Depuis plusieurs mois, les arnaqueurs n’hésitent plus à faire appel à des faux coursiers qui viennent, au prétexte d’arrêter une escroquerie sur vos comptes bancaires, ou de vous livrer une nouvelle carte bancaire, récupérer, directement chez vous, votre carte et votre code secret. Avec ces deux éléments en main, votre compte bancaire est vidé en un rien de temps. Dans une telle situation, l’établissement bancaire est-il censé rembourser la victime, qui a cru de bonne foi que le faux coursier était bien envoyé par sa banque, et qui s’est laissé convaincre par un scénario souvent très bien ficelé ?
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Ce type d’arnaque se déroule souvent en trois temps. Il y a d’abord la phase d’hameçonnage, qui commence par ces fameux SMS qui vous invitent à cliquer sur un lien pour récupérer un colis, recevoir sa carte vitale, renouveler son Crit’Air, ou payer une contravention. Les escrocs récupèrent ainsi vos numéros de téléphone, vos données personnelles (nom, adresse, date de naissance) et parfois bancaires (nom de votre conseiller, numéro de carte, identifiants de connexion…)… Ces informations permettront de mieux vous manipuler, en vous faisant croire qu’ils sont les véritables conseillers bancaires.
Dans les textes, la victime d’arnaques bancaires est assez bien protégée
Vient ensuite la deuxième phase : l’appel, dans lequel ils vont chercher à vous faire valider des opérations via la double authentification – le fait de combiner deux éléments d’identification, comme son smartphone et un mot de passe ou un code – au prétexte d’arrêter de (faux) prélèvements. Ici, l’arnaque peut aller jusqu’à une troisième phase : on vous prévient qu’un coursier arrivera pour récupérer votre carte qui serait compromise, ou pour vous en livrer une nouvelle plus rapidement – ce qui est évidemment faux.
Dans l’urgence, la victime, qui croit avoir affaire à sa banque, va confier sa carte au coursier, qui va profiter de l’urgence pour réclamer et souvent obtenir le code secret associé. Face à un scénario très convaincant, la victime va obtempérer, persuadée d’avoir affaire à un professionnel envoyé par sa banque. Une fois toutes ces informations en main, les escrocs n’ont plus qu’à effectuer des achats ou faire des virements tous azimuts. Pour rappel, aucune banque n’a besoin de votre carte bancaire et de votre code personnel pour bloquer des prélèvements frauduleux. Elle n’a pas non plus besoin que vous vous connectiez, ou que vous réalisiez une opération en particulier pour arrêter une tentative d’escroquerie, elle peut le faire directement.
Mais une fois le mal fait, que peut faire la victime qui s’est laissée convaincre, et qui a bien donné sa carte bancaire ? En France, le consommateur victime d’arnaques bancaires est, dans les textes, assez protégé. La loi impose que les banques remboursent, sur leurs propres deniers, leurs clients de toute somme indûment prélevée sur leur compte bancaire. Qu’importe si l’escroc et les sommes dérobées ne sont jamais retrouvés. Mais il existe deux exceptions : si le client est un complice de l’escroquerie, ou s’il a été « gravement négligent ». C’est à l’établissement bancaire d’apporter la preuve de ces deux éléments qui lui permettent de botter en touche.
Mais son droit à être remboursé (par la banque) n’est pas absolu
En octobre dernier, la Cour de cassation a rappelé que la victime d’un faux conseiller – dont l’appel affichait le numéro de la banque – devait bien se faire rembourser par son établissement bancaire. Mais en est-il de même lorsque la personne donne sa carte bancaire à un faux coursier, au prétexte d’arrêter des prélèvements frauduleux ou de renouveler plus rapidement sa carte ? Cela constitue-t-il une « négligence grave » qui permet à la banque d’échapper à son obligation de remboursement ? Différents tribunaux ont récemment tranché la question. « La négligence grave du client peut être une cause exonératoire de la responsabilité de la banque », nous a rappelé par courriel Maître Alexandre Archambault, avocat spécialiste du Numérique.
Dans un jugement du 18 février 2025, le tribunal judiciaire de Paris a estimé, à propos d’un couple victime d’une arnaque au faux conseiller bancaire, que le fait de remettre leurs cartes bancaires et les codes secrets associés, un vendredi soir entre 21 H et 22 H, était bien une grosse négligence. Résultat : pas d’obligation de remboursement de la banque. Le couple a perdu près de 13 712 euros.
Aucune banque « ne diligente un coursier pour aller récupérer des cartes de paiement » dans un contexte de fraude
Dans un autre jugement du 11 avril 2025 où une victime a aussi donné à un faux coursier sa carte bancaire personnelle et celle de son compte d’entreprise, avec les codes, la banque avance « un manque de discernement de Monsieur [J] qui n’a pas relevé les incohérences du fraudeur, à qui il a confié ses cartes bancaires par le biais d’un coursier alors que la banque ne se déplace pas au domicile de ses clients pour récupérer des cartes opposées et fabriquer plus rapidement des cartes bancaires ».
Le tribunal judiciaire de Paris a jugé en ce sens : « aucun prestataire de services de paiement ne diligente un coursier pour aller récupérer des cartes de paiement dans le contexte d’une opposition pour fraude supposée ou avérée ». Or, le client d’une banque est censé « prend(re) toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisées. Le manquement à cette obligation fait obstacle au droit au remboursement des paiements non autorisés par utilisation frauduleuse de l’instrument ». Ici, le fait de donner carte et code secret à un faux coursier annule son droit à être remboursé par sa banque. Résultat, la victime ne sera pas dédommagée de ses 17 806 euros envolés…
Ces différents arrêts semblent donc indiquer que les victimes de faux coursiers, qui ont laissé leur carte bancaire et leur code secret, ne seront pas remboursées par leur banque. Gardez en tête qu’il ne fait jamais remettre sa carte bancaire à qui que ce soit, même lors de son renouvellement. Votre établissement bancaire vous demandera de détruire l’ancienne carte, mais pas de la récupérer. Notez que votre banque n’a jamais besoin du moindre code secret ou d’un mot de passe. Si vous avez été victime, faites opposition à votre carte bancaire, appelez votre banque, changez vos mots de passe, et portez plainte.
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