Si l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) devait être sanctionnée pour ses chantiers inachevés, elle se serait gardée d’ouvrir celui de la baisse des appels fixes vers mobiles : étalée sur trois ans, la baisse qu’elle vient de proposer n’est que marginale. Actuellement, un appel fixe vers un mobile coûte environ 2 francs la minute, soit trois fois plus qu’un appel entre abonnés fixes ! Reconnaissons cependant à l’ART le mérite de révéler au grand jour une souricière dont l’impunité des bénéficiaires repose sur la discrétion du mécanisme : les opérateurs mobiles encaissent davantage avec un appel reçu d’un téléphone fixe que d’un mobile.Ces appels représentent ainsi un tiers du chiffre d’affaires de la téléphonie mobile (691 millions d’euros au premier trimestre 2001), alors qu’ils ne concernent que 4,6 % du temps passé à téléphoner. En 2001, avec trente-quatre millions d’abonnés mobiles, le financement de la téléphonie mobile repose donc sur un prélèvement douloureux et abusif… qui devait être transitoire. Le gouvernement n’a donc pas échangé la réduction du prix des licences UMTS contre une baisse des appels fixes vers mobiles. La mesure aurait pu s’appliquer pour Noël ! Pourquoi cette négligence ? Sans doute parce que le principal bénéficiaire de cette hypertaxation est Orange/France Télécom. L’Etat préfère défendre le financement de son champion que le pouvoir d’achat du consommateur français. Politiquement, quelle erreur ! Les conséquences sont catastrophiques pour les opérateurs alternatifs, qui acheminent un trafic de plus en plus important mais de moins en moins rentable. En effet, ils reversent l’essentiel de la recette de l’appel fixe vers mobile aux opérateurs mobiles. Au tarif actuel, le consommateur choisit de plus en plus le mobile pour appeler un mobile s’il a le choix.L’objectif de trois ans de l’ART représente une éternité pour ces opérateurs, dont la plupart sont mal en point. Le régulateur l’ignore-t-il ? Il se métamorphose en spectateur morbide d’une trop longue corrida, opposant trois détenteurs de licences mobiles ?” les toréadors ?” à cent opérateurs de téléphonie fixe ?” les taureaux. Sorti tardivement du monopole de France Télécom, le marché des télécommunications français instaure de fait celui des trois opérateurs de téléphonie mobile en métropole. Comme souvent sur ce marché, l’exemple est anglais. Dès 1999, le régulateur britannique, soucieux de défendre les personnes à faible revenu, a engagé une politique de baisse des appels fixes vers mobiles, visant le tarif de 70 centimes la minute. Un marché qui représentait moins du quart des revenus des opérateurs mobiles en 2000. Le gouvernement anglais a toujours privilégié la mission du régulateur à l’intérêt de BT. Chez nous, le capitalisme d’Etat est plus fort que l’idée républicaine d’un partage du revenu juste et durable entre consommateurs, opérateur historique et alternatifs. Un alignement du prix des appels fixes vers mobiles sur celui des appels entre fixes représenterait un gain de pouvoir d’achat d’environ 30 euros par abonné et par mois. L’équivalent d’une hausse du Smic de 3 %. La facture de téléphone devient politiquement parlante. Quel candidat fera preuve de réalisme et nous en parlera le premier ? LART lui a préparé le terrain.
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