Apple ferait partie de la longue liste d’entreprises occidentales (avec Amazon et Tesla) qui profiteraient du travail forcé de la minorité ouïghoure en Chine. Un nouveau rapport, sorti le 29 décembre 2020, par Tech Transparency Project (TTP) incrimine un de ses sous-traitants Lens Technology.
Depuis mars, des rumeurs couraient déjà, mais les accusations et les pressions sont de plus en plus vives. L’entreprise californienne dément néanmoins : Tim Cook a réagi dans la foulée, affirmant qu’aucune personne n’est forcée au travail sur sa propre chaîne de production.
Une « tolérance zéro »
« Apple pratique une politique de tolérance zéro à l’égard du travail forcé. Enquêter sur la trace de travail forcé fait partie de nos prérogatives pour chaque sous-traitant, et cela comprend notamment des audits surprises », a déclaré un porte-parole d’Apple, Josh Rosenstock, dans un communiqué transmis à The Verge et au Washington Post, les deux médias associés au TTP dans les révélations.
« Plus tôt cette année, nous avons confirmé qu’aucun de nos fournisseurs n’avait effectivement recours à des travailleurs forcés dans la chaîne de production d’Apple. »
Mais qu’est-ce qui est reproché à Apple au juste ? Dans la région du Xinjiang, la minorité des Ouïghours, à majorité musulmane, est persécutée par le pouvoir chinois. Entre deux « camps d’éducation » pour désavouer leur religion, ils servent de main-d’œuvre gratuite dans de nombreuses entreprises de la région.
C’est ce qu’affirment plusieurs rapports d’ONG (par exemple celui de l’Australian Strategic Policy publié en mars) concordant avec plusieurs enquêtes de grands médias internationaux. De son côté, la Chine nie. Comme Apple…
« Dans la chaîne de production d’Apple »
Soyons néanmoins attentifs aux termes, comme nos confrères de The Verge. Apple a assuré « aucun de [ses] fournisseurs n’avait effectivement recours à des travailleurs forcés dans la chaîne de production d’Apple ».
Il n’est donc pas démenti que Lens Technology, entreprise avec laquelle Apple travaille effectivement ait recours à la main-d’œuvre gratuite que représente malheureusement la communauté ouïghoure en Chine.
This video shows Uighur workers in front of a red banner that reads “All Workers Sent by the Kashgar Region Human Resources and Social Security Bureau to Lens Tech: Welcome National Day — Sing Red Songs. Be grateful to The Party.” https://t.co/hSiz97kUc5
— Tech Transparency Project (@TTP_updates) December 29, 2020
Une vidéo et des documents à l’appui
Tous les documents publiés aujourd’hui accablent le fournisseur chinois, et éclabousse Apple. Dans une vidéo obtenue par le TTP (voir ci-dessus) on peut voir des centaines d’ouvriers assis en rang d’oignon sur le sol de la cour d’une usine de Lens Technology, adossés à une bannière révélant leur origine (la province du Xinjiang) et leur fonction.
Une pièce à conviction essentielle, pour l’ONG, qui soutient que des Ouïghours sont forcés à travailler chez Lens Technology. Que ce soit pour des composants destinés à Apple ou non, la pièce à conviction est lourde de sens.
D’autres documents partagés avec le Washington Post vont dans le même sens. « Nos recherches montrent que l’utilisation du travail forcé par Apple dans sa chaîne d’approvisionnement va bien au-delà de ce que l’entreprise a reconnu », a déclaré Katie Paul, directrice du TTP. Lens Technology n’a pas souhaité répondre aux sollicitations au journal.
La politique de l’autruche d’Apple va-t-elle convaincre ?
Évidemment, il est aisé de comprendre pourquoi avoir recours (de près ou de loin) au travail forcé est mauvais pour les affaires. Le constructeur Huawei, accusé aussi de faire travailler cette communauté contre son gré, en a récemment fait les frais puisque son égérie française le footballeur Antoine Griezmann a rompu son contrat avec la firme pour cette raison. La société était épinglée pour avoir développé une intelligence artificielle discriminant les Ouïghours.
Au total, plus de 80 000 Ouïghours ont été transférés entre 2017 et 2019 ans des usines constituant les chaînes d’approvisionnement de ces grandes marques internationales, d’après l’ONG Australian Strategic Policy.
La question est désormais de savoir si Apple va et peut se saisir de ce combat. Il a, par le passé, renforcé ses contrôles après des accusations de violations du droit du travail, notamment en publiant depuis 2012 un rapport annuel sur ses fournisseurs. Apple est un groupe si gigantesque qu’il est forcément celui qu’on met en avant en cas de problème. Par extension, c’est celui aussi dont on attend qu’il montre l’exemple.
Une raison de plus pour réduire le poids de la Chine dans sa chaîne de production ? Peut-être. Mais une occasion, surtout, de peser de tout son poids et de combattre pour les droits essentiels, pas seulement au travers d’une déclaration de principe.
En l’occurrence, le lutte ne sera pas aisée. On peut même se demander si Apple n’a pas à faire à trop fort parti. C’est ici à l’Etat chinois et à sa politique répressive que le géant américain fait face.
Sources : The Verge, The Washington Post & Tech Transparency Project
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