Pendant longtemps, Apple a fait partie de ces entreprises qui ne croient pas au lobbying. Steve Jobs pensait que ses produits se suffisaient à eux-mêmes, et son entreprise pesait à peine de son poids à Washington et à Bruxelles. Puis l’entreprise a pris de l’ampleur, s’est mise à l’heure de l’iPhone et de son modèle fermé, et les choses ont commencé à changer.
Le passage de Donald Trump à la Maison blanche a également été l’occasion pour Tim Cook de devenir un des patrons de la Silicon Valley le plus visible, le plus « politique » d’une certaine manière, son pragmatisme et sa volonté de préserver les intérêts d’Apple et de la Vallée en faisant un interlocuteur régulier de l’ancien président.
Des dépenses et des tentatives d’influence en hausse
Selon un article de Bloomberg, la société augmente régulièrement ses dépenses de lobbying aux Etats-Unis et embauchent des connexions à Washington pour faire entendre sa voix et défendre ses intérêts.
Ces derniers mois ont été nourris par un sentiment d’urgence, les mesures antimonopolistiques qui sont actuellement examinés au Congrès et au Sénat pourraient être votées avant la pause estivale des législateurs américains. Or, un des points phare de ces propositions de loi vise le jardin fermé qu’est l’App Store. Les Sénateurs américains veulent mettre un terme à ce modèle fermé et forcer Apple à s’ouvrir au side loading, afin qu’il soit possible d’installer des applications sur iPhone et iPad depuis d’autres magasins applicatifs que l’App Store.
Pour les six premiers mois de cette année, Apple aurait dépensé 4,6 millions de dollars en lobby au niveau fédéral. C’est en soit un record, avec 1,5 million de dollars de plus que pour la même période l’année dernière. Cette somme est à répartir entre les deux trimestres passés. Le premier a vu Apple mettre 2,7 millions sur la table, tandis que le deuxième trimestre n’a totalisé que 1,9 million de dollars de dépense de lobbying.
Mais les Etats-Unis ne sont pas le seul endroit où Apple injecte davantage de fonds pour faire entendre ses positions. Son budget d’influence aurait ainsi doublé à la Commission européenne en passant de 3,5 millions d’euros pour les années 2019-2020, à au moins sept millions d’euros pour 2021 et 2022, selon le rapport The lobby network : Big Tech’s Web of influence in the EU.
Depuis le début de l’année 2021, Apple a ouvert trois nouveaux « centres de lobbying », liés à des législateurs clés. Apple a même débauché d’ancien assistant de la sénatrice démocrate Amy Klobuchar, qui mène une des campagnes contre les Big Tech. Apple compterait désormais 65 lobbyistes dans ses rangs, en interne, contre 43 en 2015. Si la croissance d’une cinquantaine de pourcent est importante, ce nombre demeure toutefois très inférieur à celui qu’affiche d’autres géants de la Silicon Valley.
Toutefois, cette présence accrue pourrait avoir l’effet inverse de celui attendu. Selon Bloomberg, plusieurs assistants parlementaires ont en effet indiqué que ces méthodes se rapprochent davantage de celles de Meta, par exemple, qui est toujours extrêmement agressif dans sa communication et pas forcément bien vu.
Des réussites partielles et le rôle central de Tim Cook
Néanmoins, Bloomberg croit savoir que les efforts d’Apple ont peut-être partiellement porté leurs fruits. La dernière version du texte antitrust American Choice and Innovation Act aurait ainsi été modifiée pour faciliter la vie des grandes entreprises qui, dans certains cas, pourraient nier avoir adopté une position monopolistique en déclarant que leur décision était « raisonnablement conçue sur mesure » pour protéger la vie privée des utilisateurs.
Il faut dire que le premier avocat d’Apple reste Tim Cook, qui n’hésite pas à venir régulièrement à Washington, parfois deux fois par mois, pour exposer les positions de son entreprise. Quand le PDG d’un groupe aussi gigantesque qu’Apple se déplace lui-même le message passe différemment, avec davantage de force. Surtout quand le discours général tend à répéter qu’Apple n’est pas comme les autres géants de la Tech et que son modèle économique ne repose pas sur l’aspiration des données personnelles de ses utilisateurs. Evidemment, les défenseurs des projets de loi antitrust auxquels s’oppose Apple ne sont pas de cet avis.
Alors qu’Apple avait jusqu’à présent été beaucoup plus discret que ses concurrents, cette intensification de sa présence à Washington montre, pour certains spécialistes, à quel point le géant de Cupertino s’inquiète des lois en cours d’examen. Au-delà des risques éventuels sur la vie privée de ses utilisateurs, c’est en effet tout son modèle économique très contrôlé qui est menacé.
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Source : Bloomberg