Sans doute est-ce anecdotique par rapport au résultat définitif, mais cette présidentielle aura exemplairement montré les deux faces d’internet. Avant le premier tour, le réseau a prouvé qu’il serait dorénavant un outil politique incontournable, ayant le mérite de réduire les coûts de campagne. Corinne Lepage aura ainsi fait la plupart de ses meetings par l’intermédiaire du web et des cybercafés. Certes, au regard du score réalisé par l’écologiste de droite, on admettra bien volontiers que le virtuel ne remplace pas le réel. Mais, à l’évidence, les nouvelles technologies peuvent inciter des petits candidats, que le coût financier d’une campagne dissuadait hier encore, à tenter leur chance. C’est pourquoi, au demeurant, la barrière des cinq cents signatures, si âprement discutée à la veille du premier tour, reste plus que jamais nécessaire. Certes, l’utilisation politique du net n’est pas encore exempte d’immaturité. Récemment, un collectif chiraquien de chefs d’entreprise de la nouvelle économie, ayant lancé une dizaine d’actions sur le réseau pour soutenir le président sortant, se vantait d’avoir pondu un message d’alerte pour un nouveau virus : Jospin.exe. Outre que ce virus n’était pas le bon et qu’un autre, bien plus grave, menaçait, la politique sur le net mérite mieux que ces blagues de carabin. Le séisme du second tour aura prouvé que les NTIC, loin d’être l’outil d’un frileux repliement sur soi redouté par certains, tissent la solidarité. Personnellement, je retiendrai la manière dont, au soir du 21 avril, une manifestation pour la République s’est montée en quelques minutes par l’envoi groupé de textos. Alors que la République tremblotait sur ses bases, le net a montré son extraordinaire capacité à mobiliser, faire passer l’info. Surtout, ce qui est plus important et inattendu, il aura servi dans l’entre-deux tours de formidable tremplin à la catharsis citoyenne. Combien d’e-mails n’a-t-on pas reçus, par lesquels nos aristotéliciens destinateurs se purgeaient avant tout de leur peur et de leur colère ? Dans ces circonstances, le net a prouvé qu’il nétait pas seulement la reproduction technique du forum athénien, mais aussi le théâtre spontané de nos craintes et de nos passions.* Journaliste et essayiste
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