Vous ne vous souvenez pas des annonces concernant Android Wear faites lors de la dernière Google I/O ? C’est normal, Google n’a pas abordé le sujet lors de sa conférence tenue au printemps 2017. Quelques semaines plus tôt, l’entreprise avait pourtant lancé la version 2.0 d’Android Wear, accompagnée de deux montres LG. Compatibles 4G et réservés au marché américain, les produits sont aujourd’hui introuvables chez Sprint et T-Mobile, deux des plus grands opérateurs locaux. AT&T ne commercialise quant à lui qu’une version reconditionnée. De son côté, Verizon a tout simplement décidé d’annuler la sortie du produit dans ses magasins.
Android Wear ne se vend pas
Moins d’un an plus tard, ce qui devait signer le renouveau d’Android Wear n’existe plus, ou presque. Android Wear 2.0 a bien sûr été déployé sur d’autres montres existantes, mais les fabricants comme Motorola, Asus ou Huawei semblent avoir oublié leurs produits lancés en 2016, qui n’ont jamais eut droit à un successeur. En 2017, aucune de ces marques n’a présenté de montre Android Wear.
Cette absence de nouveautés a de multiples explications. La plus évidente est le manque de demande. D’après les chiffres publiés par le cabinet IDC, le gros des ventes est réalisé par Xiaomi, Fitbit, Apple et Garmin. Présent parmi les cinq acteurs les plus importants, Huawei doit essentiellement son succès à des bracelets connectés pour le sport. En un mot, Android Wear ne se vend pas.
Le problème Google
Pour mieux comprendre la situation, il faut se rappeler que trois types d’acteurs partagent cet échec. Le fabricant de la montre, le fournisseur des composants et le concepteur de la partie logicielle, c’est-à-dire Google.
Il y a un an, les montres LG sorties sous Android Wear 2.0 laissaient toujours apparaître les principales faiblesses de l’interface logicielle. Une simple itération d’un OS qui ne fait que courir après Apple, notait The Verge. Un manque d’applications disponibles, regrettait TechRadar, pourtant séduit par le produit. De son côté, CNET déplorait un OS encore trop instable.
Ces remarques ne sont pas nouvelles. La version 2.0 d’Android Wear ne fait qu’atténuer les défauts d’un système fortement pénalisé par un univers applicatif très limité. Ce handicap ne concerne pas que les fabricants de montres sous Android Wear. Samsung, dont les montres fonctionnent grâce son propre OS (Tizen), est également loin derrière Apple dans le domaine. Mais le sud-coréen a au moins la main sur l’ergonomie logicielle, la négociation de partenariats stratégiques et sur les composants de ses montres.
Le problème Qualcomm
Comme sur ses smartphones, Samsung a décidé d’intégrer son propre processeur aux Gear S3 et Gear Sport. De leur côté, Motorola, Huawei ou LG doivent s’appuyer sur la plateforme technique mise au point par Qualcomm, la puce Snapdragon Wear 2100, sortie en février 2016. Deux ans plus tard, la firme américaine n’a pas présenté de nouveau processeur dédié aux montres connectées.
Une situation regrettée par le journaliste Ron Amadeo d’Ars Technica, qui rejette la responsabilité des difficultés d’Android Wear sur Qualcomm. Comme il le souligne, les fabricants n’ont à leur disposition qu’une puce vieille de deux ans, peu performante, gravée en 28 nm (contre 14 nm pour l’Exynos 7270 de Samsung présent sur la Gear), comme les processeurs qui équipaient les smartphones haut de gamme… de 2013. A l’échelle de l’évolution du marché des montres connectées, cela revient à lutter avec une lance contre un bazooka. A fortiori lorsque le concurrent s’appelle Apple.
watchOS se vend
Chez Qualcomm, l’arrêt du programme Snapdragon Wear n’est pas acté. Interrogé, l’un des cadres de l’entreprise confirme que le travail sur un prochain processeur pour montre connectée est toujours en cours. Ces derniers mois, le développement a pu être influencé par la sortie de l’Apple Watch Series 3, compatible 4G et équipée d’une carte SIM virtuelle, admet-il. Entre les lignes, on comprend que Qualcomm mise aussi sur l’eSIM. Et on peut le comprendre.
Depuis sa sortie, l’Apple Watch Series 3 s’est écoulée à 9 millions d’exemplaires, d’après le cabinet Canalys. Sur l’année 2017, 18 millions d’Apple Watch auraient été écoulées, soit une hausse de 54% par rapport à 2016. Des chiffres qui ne suffisent pas à faire sortir la montre de la ligne « autres produits » des rapports financiers d’Apple, dont les revenus sont toujours mêlés – entre autres – à ceux de l’Apple TV et des casques Beats. Mais ces deux produits ont-ils attiré les foules au point d’être responsables de la hausse de 36% (sur un an) du chiffre d’affaires ? C’est peu probable.
A ce jour, la situation des montres connectées n’est pas sans rappeler celle des smartphones il y a dix ans, avec un Apple en position de leader et Google tentant d’agréger d’autres fabricants autour de lui. Pour autant, l’avenir risque d’être différent.
Une normalisation impossible ?
Rapidement, les smartphones sous Android ont offert une expérience comparable à celle de l’iPhone, pour un prix largement inférieur. A l’époque, le smartphone était un appareil totalement nouveau, voué à se vendre partout dans le monde. Parmi les millions de clients visés par les fabricants de montres connectées, nombreux ont déjà une montre, qu’ils devront remiser au placard.
Surtout, Android Wear peut-il être normalisé comme Android l’est aujourd’hui? Malgré de nouveaux formats 18:9, avec ou sans encoche, le smartphone reste essentiellement un rectangle à garnir d’informations, entouré de trois ou quatre boutons. Avec Android Wear, Google doit d’abord rendre ergonomique une dalle de quelques dizaines de millimètres, puis s’adapter à des formats presque aussi nombreux que les différents constructeurs. Déjà difficile sur smartphone – Microsoft peut en témoigner, la tâche s’avère encore plus complexe lorsqu’il s’agit de convaincre les développeurs de travailler sur des applications dédiées à des montres dont les ventes sont pour le moins sporadiques.
Davantage que sur smartphone, maîtriser les environnements logiciel et matériel semble indispensable pour quiconque veut s’attaquer à Apple. C’est l’option prise par Samsung, qui travaille à la fois sur l’OS, le processeur et le design de ses montres connectées. Ce qui ne l’a pas empêché d’oublier de sortir la Gear S4 en 2017. Sur ses smartphones, Huawei intègre ses propres puces, qui n’ont plus grand chose à envier à celles de Qualcomm.
Si le géant chinois décidait de miser plus gros sur ses montres connectées, il aurait largement les moyens de développer son processeur et son univers logiciel. Google se retrouverait ainsi avec Android Wear entre les mains, sans partenaire majeur. La survie de l’OS pourrait éventuellement passer par une montre entièrement conçue par ses soins. Mais serait-ce réaliste, dans la mesure où Google a attendu dix ans pour sortir son propre smartphone ?
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