Bonjour à toutes et à tous, nous recevons aujourd’hui Alexandre Zapolsky, PDG de Linagora.
Bonjour à toutes à tous !pierre : Quels sont les outils les plus utilisés pour développer des applications destinées à être en logiciel libre ?
On commence par des sujets techniques ! Très bien ! 😉 La plate-forme Eclipse est aujourd’hui incontournable. L’ensemble des outils de gestion de conférences également (SVN, etc.).Benjamin : Le logiciel libre servira-t-il de publicité dans l’avenir ?
Je ne sais pas… Ce qui est certain c’est que le libre est un marché à part entière. Il fait vivre aujourd’hui de très nombreuses sociétés et beaucoup de monde.bob : C’est quoi Linagora ?
Le groupe Linagora (puisque c’est comme cela qu’on doit l’appeler maintenant), c’est le leader européen du logiciel libre (je reviendrai là-dessus plus tard). Nous avons 4 métiers : 1. L’édition de logiciel libre (25 % du
CA), 2. OSSA : Open Source Software Assurance (25 % également du CA). Ces deux métiers sont de métiers d’édition de logiciels… 3. Les services professionnels (métier historique 40 % du CA). 4. La formation
(10 %).byzansli : Qui paie les entreprises qui créent ces logiciels ?
bob : Comment un logiciel libre se rémunère ?
Ce sont deux questions différentes. Ce sont les clients des entreprises qui les paient pour qu’elles développent du logiciel libre, aujourd’hui le privé plus que le public (contrairement à ce que beaucoup pensent encore). Par contre,
un logiciel, lui, peut être payé de plusieurs façons. Ce n’est pas automatiquement les entreprises qui vont en payer d’autres pour avoir ce logiciel. Les communautés restent au coeur du développement du logiciel libre.manuell : Pourquoi ne pas être dans le pôle de compétitivité ?
Je ne sais pas de quel pôle vous parlez 😉 Pour ma part, il n’y a pas, malheureusement, pour toutes les PME du libre, de pôle Logiciel libre. En effet, le gouvernement a décidé seul que notre projet de pôle ne devait pas exister. A
la place, il a obligé notre marché à s’adosser à un pôle existant, le pôle Systématic. Ceci est fort regrettable. Mais nous sommes des gens constructifs ! Nous continuons à penser que notre secteur a besoin de ses propres outils pour améliorer,
encore, sa compétitivité, alors nous continuerons à expliquer à ceux qui nous gouvernent ce que les PME du libre attendent !vida18 : Pensez-vous qu’une convergence entre OpenXML et ODF est possible ?
Ce serait bien pour le marché de n’avoir qu’un seul standard… Mais j’imagine mal l’industriel privé (et son écosystème) qui défend ses intérêts accepte de jouer complètement le jeu.youyou : Où en sont les institutions françaises au niveau logiciel libre ?
el : Puisque le relais de croissance est désormais le secteur privé, faut-il consacrer beaucoup de temps au gouvernement ? Ou
vaut-il mieux travailler auprès des entreprises du privé clientes potentielles du libre ?
Mon conseil aux nouveaux entrepreneurs du libre c’est : foncez sur le marché privé ! Il représente 85 % du marché (de toute l’informatique) là où le public n’est qu’à 15 %… Il n’y a pas à hésiter : le gros du
marché du libre se fera à l’avenir dans le privé.vida18 : Quels sont vos rapports avec l’éditeur de logiciels libres Mandriva Linux ?
Il n’y en a pas. A moins que… : je suis le dernier utilisateur Mandriva dans tout le groupe Linagora ! ;-). Mais promis, je vais changer lorsque je changerai mon prochain PC ! Plus sérieusement, Mandriva fut une très
belle société mais je pense que cette société, malheureusement, ne sera pas le champion européen qu’elle aurait pu et dû être !youyou : Quels sont les coûts du libre au niveau installation, formation du personnel… ?
Aussi cher ou moins cher qu’avec des logiciels traditionnels… Mais jamais plus cher !test : les constructeurs de PC acceptent-ils de proposer une distribution Linux avec des logiciels libres embarqués ? Dell fait de l’Ubuntu. Il y a plusieurs autres offres de ce type avec des assembleurs locaux, dans différents pays, comme par exemple du Mandriva au Brésil ou de l’Ubuntu en Espagne. C’est une question essentielle ! Si on veut qu’un
jour Linux se développe chez ‘ Monsieur et Madame Tout Le Monde ‘”, il faut alors ce type d’offre !test : Quels sont vos clients les plus prestigieux passés au tout libre ?
