. ” Nous avons d’ores et déjà utilisé ce système de sécurisation pour organiser des assemblées générales d’actionnaires outre-Atlantique. “En France, son premier coup d’essai s’est déroulé en mars dernier avec l’élection exclusivement sur internet des représentants de l’Association des cités du Secours catholique (ACSC). Les modifications nécessaires pour les élections virtuelles des comités d’entreprise n’ont pas encore été apportées dans le code du travail. Aussi, “ l’ACSC a créé un précédent indispensable pour le développement de l’e-démocratie “, s’enorgueillit Régis Jamin.
Un ordinateur dans l’isoloir
Cette jurisprudence s’inscrit dans la droite ligne de l’appel d’offres Syvic (Système de votes internet certifiables), lancé par le ministère de l’Intérieur. Son objectif consiste à mettre en place un processus de votes en ligne pour des élections sociales ou professionnelles. “ Pour légiférer, il convient de regrouper ce qui se fait et ce qui existe “, explique Régis Jamin.Et c’est Election.com qui a été retenu comme partenaire technologique d’EADS Matra Systems, qui a remporté cet appel d’offres institutionnel. Par ailleurs, les deux sociétés s’apprêtent à créer une entreprise commune à dimension européenne dans le but d’organiser des scrutins privés mais aussi, à terme, publics.Parallèlement, d’autres prestataires posent d’ores et déjà leurs pions. Ainsi, la société de téléconférence Genesys s’est associée, lors d’une assemblée générale d’Euronext, à l’éditeur de logiciel français PHJ. Pour les deux partenaires, il s’agissait davantage d’un galop d’essai que d’un réel vote virtuel. Ils étaient là pour séduire les représentants des grands comptes, présents en nombre dans l’assemblée. Comme Election.com, PHJ utilise le protocole SSL et un système d’identification de l’actionnaire protégé par mot de passe. Il va même jusqu’à contacter par téléphone les intermédiaires financiers pour authentifier les votants.Si les professionnels redoutent des failles dans le processus d’identification lors des assemblées générales, le vote public nécessite un niveau de sécurisation beaucoup plus élevé. Matra Systems planche également sur le projet Cybervote, lancé par la Commission européenne. L’un des moyens envisagés pour assurer la confidentialité du vote ?” un élément fondamental en France ?” est de placer un ordinateur dans l’isoloir. On n’arrête pas le progrès…
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