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Apple Arcade : pourquoi Apple a tout à y gagner… et les joueurs aussi

Présenté à l’occasion de la première keynote d’Apple dédiée à des services, l’Apple Arcade est une offre d’abonnement pour les joueurs. Un bon pari pour Apple et les joueurs ? 

Et si l’avenir de l’App Store tenait en deux mots : Apple Arcade ? Un peu moins d’un an après avoir fêté les dix ans de leur kiosque de téléchargements, les équipes de Tim Cook entament, l’air de rien, une mue du modèle que l’App Store a érigé. Un vent de changement dont il est essentiel de définir l’ampleur, même si beaucoup de questions restent en suspens.

L’Apple Arcade n’est pas un App Store 2.0

Commençons par faire un rapide point. Le jeu vidéo mobile, sur iOS et Android, représente 40% des 194 milliards de téléchargements effectués en 2018 pour environ 75% des revenus générés, soit à peu près 75 milliards de dollars, nous rappelle Bertrand Salord, vice-président marketing d’App Annie, plate-forme de données marché et d’analyse sur les écosystèmes applicatifs Apple et Google.

Des sommes astronomiques qui pourraient laisser penser qu’Apple prend un gros risque en s’engageant sur la voie de l’Apple Arcade, qui va proposer un abonnement pour accéder à des jeux payants « nouveaux et exclusifs ». Mais pour Bertrand Salord, le danger est très mesuré. En effet, « entre 95 et 98% du total des revenus du gaming mobile viennent des achats intégrés », analyse le représentant d’App Annie. « Les applis payantes représentent donc une petite partie du marché. », explique-t-il. Pour lui, le modèle de l’abonnement n’est pas tant la marque d’un App Store 2.0 qu’une « nouvelle offre de monétisation qu’Apple propose sur une catégorie de jeux qui n’étaient pas si bien monétisés que ça dans l’App Store. »

Une offre pour capitaliser sur l’existant

En définitive, avec l’offre Arcade, Apple « ouvre une troisième voie de monétisation, qui ressemble beaucoup à ce qu’[il] a fait dans la musique. » Alors qu’Apple Music a été un moyen d’offrir un service à des gens qui achetaient de moins en moins de morceaux à l’unité, Apple Arcade est une offre pour une minorité qui achète des jeux sur mobile. Il y a donc clairement une volonté de « chercher des leviers de croissance pour Apple », relève Bertrand Salord. Mais le géant de Cupertino « ne va pas chambouler le marché du gaming, le modèle freemium va continuer à dominer », prophétise-t-il, en estimant, prudent, qu’il faudra toutefois attendre et connaître les clés de répartition des revenus pour juger réellement du potentiel et des effets éventuels de cette offre.

De son côté, Piers Harding-Rolls, directeur de recherche et analyse pour IHS Markit, voit dans l’Apple Arcade une double réponse, un double bouclier dressé face à l’évolution du marché du jeu vidéo, notamment ébranlé par le cloud gaming.

« Apple réalise un mouvement stratégique anticipé pour à la fois protéger les revenus de son App Store, tandis que ces nouveaux services [de cloud gaming, ndr] visent de plus en plus les appareils iOS, et pour augmenter également ses marges potentielles grâce à un service de jeux de qualité », expliquait-il dans un post sur le site d’IHS Markit, publié au lendemain de l’annonce.

Pas de révolution donc, mais une offre qui capitalise sur l’existant. Piers Harding-Rolls souligne d’ailleurs ce point et en fait un atout. Apple Arcade sera accessible à un très grand nombre, très rapidement. En effet, il fonctionnera aussi bien en ligne que hors ligne et il sera disponible dans 150 pays à son lancement sans besoin de compter sur d’hypothétiques connexions 5G, puisqu’il ne repose pas sur du streaming.

La question des revenus

Si Apple ne semble donc pas enclin à révolutionner mais plus à pérenniser et améliorer, une question se pose néanmoins : celle de la distribution des revenus, de la rémunération des créateurs des jeux. Avant l’annonce officielle, des rumeurs laissaient entendre que les éditeurs et développeurs pourraient être rémunérés en fonction du temps passé dans leurs applications.

Pour Bertrand Salord, cette position serait « une bonne unité de mesure, plus juste qu’une rémunération à l’installation ». En revanche, en ce qui concerne la clé de répartition globale, toujours prudent, le vice-président marketing d’App Annie, estime qu’il est difficile de savoir ce qu’Apple va faire. Traditionnellement, sur l’App Store, la société de Cupertino applique toujours son fameux 70/30. 
Si on regarde du côté de la musique, les pourcentages sont quasiment identiques. Au lancement d’Apple Music, le site américain Recode indiquait qu’Apple reversait entre 70 et 73% du montant des abonnements perçus. Demeurent donc quelques inconnues. Des réponses pourraient être fournies lors de la WWDC, destinées aux développeurs ou plus tard, lors du lancement de l’Apple Arcade.

Mais, quoi qu’il en soit, un détail d’importance pourrait changer la donne. Non seulement Apple travaille main dans la main avec les développeurs et éditeurs, mais la société de Tim Cook finance ou cofinance aussi certains des titres qui seront disponibles. Une première ! Apple endosse ainsi un nouveau rôle et dessine un autre modèle, bien distinct de celui choisi par Google récemment avec son offre de cloud gaming.

Qui d’autre y gagne ?

Les développeurs de jeux ont donc clairement à gagner à cette implication nouvelle. Un des enjeux de l’App Store, même avec la nouvelle formule et l’effort d’éditorialisation, est la mise en avant des titres disponibles. Il est difficile pour les développeurs de sortir du lot, d’être remarqués. « Avec 300 000 jeux dans l’App Store, c’est particulièrement vrai pour les développeurs qui font des jeux payants de qualité », jugeait Piers Harding-Rolls. Ces titres « sont de plus en plus marginalisés à cause d’un raz de marée de contenu en accès gratuit ».

Arcade propose donc une réponse : une zone protégée, avec une curation qui sert à mettre en avant les jeux premium. Mais cela pose la question du devenir des autres jeux payants ? Que va-t-il se passer pour les titres moins ambitieux mais tout aussi distrayants ? N’y a-t-il pas un risque d’appauvrissement de l’offre ? Resteront-ils dans l’App Store classique ? Seul le temps pourra répondre à ces interrogations.

Une certitude ressort néanmoins de cette annonce de l’Apple Arcade, les joueurs qui considèrent iOS (et tvOS) comme une véritable plate-forme de jeux, par goût ou simplement en y passant du temps, auront eux aussi tout à gagner de cette offre qui leur apportera plus de titres dignes d’un vrai écosystème dédié aux jeux.
Il ne faudra pas non plus négliger l’apport de macOS dans cette affaire. Toutefois, pour l’instant, iOS pèse bien plus lourd. Tant que le projet Marzipan, qui permettra en un développement de porter des applications sur toutes les plates-formes d’Apple, n’est pas encore ouvert à tous les développeurs, macOS revient à la portion congrue.

Bien entendu, il faudra qu’Apple enrichisse constamment son offre. Les plus de 100 jeux du départ devront être rejoints promptement par d’autres pour que le coût de l’abonnement en vaille la peine sur le long terme. Un coût qui reste encore un mystère, même si les 9,99 dollars ou euros semblent une norme actuellement. Aussi séduisante soit la promesse, c’est en définitive, ce dernier détail d’importance qui permettra de savoir si les joueurs auront intérêt à adopter l’Apple Arcade et son modèle d’abonnement. Pour le savoir, rendez-vous à l’automne, iPhone en main.

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Par : Opera

Pierre FONTAINE