” L’informatique n’occupe qu’un tiers de mon temps. Et encore, dans cette partie-là, je ne suis pas DSI, mais plutôt une sorte de coach de DSI. “ La majorité de son temps, Alain Pouyat le consacre à un travail qu’il définit comme celui d’un CTO (Chief Technology Officer) : ” C’est un rôle de compréhension, pour le groupe, des opportunités du numérique, de banalisation, de vulgarisation, d’incitation au déploiement et à la mise en ?”uvre de ces opportunités. “Il est vrai qu’Alain Pouyat, 58 ans, porte un titre plutôt rare en France, celui de ” directeur général informatique et technologies nouvelles “. Une fonction qu’il exerce au sein du groupe Bouygues, dont il est également administrateur depuis 1989. Un groupe diversifié. BTP, route, immobilier, Saur (eau et propreté), TF1, Bouygues Télécom : six grands métiers, ayant chacun son patron, son service informatique et son DSI. La bande des six, ” coachée ” par Alain Pouyat, se réunit une fois par mois au cours d’un ” comité stratégique informatique “, qui fait le point sur les projets en cours, les hommes et les problèmes.Une rencontre avec Alain Pouyat vous mène de surprise en étonnement : il est peut-être la personnalité la plus reconnue par ses pairs ?” “Le Godard de l’informatique”, dit l’un d’eux, admiratif ?”, auteur d’un parcours brillant, toujours à la pointe de l’innovation. Et, malgré cela, l’homme est d’une modestie rare, inspirée peut-être des fameuses valeurs Bouygues : cet étrange mélange de bon sens paysan et d’esprit d’entreprise.Dans une fonction pleine de stress par définition, il est même d’une grande sérénité. Et aussi plein d’entrain pour vous faire la démonstration en ” live ” du dernier outil à la mode développé sur ses conseils : un assistant personnel qui, grâce à sa connexion GPRS, se synchronise en temps réel, où que vous soyez, avec votre poste de bureau. Un produit fabriqué par le Taïwanais HTC (qui fait le fameux assistant personnel iPaq de Compaq), et que Bouygues a décidé de commercialiser. On n’est jamais mieux servi que par soi-même !L’instant d’après, si vous insistez un peu, Alain Pouyat évoquera avec émotion sa généalogie et son patronyme, pouyat, qui signifie petit puy (petite montagne). Ou il vous parlera goulûment du fameux porcelainier Pouyat de Limoges, avec lequel son ascendance d’agriculteurs périgourdins doit bien avoir quelques accointances, et dont il possède l’une des plus belles collections privées dans un appartement par ailleurs entièrement domotisé. Ce mélange de tradition, de modernité absolue et de pragmatisme est peut-être la clé de son succès personnel.
Trente ans de maison et toujours la passion
Il fait partie d’une confrérie très sélective, les hommes de Francis Bouygues, ceux que le fondateur a choisis, qui sont restés, et auxquels il a toujours fait confiance. C’est en 1970 que Francis embauche ce jeune ingénieur conseil Arts et Métiers, parce qu’il vient de lire Le Défi américain, de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Les entreprises françaises découvrent la gestion et l’ordinateur. La société Entreprise Francis Bouygues ?” 500 personnes, un chiffre d’affaires de 500 millions de francs ?” décide de se moderniser.Mais le patron a des copains de promo, chefs d’entreprise, qui ont déjà subi quelques déboires avec l’informatique. Il s’en méfie. Aussi le service dont fait partie Alain Pouyat s’appellera-t-il simplement ” service organisation “. Pendant dix ans, il mettra en place, presque furtivement, des ordinateurs un peu partout au sein de l’entreprise.Quand, en 1979, Francis remet à Alain Pouyat sa médaille des dix ans d’ancienneté, il s’étonne : “Tiens, vous êtes toujours là, vous ? Il faudrait m’expliquer ce que vous avez fait depuis dix ans.” Apparemment, cette conversation sera fondatrice, car Francis Bouygues réalise alors que l’informatique a un double avantage : elle est à la fois un outil de transformation de l’entreprise et une garantie de procédures standardisées.La route d’Alain Pouyat est tracée : il sera l’agent du changement grâce aux nouvelles technologies, adoubé par le fondateur. Le service devient une direction. Et, pour afficher sa modernité, on installe un gros ordinateur sous vitrine dans le hall du siège de Clamart.A partir de là, le groupe sera toujours parmi les premiers à investir dans les nouveaux outils. 1984, première messagerie électronique sur les grands systèmes IBM fonctionnant sous VM/CMS avec des terminaux 3270. 1988, l’immeuble Challenger du siège est l’un des premiers sites de France à être entièrement précâblé, innervé par un réseau local d’une ampleur sans précédent.Parallèlement, l’informatique se diffuse dans le BTP, dans les chantiers. Les PC, les réseaux se répandent. Fin des années 80, on bascule en client-serveur avec OS/2. Bouygues évite les lourdes architectures centralisées, l’informatique est répartie. “A l’inverse de beaucoup de directions informatiques, qui ont vu dans l’arrivée des PC une menace, nous, nous avons tout misé dessus”, se souvient Alain Pouyat.1987, reprise de TF1. Pas un ordinateur dans les bureaux, pas une machine de traitement de texte. Pierre Marfaing, alors patron des études, aujourd’hui à TF1, prend en charge le projet. 1992 : la vidéo est sur le poste de travail des journalistes et des techniciens. La télé apprend au groupe que l’informatique peut servir à autre chose qu’à moderniser des processus : elle aide aussi à créer de nouveaux produits.Ainsi, le bouquet de programmes satellite TPS, lancé en 1996, est, outre son contenu, un condensé de technologies : le boîtier TPS est aussi puissant qu’un PC, et les programmes sont gérés par des serveurs vidéo. L’aboutissement de cette stratégie, impulsée par Patrick Le Lay et Martin Bouygues, convaincus que les métiers d’avenir sont la communication et les télécoms, sera Bouygues Telecom ?” créée de toutes pièces, et entièrement basée sur l’informatique.
