Il y a à peine six mois, nous vous confions que « Apple pourrait utiliser de la mémoire chinoise dans ses iPhone », en faisant référence aux modules de mémoire NAND de l’entreprise YMTC (Yangtze Memory Technologies Corp). Une nouvelle dont on tirait alors deux enseignements : Apple continuait de varier ses approvisionnements et la mémoire NAND (de stockage) made in China était désormais de suffisamment bonne qualité pour être intégrée à des produits très haut de gamme.
Seulement cette intégration de composants chinois risque de ne pas avoir lieu. Et la raison n’est pas technologique : si les modules de YMTC sont moins performants que ceux des géants Samsung et Micron, ils restent bons et bien moins cher que la compétition. Mais un mouvement majeur de l’administration Biden dont il reste à établir l’impact long terme, a écorné les plans du géant de l’électronique.
Le 7 octobre dernier, le Bureau of Industry and Security (BIS) a placé YMTC sur une liste. Non pas la classique « liste noire » des « entités ennemies » où le gouvernement US avait jadis placé Huawei et ZTE. Mais une liste d’entreprises dont trop d’éléments sont hors du pouvoir de contrôle des USA – impossibilité de vérifier la structure financière, etc. Une liste « purgatoire » qui peut mener, au bout d’un certain temps, si l’entreprise n’arrive pas ou ne veut pas présenter de documents, à être placé effectivement sur la liste noire. Une liste des entreprises « dont les activités sont récusées par le Département d’État et dont les activités sont contraires à la sécurité nationale et/où aux intérêts de politique étrangère des USA », comme l’est pour l’heure Huawei.
La guerre technologique et économique
Si on devait coller au BIS, une identité à cette entité qui dépend du Département du commerce des États-Unis, ce serait celui de bouclier économique et technologique. Un outil de « combat » (oui, un bouclier est avant tout une arme !), puisque sa mission est de veiller à la « sécurité nationale, la politique étrangère et les intérêts économiques des États-Unis ». Couplant des visions de sécurité nationale et d’expertise dans les technologies de pointe, le BIS est un peu ce qui manque aux européens : un organe capable de détecter rapidement les pépites (entreprises de pointes) et les leviers technologiques majeurs pour contrer les achats, acquisition et autres contrôles étrangers de technos stratégiques. Pour les USA, les semi-conducteurs – et dans le lot la mémoire de stockage – sont stratégiques. Et s’ils ne sont pas produits sur le sol américain, ils ne peuvent provenir que de pays amis, comme la Corée du Sud, Taïwan ou l’Europe.
Selon Nikkei Asia et Tom’s Hardware, Apple aurait donc mis en pause ses investissements et commandes de puce de chez YMTC. Selon les chiffres de ces deux sources, YMTC aurait pu peser de 5-10% voire jusqu’à 40% des volumes de mémoire achetés par Apple. Selon qu’il s’agit de produire uniquement pour la Chine, ou pour des produits diffusés à l’échelle mondiale. Apple étant Apple, la marque ne fera aucun commentaire à la presse et seuls les journalistes analystes conviés aux appels trimestriels d’information aux investisseurs pourraient peut-être obtenir une réponse vague. Mais vu la criticité du marché des semi-conducteurs, que le volume cible fut de 10% ou de 40%, le résultat final est le même : la perte de cette source empêche Apple de jouer la guerre des prix entre ses fournisseurs. Et lui offre moins de levier pour faire baisser le tarif de ses produits d’entrée de gamme.
Lire aussi : Les USA mettent un frein aux ambitions de la Chine sur les puces mémoire (2018)
Du côté chinois, c’est-à-dire de YMTC mais aussi de l’industrie locale, la perte de ce contrat est tout aussi importante. Car c’est au travers des investissements extérieurs (notamment américains) et de la production de gros volumes de produits que les entreprises du secteur avancent et progressent. Ce sont les énormes volumes de production de puces pour smartphones qui ont permis à TSMC de dépasser Intel dans la course à la finesse des composants. Entre l’embargo sur les technologies américaines, le rapatriement des ingénieurs américains opérant sur le territoire chinois et les blocages au cas par cas des entreprises de production de processeurs (SMIC), de développement de mémoire NAND (YMTC) et RAM (Fujian Jinhua Integrated Circuit), les USA sortent le grand jeu. Le but étant d’entraver au maximum la montée en puissance technologique de la Chine.
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Source : Tom's Hardware (US), Nikkei Asia