Tous nos clients sont prestigieux ! Je ne peux vous faire part que de quelques beaux exemples de réalisation : – la supervision au niveau mondial pour une grande chaîne de distribution de produits de sport – la gendarmerie
nationale pour laquelle on met en place tout ce qui est possible au niveau ‘ infra ‘ dans un grand contrat de PAR (Plan de reprise d’activité). Ils sont vraiment forts ces gendarmes !!! – Le Minefi, bien entendu !
Il y en a tant !… Le mieux serait d’aller directement sur notre site Web 😉salade_tomate_oignon : Que pensez-vous de la venue de Steve Ballmer [PDG de Microsoft, NDLR] à l’Assemblée nationale, suite à leur passage en tout libre ?
Je pense que le lobby de Microsoft est très puissant et je pense aussi que l’on continue à lui donner encore beaucoup trop de sous. Du coup, il a beaucoup d’argent pour faire ce genre de chose (du lobbying, etc.). Il faut donc donner moins
d’argent à Microsoft. C’est ce que nous essayons de faire tous les jours ! J’ai un problème plus grave avec cette société. Récemment, en ne donnant que 200 K?, elle a obtenu le droit d’avoir une chaire à Sciences Po Paris. Ça me
gêne parce que notre élite de demain va être bercée avec les idioties de ces gens !!! Et on brade nos institutions ! J’en veux un peu à Descoings, son président…joachim : Comment se positionne la France sur le logiciel libre ? Est-elle en avance ou au contraire très en retard ? Merci.
Nous n’étions pas particulièrement en retard jusqu’en 2005/2006. Mais il est clair que le train s’éloigne. Sans nous, une fois de plus ! Pensez à RedHat qui fait déjà 400 M? de CA ! Le plus gros français, lui, ne fait
‘ que ‘ 9 M? de CA… Bon, je suis content parce que c’est nous, mais c’est également triste parce que nous sommes encore loin derrière RH ou Novell, ou tant d’autres déjà aux Etats-Unis. Mais tout n’est pas
perdu ! Il y a de belles boîtes : Telend, Exoplateforme, Anaska, Pilot, Coretechs… Je ne vais pas toutes les citer.boris78 : Pensez-vous qu’il puisse y avoir un jour un champion du logiciel libre en France ou en Europe et comment ?
Oui, j’y crois ! Et nous devons tout faire pour qu’il y en ait. Un, ce serait bien, mais plusieurs ce serait encore mieux ! Comment ? Il faut absolument que le marché du libre continue à se structurer, en France et en
Europe. Les gouvernements doivent permettre à cette nouvelle industrie de se développer (non au brevet, non à Davdsi, etc.). Mais surtout, les acteurs classiques de l’industrie (les éditeurs, les SSII, mais aussi les
‘ champions ‘ de l’innovation électronique et informatique) doivent permettre ce renouvellement générationnel. On a trop pris l’habitude de tout faire pour tuer la concurrence ! Au contraire, plus il y a de
concurrence, plus le marché est dynamique, et plus il y aura demain de sociétés fortes… On n’apprend pas à courir le 100 mètres avec des béquilles !lila : Aujourd’hui, quel est le statut et le modèle économique de Linagora ? Combien de salariés employez-vous ? test : Votre contribution se situe à quel niveau du projet : étude ?
réalisation ? livraison ? assistance ? Il y a plus de 110 collaborateurs dans le groupe. Ce sont tous des gens incroyables ! Beaucoup d’entre eux partagent cette envie de faire réussir le logiciel libre. Chacun avec ses idées, avec ses moyens. Il y a de nombreuses
contributions à Linagora. Sophie Gautier, Madame Open Office, travaille principalement sur OOo mais en étant rémunérée par Linagora. Nous avons aussi des développeurs qui bossent sur le noyau, d’autres en sécurité (comme un superprojet de PKI libre
qui s’appelle EJBCA). On va bientôt mettre en ligne sur le prochain site de Linagora, l’ensemble de toutes nos contributions !kilroy : On assiste à de plus en plus de tentatives de projets publiés en mode vrai-faux Open Source (non mise à disposition des sources, version OSS limitée…). Qu’en pensez-vous ?
