A quelques jours de l’ouverture à Paris d’Apple Expo, l’un des grands rendez-vous annuels des aficionados du Macintosh, Steve Jobs aurait quelque raison d’éprouver une certaine lassitude à l’égard des performances de son entreprise. Certes, le charismatique PDG d’Apple peut compter sur la fidélité à toute épreuve des membres de la communauté Apple. Il suffit pour s’en convaincre d’observer le succès de Jaguar, la dernière version du système d’exploitation Mac OS X (10.2 pour la France) : 100 000 copies vendues dans le monde en quarante-huit heures lors de sa sortie, le 24 août.Et, jamais en peine d’un coup d’éclat, la firme de Cupertino réserve une surprise aux visiteurs d’Apple Expo, un iPhone, fusion d’un téléphone mobile et d’un assistant personnel.Pourtant, en dépit de ses tentatives pour séduire de nouveaux clients ?” notamment ceux appartenant au monde Windows ?”, la firme à la pomme peine à confirmer son redressement. Le troisième trimestre fiscal d’Apple, clos le 29 juin, s’est conclu sur un bénéfice net de 32,6 millions d’euros, en recul de 47,5 % par rapport aux chiffres annoncés un an auparavant. Plus grave, ses ventes ont régressé de 3 % à 1,32 milliard d’euros. La société avoue avoir livré 808 000 Mac durant cette période, soit 2 % de moins qu’au troisième trimestre 2001. Moyennant quoi, Apple se voit crédité par le cabinet d’analyses IDC d’une part de marché (en volume) de 4,1 % outre-Atlantique, identique à celle obtenue l’année précédente. Et le groupe se voit relégué à la 8e place dans le classement mondial avec une part de marché de 2,6 % (en volume).“Cela représente une baisse de 3 % d’une année sur l’autre, contre 2 % pour l’ensemble du marché”, constate Loren Loverde, directrice de département chez IDC, en rappelant que la part de marché mondiale d’Apple évolue sous la barre des 4 % depuis 1997. Le constat est préoccupant.Pourtant, à observer tous les efforts réalisés par le groupe depuis plusieurs années pour améliorer sa gestion financière et industrielle, le soin apporté au design ou à l’innovation dans ses produits, la logistique destinée aux opérations commerciales et marketing, le sentiment qui domine, en regard des maigres résultats, est celui d’une certaine frustration.Prenons le produit phare, l’iMac, lancé ?” dans sa version écran plat de 15 pouces ?” au mois de janvier. Coïncidence malheureuse : à la même période, une pénurie de composants, qui entrent dans la fabrication des écrans plats LCD, perturbe le marché… et les ventes d’iMac. Fin mars, 220 000 unités sont livrées, mais les analystes estiment que le constructeur aurait pu en écouler bien davantage. Et au final, le résultat net trimestriel régresse de 7 % à 40,6 millions d’euros…
En retard à l’école
“Nous avons souffert d’une disponibilité tardive qui n’était pas en ligne avec la communication faite autour de ce produit”, déplore Pascal Cagni, directeur général d’Apple pour la région EMEA (Europe, Moyen Orient, Afrique). Si ce phénomène de pénurie s’est, depuis, résorbé, le mal est fait. Les ventes d’iMac ne progressent que de 1,5 % le trimestre suivant. Car, entre temps, la situation du marché micro-informatique mondial continue de se détériorer. Apple est, certes, pénalisé au même titre que ces concurrents. À ceci près que la quête de parts de marché constitue un point crucial pour le constructeur californien. Or, la rentrée scolaire 2002-2003 ne semble pas se présenter sous les meilleurs auspices. Même des bastions historiquement acquis au Mac, comme le marché de l’éducation, sont aujourd’hui attaqués par la concurrence, Dell et Gateway en particulier.Selon une étude sectorielle réalisée outre-Atlantique par le cabinet Quality Education Data citée par notre confrère Business Week, la part de marché d’Apple en milieu scolaire est tombée de 37 % à 26 % en l’espace de trois ans. L’érosion est d’autant plus ennuyeuse que ce secteur génère, selon IDC, plus de 65 % des ventes du groupe pendant le quatrième trimestre fiscal. La dernière création de Gateway, le Profile 4, une machine reprenant à son compte l’écran plat et le concept du tout en un de l’iMac, mais avec un microprocesseur plus puissant, risque de constituer un handicap supplémentaire. Pascal Cagni préfère y voir un signe du succès de la griffe Apple : “Tous les acteurs du monde PC ont plus ou moins tenté l’aventure. Je ne crois pas que le Profile 4 devienne un concurrent de l’iMac. En terme d’esthétisme ou d’ergonomie, cela n’a rien à voir. De surcroît, en matière de suites applicatives, l’offre n’est pas à la hauteur de la nôtre.” Certes. Encore faut-il que le client soit persuadé par la notion de “hub multimédia”, chère au Macintosh, et qu’il accepte le surcoût imposé par la marque. “En dépit d’efforts tarifaires importants, Apple reste sous la pression des acteurs du monde PC”, constate Loren Loverde.Dans ce contexte, la nouvelle stratégie de ventes au détail décidée par Steve Jobs ?” 29 boutiques Apple sur une cinquantaine de prévues sont déjà ouvertes ?” est-elle justifiée ? Le PDG table sur une reprise du marché micro-informatique dans 6 à 9 mois.Pour certains consultants, il faudra encore attendre un an… Innovation marketing, mais aussi pari financier, le réseau de boutiques pourrait vite devenir un casse-tête pour Fred Anderson, le directeur financier.
Des investissements freinés
Par ailleurs, il serait illusoire d’espérer, à court terme, une quelconque reprise des ventes dans les segments professionnels, à l’exception peut-être de celles intéressant le nouveau serveur Xserve, machine capable de gérer aussi bien des environnements Apple, Windows ou Unix. Les acteurs de l’édition ou de la publicité, essentiels dans l’activité du groupe, freinent des quatre fers à l’idée d’investir dans de nouveaux équipements. Les ventes de Power Mac ont d’ailleurs reculé de 21 % au cours du troisième trimestre. Pis : chez certains professionnels de l’édition traditionnellement fidèles, la grogne est perceptible, face à des Power Mac équipés du double processeur G4, mais qui sont désormais incapables de rivaliser avec les machines de la concurrence…
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