Après IBM, Amazon met un coup d’arrêt à l’utilisation de la reconnaissance faciale. La société de Jeff Bezos a annoncé, mercredi 10 juin, la mise en place d’un moratoire autour de l’usage par la police américaine de son logiciel de reconnaissance faciale. Pendant un an, les services de police ne pourront, donc, plus utiliser « Rekognition ».
Des craintes attisées par la mort de George Floyd
Cette décision marque l’apogée d’une bataille de deux ans qui opposait Amazon et des militants défenseurs des libertés civiles. Ces collectifs avaient exprimé leurs inquiétudes à propos des correspondances inexactes établies par le logiciel, qui pouvaient conduire à des arrestations injustes.
Une étude antérieure avait montré que le logiciel d’Amazon avait du mal à identifier le sexe des personnes non-blanches – des résultats contestés par l’entreprise. Le constat est pourtant étayé par plusieurs exemples. La mort de George Floyd, le 25 mai dernier à Minneapolis, a attisé ces craintes.
Amazon déclare vouloir « aider » le Congrès
Dans un communiqué, reçu par Reuters, Amazon a déclaré avoir poussé à encadrer cette technologie pour assurer une utilisation éthique de son logiciel « Rekognition ».
« Nous espérons que ce moratoire d’un an donnera au Congrès suffisamment de temps pour mettre en œuvre des règles appropriées, et nous sommes prêts à aider, si on nous le demande », a affirmé la société qui vend sa technologie dans le cloud via Amazon Web Services.
Depuis plusieurs mois, le Congrès américain étudie la possibilité de réglementer cette technologie. Face aux biais racistes et aux critiques, IBM et Amazon montrent patte blanche, mais de son côté Microsoft, leur rival sur le marché, ne bouge pas. La société, qui ne souhaite pas commenter, a refusé certaines ventes et soutenu la demande de réglementation, mais n’a pas lancé de moratoire.
« Le pouvoir sans précédent de nous espionner »
Interrogée par Reuters, Nicole Ozer, directrice des technologies et des libertés civiles de l’American Civil Liberties Union of Northern California, se réjouit de la décision d’Amazon tout en réclamant un moratoire plus « général ».
« La technologie de reconnaissance faciale donne aux gouvernements le pouvoir sans précédent de nous espionner », a insisté Nicole Ozer dans un communiqué. « Nous exhortons Microsoft et d’autres entreprises à se joindre à IBM, Google et Amazon pour se diriger vers le bon côté de l’histoire. »
Néanmoins, Amazon a affirmé continuer à vendre cette technologie à des clients qui collaborent avec les forces de l’ordre pour retrouver les victimes de la traite des personnes.
Amazon « nous jetait sous les bus »
Même si l’annonce d’Amazon ne concerne que l’utilisation par la police de cette technologie, la société de Jeff Bezos est aussi importante dans la symbolique que sur le marché. L’entreprise est un acteur de poids. Selon Reuters, pour la société les ventes de « Rekognition » représentent environ 3 millions de dollars.
Mais, la démarche ne convainc pas sur tous les fronts. Un utilisateur au sein des services de police a déclaré à Reuters qu’avec son logiciel Amazon « nous jetait sous les bus », même si les autorités assurent qu’ils utilisent généralement la reconnaissance faciale pour les enquêtes post-crime, et non pour de la surveillance en temps réel.
« Après avoir répété à maintes reprises qu’ils étaient à nos côtés et comment utiliser la technologie, [Amazon, NDLR] donne l’impression, tout à coup, qu’ils pensent que nous ne l’utilisons pas correctement », a-t-il déclaré, sous couvert d’anonymat.
En France, la technologie fait aussi débat. La Commission nationale de l’informatique et des libertés a, elle aussi, demandé à l’encadrer strictement et urgemment.
Source : Reuters
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