C’est un vrai risque pour le libre ! C’est pour cela qu’il avait été mis au coeur de l’ASS2L qui est devenue maintenant la FNILL, le principe d’une charte déontologique. Je pense que c’est aux professionnels de faire le ménage entre
eux et d’aider le marché à y voir le plus clair possible.thu2 : Où en sommes-nous avec les brevets logiciels en France ? J’ai entendu dire que Microsoft faisait pression sur la CE pour mettre en place un système de brevet.
Il y a un projet de brevet communautaire, c’est-à-dire la possibilité de n’avoir à déposer qu’un brevet pour toute l’Union européenne.artisan_kebabiste : Les salariés du libre travaillent-ils dans les mêmes conditions que dans les SSII traditionnelles (notamment au niveau des salaires) ?
Ceci n’est pas une mauvaise chose en soi. Ce qui est mauvais, c’est le brevet logiciel. Il faudra donc être très vigilant pour que dans ce projet de directive, les lobbies n’essayent pas de refaire passer cette idée de brevet logiciel.
Pour les salaires dans les boîtes du libre, je pense qu’ils sont plus élevés. Si je compare avec les chiffres donnés dans le dernier 01 informatique, il n’y a pas de doutes possibles ! Si demain vous voulez gagner plus
d’argent, il faut venir travailler dans le libre !test : Votre offre touche autant les serveurs que les postes de travail ?
Oui, mais je risque de répondre un peu trop longuement…test : Que vous manque-t-il pour avoir le même potentiel que les sociétés américaines que vous citez ?
La vraie difficulté est le réseau de vente directe et indirecte qu’il faut monter pour vendre du soft (qu’il soit libre ou pas). Le libre permet d’abattre certaines barrières financières de ce point de vue, mais il en reste. Je vais vous
étonner mais ce n’est pas faire un soft qui coûte cher ! C’est de le vendre ! Prenons l’exemple d’OBM. OBM est un super outil libre de messagerie. Un concurrent d’Exchange… Et bien, au niveau mondial, on ne connaît que Zimbra ou
Scalix, alors qu’OBM est mieux !!! Et même bien mieux !!! On va être obligés d’aller aux Etats-Unis pour aller le vendre au niveau mondial. On ne peut pas faire cela depuis Toulouse, lieu de naissance d’OBM 😉 C’est ainsi. Le coeur de décision de
l’IT au monde est dans la Valley, la Silicon Valley. Voilà pourquoi nous devions faire l’Open Source Valley !!!salade_tomate_oignon : Quel est pour vous LE logiciel libre du moment ?
OBM… J’en dors, j’en rêve, j’en mange… !! 😉 C’est de la balle. Mais une autre initiative m’intéresse tout particulièrement. C’est ce que nous faisons autour d’EJBCA. Nous allons développer une grande suite de logiciel libre
de sécurité : OpenProof !kilroy : Va t-on parler alors de Zapolsky ‘ l’américain ‘ ? Linagora va-t-elle s’extrader aux USA ?
Non. Je pense par contre que si l’on veut vendre au niveau mondial toutes nos belles technologies développées en province et éventuellement à Paris, alors oui, il faut aller aux Etats-Unis. Mais je ne suis pas seul et, qui plus est, je
suis très attaché à mon pays !pipo : A propos de l’Open Source Valley, vous êtes intervenu récemment à Lyon sur le thème ‘ Avenir du logiciel libre en Rhône-Alpes : ” l’Open Source Valley ” ‘ . Est-ce à dire que vous
allez monter ‘ Lyon capitale du libre en 2008 ‘ ?
Je crois beaucoup à tout ce qui est possible de faire en province. La région Rhône-Alpes est une région très active dans l’édition de logiciels. J’aimerais en effet développer, avec le soutien de la région Rhône-Alpes et de la ville de
Lyon, dans une plus large mesure, l’édition de logiciel libre dans ce territoire… Mais il n’y aura pas de Lyon capitale du libre, parce qu’il y a déjà PARIS CAPITALE DU LIBRE !Merci, le mot de la fin ?
Vous dire que l’on va recruter beaucoup en 2008 ! On sort un site Web rien que pour cela dès lundi, n’est-ce pas Amélie ! 😉 Il s’agira de www.job.linagora.com. Et je peux vous dire aussi qu’il faut toujours croire en ses
rêves, qu’il ne faut jamais laisser personne vous enfermer ! Il y a tant à faire ! Le combat ne fait que commencer ! Merci à toutes et à tous !
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