Au commencement, il y eut les vagues de fusions-acquisitions. Avides de taille critique, les grandes entreprises cherchaient à grandir, presque à tout prix. Ces opérations suscitaient beaucoup de commentaires positifs au sein de la communauté financière et des médias. Excès d’optimisme, sans doute : “La littérature économique montre que trois-quarts des opérations aboutissent à un échec, souligne Michel De Greef, professeur d’économie à l’École de commerce Solvay. La tendance à se “concentrer sur les activités de base” d’une entreprise est souvent la conséquence de ces opérations : il faut se débarrasser des morceaux de sociétés devenus inutiles. “
La tempête Tchuruk
‘est un peu le cas d’Alcatel, même si son PDG Serge Tchuruk a déclenché une véritable tempête de commentaires en annonçant l’arrivée de ” l’entreprise sans usine “. En fait, la fabrication des composants nécessaires à l’assemblage d’un système sera simplement transférée à une multitude d’entreprises sous-traitantes. “Pratiquement plus aucune entreprise ne cherche à tout fabriquer elle-même, résume Michel Theys (ex-Sema Group Belgique). Ce serait hors de prix de vouloir se maintenir à la pointe du progrès pour de nombreux composants. Dans le domaine des télécoms, la durée de vie des composants varie de 1 à 3 ans. Il faut donc entretenir des laboratoires d’ingénieurs extrêmement performants pour renouveler en permanence les gammes de produits. ” Il faut aussi disposer d’usines d’assemblage capables de gérer ces flux de production tout en dégageant des bénéfices.D’où le recours aux sous-traitants : fabriquant d’énormes volumes de composants très standardisés dans des pays généralement à bas salaires, mais avec un niveau de qualité conforme aux exigences de leurs clients. Ces producteurs sous-traitants, très spécialisés, gagnent de l’argent là où, sans doute, une entreprise intégrée ne suivrait pas la cadence.Mais ces sous-traitants évoluent. S’appuyant sur des compétences techniques de plus en plus vastes et sophistiquées, certains tirent leur production vers des sous-ensembles adaptables à plus haute valeur ajoutée. Ainsi, le fabricant taïwanais d’informatique Acer, qui s’est progressivement imposé comme marque crédible.
Garder la maîtrise du savoir
es sous-traitants plus ou moins anonymes ne risquent-ils pas un jour de dépasser les opérateurs qui, comme Alcatel, rêvent d’une entreprise sans usine ? “ Ce risque n’est évidemment pas négligeable, indique Michel De Greef, mais il est gérable. Tout le jeu consiste à déléguer la fabrication de composants, mais à conserver la maîtrise de l’intégration, de l’assemblage. Il ne me semble pas indispensable de conserver un outil industriel pour préserver une maîtrise de la connaissance : de grandes entreprises d’ingénierie ne fabriquent absolument rien, mais possèdent une très grande maîtrise du savoir et des processus. ” En informatique, Dell se limite à intégrer des sous-ensembles aux performances les meilleures disponibles dans des délais très courts à dater de la commande. En revanche, IBM, conserve la maîtrise des fabrications de composants très avancés, ce qui lui permet d’améliorer sa capacité de négociation avec les sous-traitants. Question de stratégie. Question de managers…
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