l’Oi : Comment réagissez-vous à l’invalidation de la loi Création et Internet par le Conseil constitutionnel ?AC : C’est une décision exceptionnelle et forte. Il est essentiel que le Conseil constitutionnel ait reconnu que l’accès à Internet est une liberté fondamentale. Il s’appuie sur les travaux du Parlement européen et sur la Déclaration des droits de l’homme, soit la liberté d’expression. Toute la partie concrète de censure des abonnés – sanctions automatiques, coupures d’accès – a été rejetée face au respect de la vie privée. Cela devra dorénavant passer par une autorité judiciaire, avec une procédure plus équitable, contradictoire, mais plus longue. L’équilibre est rétabli entre les droits des citoyens et ceux des auteurs. Il n’y a plus de discrimination pour les utilisateurs de logiciels libres.l’Oi : Pourquoi considériez-vous cette loi comme inadaptée ?AC : Le but affiché du gouvernement est de sauver les industries culturelles. Ce n’est pas la bonne démarche. On ne peut pas décréter que les ventes de disques vont remonter ni faire retourner les citoyens dans les magasins. Pas un centime n’est dévolu aux artistes. Ce projet était centré uniquement sur les majors qui font un lobbying intense au niveau européen mais qui fonctionnent sur un modèle ancien inadapté au monde numérique. Cette loi ne défendait pas les intérêts des artistes mais des intérêts sectoriels.l’Oi : Quelles en étaient les limites ?AC : Nous étions choqués par les sanctions disproportionnées et les procédures intrusives que nécessitait son application. La sécurisation du poste de travail, qui débouchait sur la riposte graduée, était une mesure scandaleuse. Elle perd maintenant tout son intérêt. Le monde de la culture est bien au-delà de celui des majors. Tous les moyens d’échange de production culturelle sont dans un autre schéma. Cette loi ne correspondait pas du tout à la réalité de la société. Elle était juridiquement complexe et butait sur l’ignorance et l’incompétence technologique de ceux qui veulent la mettre en œuvre.l’Oi : Quels étaient les points qui vous heurtaient le plus ?AC : La présomption d’innocence était totalement entachée par cette loi. En effet, en tant que citoyen, on n’a pas de moyens d’apporter la preuve de sa bonne foi. En pratique, comment prouver concrètement que l’on n’a pas téléchargé ? Avec le numérique, on ne peut pas avoir d’alibi. L’introduction de mouchards filtrants sur les postes utilisateurs était par ailleurs inadmissible et contraire à l’esprit du logiciel libre.l’Oi : Comment voyez-vous l’avenir de cette loi ?AC : Elle sera vite laissée à l’abandon car elle s’est vidée de sa substance. Le fait qu’il faille dorénavant se référer à une autorité judiciaire va demander des moyens financiers énormes pour instaurer une juridiction spécifique. Il y aura de fait une disproportion entre les objectifs poursuivis et les moyens pour les atteindre. Par ailleurs, les industries culturelles et notamment les sociétés de gestion collective sont d’ores et déjà en train de réfléchir à un système de financement mutualisé de type licence globale. On repart sur de nouvelles bases, plus saines.
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