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App porno « approuvée » : Apple réfute, sans convaincre

Horreur et malédiction, Apple aurait « approuvé » une application porno distribuée dans une boutique alternative en Europe. Le constructeur est immédiatement monté sur ses grands chevaux, en accusant nommément l’Union européenne de le forcer à accepter des apps de « pornographie hardcore ». La réalité est beaucoup plus nuancée.

Apple a décidé d’utiliser le cas Hot Tub pour démontrer la dangerosité supposée des boutiques alternatives, et par extension du règlement sur les marchés numériques (DMA) que lui impose l’Union européenne. Rapide rappel des faits : ce lundi, AltStore PAL, une des premières boutiques alternatives iOS, a ajouté Hot Tub à son catalogue, qui se trouve être une application donnant accès à du contenu pornographique. En l’occurrence, c’est un moteur de recherche vers des vidéos hébergées par PornHub et les principaux services du genre.

Apple en guerre contre le DMA

L’annonce d’AltStore PAL a provoqué un branle-bas de combat chez Apple, qui dément le fait d’avoir « approuvé » Hot Tub. Comme toutes les applications distribuées dans les boutiques alternatives, celle-ci est pourtant passée sous les fourches caudines du constructeur pour obtenir une notarisation. Il s’agit d’un processus par lequel Apple doit s’assurer de l’innocuité des applications. Pas question d’y retrouver des malwares, par exemple.

Les guidelines de la notarisation sont claires : l’opérateur d’une boutique alternative ne peut pas se prévaloir d’une « approbation » d’Apple pour les apps notariées. On peut ainsi lire dans la règle 5.2.4(a) : « Approbations d’Apple : ne suggérez pas et n’impliquez pas qu’Apple est une source ou un fournisseur de l’application, ou qu’Apple approuve une quelconque déclaration concernant la qualité ou les fonctionnalités [de l’app] ».

Et pourtant, dans le cas de Hot Tub, Apple a bien « approuvé » l’application, comme le prouve Riley Testut le développeur d’AltStore en partageant la validation reçue par le constructeur ! Noir sur blanc, la firme à la pomme confirme que l’app a été dûment approuvée pour distribution… Apple peut protester et parler du « mensonge » d’AltStore PAL, la réalité est têtue.

App Store Altstore Hot Tub
© Riley Testut

Elle l’est d’autant plus qu’à plusieurs reprises par le passé, Apple a utilisé la notarisation pour empêcher la distribution d’applications dans une boutique alternative, non pas pour des raisons strictement techniques ou de sécurité, mais parce qu’elles contenaient des éléments qui déplaisent au constructeur.

L’émulateur Mini vMac a ainsi été retoqué à cause du mot « Mac », une marque déposée par Apple. L’argument peut s’entendre, mais ça n’a rien à voir avec la notarisation. L’Epic Games Store a aussi eu maille à partir avec Apple, qui a rejeté la boutique à plusieurs reprises pour des questions de design.

Apple joue la partition de l’outrage, en rappelant au passage une casserole de PornHub qui a reconnu en 2023 son implication dans des transactions financières illégales liées à la traite des êtres humains. Apple dénonce aussi l’existence d’une catégorie « teens » (« ados ») sur la plateforme interdite aux moins de 18 ans. C’est effectivement problématique même si le contenu de cette section, et du site au complet, n’est censé proposer que des vidéos réalisées par des adultes majeurs.

La plateforme rappelle régulièrement qu’elle a « zéro tolérance » pour « le contenu non consensuel, l’abus sexuel des enfants et tout autre contenu qui n’a pas fait l’objet d’un consentement de toutes les parties impliquées ».

Est-ce réellement le rôle d’Apple de se poser en gardien de la bonne moralité ? Probablement pas, car l’entreprise autorise un bon nombre d’apps permettant d’accéder à du contenu coquin. Pas besoin de fouiller très loin dans les applications des réseaux sociaux (Reddit, X/Twitter…) pour se rincer l’œil. Pire encore, avec Safari, Apple met le porno — et pire encore — à portée de clic ! Faut-il pour autant interdire ces applications ?

Apple implique également Epic dans l’histoire. Le créateur de Fortnite couvre les frais qu’AltStore devrait verser à Apple, notamment les Core Technology Fee (CTF) de 0,50 € pour chaque installation d’app depuis une boutique alternative. AltStore, qui faisait payer environ 1 € son installation, est depuis proposé gratuitement : n’importe quel Européen peut donc utiliser la boutique sans avoir rien à payer et donc accéder à cette « pornographie hardcore » grâce à Epic.

L’argument de la gratuité est plutôt étrange, sachant que les applications des réseaux sociaux distribuées dans l’App Store sont elles aussi gratuites et qu’elles permettent de voir des contenus pornos sans qu’Apple s’en émeuve.

Au-delà des questions de sémantique, de la nature de la notarisation ou de l’app incriminée, Apple veut faire passer le message qu’elle a les mains liées par la Commission européenne, prévenue en décembre dernier de la demande de notarisation de Hot Tub et qui n’y a vu rien de mal. Le DMA interdit à Apple d’empêcher l’apparition de contenus « répugnants » sur les boutiques alternatives.

En janvier 2024, le constructeur déplorait son manque de moyens pour gérer les risques que feraient courir ces boutiques alternatives, « notamment les applications contenant des arnaques, des fraudes et des abus, ou exposant les utilisateurs à du contenu illicite, choquant ou nuisible ». Sous-entendu : l’App Store officiel est le seul magasin sécuritaire.

L’entreprise devrait balayer devant sa porte : on ne compte plus les applications autorisées sur l’App Store qui cachaient des arnaques ou permettaient l’accès à des contenus illicites. Un rapport récent pointait l’existence de nombreuses apps destinées aux enfants qui encouragent des normes irréalistes de beauté et des pratiques alimentaires dangereuses, ou qui contiennent des contenus violents ou glorifiant des activités criminelles.

Lire Distribution d’apps malveillantes pour les enfants : un rapport accablant pour Apple

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Par : Opera

Mickaël Bazoge