Le fait que des internautes publient sans restriction des informations personnelles sur les réseaux sociaux n’autorise pas une société tierce à agréger leurs données pour les communiquer. Telle est en substance l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Saisi par deux internautes, l’organisme vient d’adresser un avertissement public à PagesJaunes.
La Cnil reproche à l’éditeur d’annuaires d’avoir aspiré les profils de quelque 25 millions de personnes depuis Facebook, Copains d’Avant, Viadeo, LinkedIn, Twitter et Trombi. Et ce, sans avoir reçu l’autorisation préalable des internautes. Elle a considéré que l’aspiration de ces informations était « déloyale » et, par conséquent, « contraire à la loi informatique et libertés ».
Demander l’autorisation préalable aux internautes
Au printemps 2010, le service PagesBlanches de l’éditeur pouvait accompagner les classiques nom et coordonnées d’un individu, d’une photographie, de pseudonymes, ou encore indiquer les établissements scolaires qu’il a fréquentés, voire ses employeurs… Autant d’informations glanées à partir des sites Web 2.0. « Un tri était possible à partir des données de l’employeur, de l’établissement scolaire et de la localisation des personnes dans une rubrique affiné par mots-clés », note la Cnil dans sa décision.
Dans son argumentation, PagesJaunes a fait valoir qu’elle avait aspiré les profils publics des internautes. Selon la société, ceux qui « ne souhaitent pas utiliser les outils de restriction d’accès à leur profil [proposés par les réseaux sociaux afin d’interdire notamment leur indexation par les moteurs de recherche, ndlr], ne sauraient ignorer que ces infos seront affichées sur Internet ». Au contraire, l’absence de limitation constituerait « une manifestation claire et non équivoque de la volonté d’une personne à apparaître sur le Web ».
La Cnil n’est pas de cet avis. Elle estime qu’être inscrit sur un réseau social ne signifie pas que l’ensemble de ses membres « ait accepté systématiquement et en toute conscience que leurs informations soient récupérées par des tiers ». Elle rejette d’autant plus l’argumentation de PagesJaunes que les données collectées et publiées pouvaient concerner des mineurs ou des personnes inscrites volontairement sur la liste « rouge ».
Si ces individus ont « manifesté leur opposition à ce qu’aucune information les concernant ne figure sur le service PagesBlanches, que ce soient leurs coordonnées téléphoniques ou postales », cela implique « a fortiori [qu’ils ne souhaitent pas voir publier] leur identité, photographie ou profession ». La commission considère que PagesJaunes aurait dû demander l’autorisation aux internautes avant toute publication. Des éventuels accords ou partenariats passés avec certains réseaux sociaux comme Trombi ne sauraient dégager l’éditeur de cette obligation.
Un avertissement pédagogique
En outre, la Cnil considère que la possibilité donnée aux internautes par PagesJaunes de rectifier ou de supprimer les informations les concernant est insuffisante. D’autant que, ce droit d’opposition est difficile à exercer dans les faits. L’internaute devait adresser autant de demandes à la société que de profils aspirés. Un individu dont les données avaient été récoltées depuis Trombi, Facebook et LinkedIn devait remplir trois formulaires et justifier de son identité (copie de sa carte d’identité) pour demander leur suppression.
PagesJaunes n’encourt aucune sanction pécuniaire. « Cette procédure est à vertu pédagogique. Elle met en lumière les usages non conformes à la loi qu’a pu pratiquer une société, mais est aussi un avertissement à tout le secteur et aux autres sociétés qui se livrent au même genre de pratiques », explique Yann Padova, secrétaire général de la Cnil. En effet, PagesJaunes n’est pas la seule à aspirer des informations laissées sur le Web par les internautes.
Des sites comme 123people ou encore Yatedo.fr, qui se présentent comme des moteurs de recherche de personnes, agrègent les données personnelles ou les contenus laissés sur la Toile par les internautes sur leurs publications ou sur les réseaux sociaux. « Cet avertissement est aussi un appel à la vigilance adressé au grand public sur les risques liés à la publication de données personnelles sur les sites Web 2.0 », ajoute Yann Padova.
Contacté, PagesJaunes, qui a cessé de diffuser les informations litigieuses depuis la mise en demeure de la Cnil, n’a pas souhaité commenter cette sanction.
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