Serge Tchuruk, le PDG d’Alcatel, n’y est pas allé de main morte : ” Nous allons devenir une entreprise sans fabrication (fabless company) dans peu de temps “. Concrètement, nous explique le Wall Street Journal, qui rapporte ces propos tenus à Toronto mardi devant un parterre d’analystes industriels, cela signifie qu’Alcatel s’apprête à céder ou à fermer la plus grande partie de ses usines pour n’en conserver qu’une douzaine qui fabriqueront les composants ” innovants ” ou ” stratégiques ” de la marque.L’information publiée par le quotidien new-yorkais, aussitot relayée par les agences de presse, a instantanément provoqué à la fois une hausse du titre de 4 % en séance en matinée et un tollé chez les responsables syndicaux. Serge Tchuruk a aussitôt réagi en déclarant qu’il n’y aurait pas de “ drames sociaux ” et que les syndicats étaient partie prenante de la restructuration.Nouvelle erreur de communication pour Alcatel au moment même où Phillips annonce la fermeture de ses usines de téléphones mobiles, ou effet d’annonce destiné à séduire les analystes financiers ? Traumatisés par le plongeon de 38 % du 17 septembre 1998, les responsables de la communication financière de l’équipementier français ont fait de remarquables progrès. Peut-être un peu trop…Au lendemain matin de l’échec des négociations de fusion avec Lucent, Serge Tchuruk n’a pas perdu une minute pour annoncer un plan de restructuration massif impliquant la cession d’actifs non stratégiques, l’introduction en Bourse de la filiale câble Nexans, la sortie du capital de Framatome, etc.
Une communication flottante
Le recentrage de l’activité se fait en direction des opérateurs aux dépens des activités grand public ou marginales. Les différentes annonces depuis la fin du mois de mai n’ont cependant pas suffi à enrayer la chute du cours. Le titre Alcatel, qui valait encore un peu plus de 30 euros avant l’échec de la fusion avec Lucent, est tout juste à 23 euros aujourd’hui. Une décote qui a pu inquiéter le PDG au point de radicaliser son discours sur la restructuration.C’est parce qu’il donnait l’impression de naviguer à vue depuis l’échec de la fusion avec Lucent que le PDG d’Alcatel a souhaité présenter dans le détail la nouvelle stratégie. Selon les informations publiées par le Wall Street Journal, Alcatel devrait passer de 120 à 12 usines d’ici la fin de l’année 2002.Des informations qu’Alcatel ne confirme pas. Selon nos informations, le chiffre de 120 unités de production correspond à un bilan de l’année 1996. Un porte-parole d’Alcatel a également fait savoir en fin de journée que le plan de restructuration allait toucher 10 à 12 000 personnes. Ce même porte-parole indique que le groupe ” comptait conserver la majeure partie de ses sites de production “, et non une douzaine.
Un virage historique pour le secteur des télécoms
Durant la présentation de Toronto, Serge Tchuruk a expliqué que ce plan s’inscrivait dans une évolution à long terme de l’activité des équipementiers télécoms. Ces derniers passent du stade de manufacturiers à celui de concepteurs basés sur les compétences des ingénieurs.Sur les 110 000 employés d’Alcatel, 70 à 75 000 ont le titre d’ingénieurs, et 28 000 d’entre eux sont attachés à la recherche et au développement. Une répartition qui démontre que le c?”ur de métier d’Alcatel n’est plus dans la fabrication.Les contrats de cession des usines Alcatel sont généralement accompagnés d’accords de sous-traitance qui garantissent plus ou moins aux repreneurs des débouchés auprès de l’équipementier. C’est le cas, par exemple, de la cession de l’usine de Richardson (Texas) à Sanmina. Les 450 employés de l’usine travailleront encore pendant plusieurs année à la fabrication de composants Alcatel.Bilan de l’opération pour l’équipementier français, le trouble est jeté pour longtemps sur les intentions d’Alcatel vis-à-vis de ses salariés alors que le titre n’avait regagné qu’un petit 1 % en fin de journée. Un gain négligeable par rapport aux 60 % perdus par l’action Alcatel depuis le début de l’année. En tout cas, l’information n’a guère surpris les analystes financiers, au courant depuis plus d’un an, affirment-ils, des projets de restructuration industrielle d’Alcatel.
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