Une initiative d’une centaine d’entreprises comme Airbus, Dassault Systems et OVHCloud, et une autre de neuf pays de l’Union européenne dont la France : depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et le revirement géopolitique des États-Unis, les appels à une Europe plus autonome et moins dépendante des entreprises américaines, dans le secteur du numérique et des semi-conducteurs, se sont multipliés. Ces derniers jours, deux initiatives, l’une provenant des États-membres européens, l’autre du secteur privé, ont vu le jour.
À commencer par ce qu’on appelle « l’initiative Eurostack » : une lettre ouverte a d’abord été adressée à Bruxelles le 14 mars dernier – le courrier, rédigé par des experts en économie, et signé par une centaine d’entreprises et d’organisations des nouvelles technologies et de l’industrie européennes, appelle l’exécutif européen à prendre « des mesures radicales et efficaces ».
Le message d’Airbus, d’OVHCloud, d’Ecosia, de NextCloud, de Proton, de Scaleway, de Dassault Systèmes ou encore de la banque publique d’investissement française BPIFrance, est simple : face au changement géopolitique des États-Unis, la Commission européenne doit œuvrer pour soutenir une « infrastructure numérique souveraine », de quoi viser « une autonomie stratégique dans des secteurs clés », plaident-ils.
Les auteurs de la lettre rappellent que le Vieux continent dépend de nombreuses étrangères non européennes « sur le plan technologique à tous les niveaux de son infrastructure numérique critique : de l’infrastructure logique – applications, plateformes, médias, modèles d’IA – à l’infrastructure physique – puces, informatique, stockage de données et connectivité », écrivent-ils. Or, « les multiples dépendances actuelles de l’Europe créent des risques de sécurité et de fiabilité, compromettent notre souveraineté et nuisent à notre croissance », s’alarment-ils.
Au programme : acheter européen, open source et EUCS high +
Concrètement, les signataires demandent que le secteur public soit contraint « d’« acheter européen », c’est-à-dire de s’approvisionner en solutions européennes et assemblées (tout en reconnaissant que celles-ci peuvent impliquer des écosystèmes et des chaînes d’approvisionnement complexes) ». Grâce à la commande publique, les entreprises européennes pourront peu à peu monter en gamme et en puissance, de quoi rivaliser avec leurs homologues américains ou asiatiques.
Parmi les autres leviers d’autonomie : les auteurs de la lettre notent le fait de soutenir « des solutions open source et l’interopérabilité ». Ils plaident aussi pour la mise en place de labels de certification, pour que les entités publiques ou privées puissent choisir des clouders « souverains » non soumis aux lois extraterritoriales américaines, pour leurs données les plus sensibles. De quoi remettre sur le devant de la scène le niveau « high + » de l’EUCS, le plus haut label de cybersécurité actuellement négocié à Bruxelles et pour l’instant bloqué en raison d’absence de consensus sur l’exclusion ou non des hyperscalers américains. Aujourd’hui, une partie du marché est dominée par les entreprises américaines du cloud (Amazon Web Services, Microsoft Azure, Google Cloud), des sociétés soumises au Cloud Act et à la loi Fisa.
Des États-membres qui créent une coalition pour les semi-conducteurs
La centaine d’entreprises et d’organisations appellent aussi à réorienter le programme « Digital Decade » vers des « projets pertinents pour le marché ». Pour ces derniers, Bruxelles doit créer un « fonds d’infrastructure souverain pour soutenir les investissements publics » notamment sur le secteur du quantum et des semi-conducteurs.
C’est dans ce dernier domaine qu’une autre mesure, provenant cette fois de neuf pays de l’UE, a été initiée, le 12 mars dernier. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, l’Espagne, la Belgique, la Finlande, l’Autriche et les Pays-Bas – qui abritent le champion européen des machines de semi-conducteurs ASML – ont signé une déclaration commune, qui vise à renforcer « la position de l’Europe dans la chaîne » des semi-conducteurs. Il ne s’agit pas seulement d’une « priorité économique, mais aussi d’une nécessité stratégique pour maintenir la prospérité et la sécurité », écrivent-ils dans un communiqué commun.
Dans ce texte, ils s’engagent à « garantir la souveraineté technologique, la résilience et l’autonomie stratégique » du Vieux continent. Ils souhaitent notamment renforcer leur coopération pour « soutenir la recherche, et augmenter les capacités de production » du secteur décrit comme une « nécessité stratégique » pour l’Europe. En pratique, cette coalition devrait évaluer et réajuster si besoin les actions menées dans le cadre du Chips Act européen, le plan de l’UE sur les semi-conducteurs aux 43 milliards d’euros.
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