La Chine a-t-elle commencé à s’émanciper du joug technologique américain ? Le champion du e-commerce et du cloud Alibaba a annoncé avoir développé un processeur appelé XT910, dont les performances dépasseraient celles des plus puissantes puces basées sur des cœurs ARM Cortex A73 – que l’on retrouve par exemple dans des SoC de nombreux smartphones, tels que les Snapdragon 845 par exemple.
L’originalité de ce processeur développé par T-Head, la division semi-conducteurs d’Alibaba, est qu’elle ne repose sur aucun des jeux d’instructions « classiques » que sont le x86 (Intel, AMD) ou ARM (Qualcomm, Apple, etc.). Le XT910 est en effet conçu autour d’une « ISA » ouverte appelée RISC-V.
En plein « Huaweigate », alors que le gouvernement Trump a mis en place un véritable mur légal pour empêcher le champion chinois de développer, produire et se procurer des puces, l’annonce d’Alibaba est un micro séisme. Le monde ARM est à la fois mature et en pleine ascension – pour la première fois de l’histoire le plus puissant supercalculateur du monde fonctionne avec des puces ARM – mais l’arrivée du XT910 montre une troisième voie entre x86 et ARM. C’est-à-dire des puces dont la propriété intellectuelle n’est ni inféodée aux Américains (x86) ou aux Anglais (ARM).
Intégrant jusqu’à 16 cœurs, le processeur out-of-order 64 bit « Xuantie-910 » d’Alibaba peut monter à 2,5 GHz et est fabriqué selon le procédé 12 nm de TSMC – Trump n’a pas encore réussi à forcer TSMC à refuser tous les clients chinois ! Et si les dires d’Alibaba sont avérés quant à la puissance maximale annoncée – supérieure, donc, au meilleur des Cortex A73 – la Chine n’aurait pas une décennie de retard dans la conception des puces, mais seulement quelques années. Et vu à la vitesse à laquelle les groupes chinois travaillent, les années comptent souvent double dans l’Empire du Milieu.
Le développement d’une « troisième voie »
Le caractère ouvert de RISC-V n’oblige cependant pas Alibaba à publier l’étendue de ses travaux sur son processeur. Pour l’heure, s’il y a bien eu une présentation de la puce lors de la conférence Hotchips, personne n’a mis la main sur les détails précis de la puce d’Alibaba.
Un géant qui s’est cependant engagé à partager avec la communauté ses avancées techniques. Et qui tient donc (un peu) dans ses mains le futur de l’architecture : avec des bourgeonnements de designs et des outils logiciels parfois balbutiants, RISC-V est loin d’offrir le même confort de travail que l’écosystème ARM. Mais si des acteurs comme Alibaba tiennent leurs promesses et maintiennent leurs investissements, alors l’architecture pourrait effectivement se poser comme une alternative crédible. Aussi bien pour les états « ennemis » des USA comme la Chine (qui se bat autant dans le domaine matériel que logiciel) ou la Russie, mais aussi pour l’Europe, ou tout simplement pour des entreprises qui souhaitent s’affranchir de certaines limites technologiques ou de coûts d’intégration.
De là à dire que Huawei va rapidement pouvoir se remettre à développer ses propres puces, il ne faut pas pousser le bouchon trop loin. Non seulement RISC-V n’a pas encore fait ses preuves, mais outre l’écosystème logiciel inexistant, la chaîne de production des semi-conducteurs est toujours soumise aux Américains. Ce nouveau processeur XT910 prouve toutefois que les rumeurs de développement de la « troisième voie » autour de RISC V n’étaient pas une simple spéculation, mais bien du concret.
Sources : Phoronix, Nextplatform
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