Le DSI, un homme du sérail
chaque nouvelle activité, Alain Pouyat participera à la création de la DSI et aidera à son installation. Il placera à sa tête l’un de ses proches collaborateurs, toujours issu de l’informatique. “Le DSI doit comprendre les concepts qui apparaissent. Il doit connaître les besoins de son entreprise et savoir comment y répondre. Il est au carrefour de l’informatique et de l’entreprise”, affirme-t-il.Il avoue ne pas aimer le terme de ” directeur du système d’information” et préférer celui de “directeur du système informatique “. ” Le système d’information, c’est le système nerveux de l’entreprise, dit-il. Personne n’en est propriétaire. Qui peut oser prétendre qu’il le connaît vraiment et qu’il le maîtrise ? “Le rôle du DSI ” made in Pouyat ” est clair : il n’est pas là pour gérer de l’informatique ; pour cela, il a ses spécialistes. Il doit apporter des courants d’innovation extérieure et les transformer en organisation interne, voire en produits commerciaux. Il doit mettre en place un système informatique en phase avec le système d’information, défini comme un territoire commun entre maîtrise d’?”uvre et maîtrise d’ouvrage.Bien connaître l’entreprise et les hommes, et bien comprendre les concepts. Et de la ferveur, s’il vous plaît ! “Le DSI doit être passionné par l’informatique”, estime Alain Pouyat. “La passion de la technologie, c’est son fil conducteur”, dit de lui Pierre Marfaing. Alors, le coach la veut aussi chez les autres. De la passion, de la patience et de l’expérience. Le DSI est quelqu’un sur lequel on capitalise, pas un mercenaire qui change de métier tous les deux ans.Outre la réunion mensuelle du comité stratégique informatique, il existe de nombreuses structures d’information et de travail. Ainsi le comité informatique groupe réunit-il quatre fois par an les 150 principaux responsables informatiques. Quant aux 1500 spécialistes de la maison, ils reçoivent régulièrement un support électronique, ” Interfaces “, relayé par un intranet dédié à la filière informatique. En outre, un petit-déjeuner mensuel réunit de 30 à 100 informaticiens autour d’un thème technique développé par un fournisseur ou un partenaire. Ces occasions de rencontres sont apparemment très prisées.Les grands patrons du groupe ne sont pas oubliés : ils ont droit, eux aussi, à leurs séminaires ?” Martin est toujours là : on y présente des technologies considérées comme intéressantes pour le groupe. Le dernier en date portait sur les réseaux locaux sans fil. A bon entendeur !…Chaque direction informatique est aujourd’hui considérée comme ” mature ” et développe ses propres actions. La cohérence se fait au travers des instances de concertation et en respectant quelques principes de base : l’informatique est systématiquement facturée à l’utilisateur ?” les budgets égalent les recettes ?”, la maîtrise d’ouvrage appartient au patron de l’activité concernée, et l’on se met d’accord sur quelques grands standards d’infrastructure ?” messagerie, adressage IP, annuaires, etc. Les sujets communs sont finalement peu nombreux : en ce moment, le groupe travaille sur la synchronisation des annuaires ainsi que sur la sécurité de l’accès aux informations.
Urbanisation : la métaphore de Manhattan
ujourd’hui, chaque métier a atteint une taille critique suffisante pour négocier pour son compte ses grands achats informatiques, y compris les PC ?” plus de 50 000 postes de travail au total. Certes, il a fallu opérer des grands choix à certains moments : par exemple, la messagerie Exchange que tout le monde doit utiliser.Mais même le passage à Windows XP, décidé et recommandé, s’effectue au rythme choisi par chaque DSI, et selon un contrat négocié métier par métier, dans des conditions… que l’on ne connaîtra pas ! “Nous avons mis un an à nous mettre d’accord avec Microsoft : c’est le temps qu’il leur a fallu pour prendre en compte les besoins de leurs clients”, dit simplement Alain Pouyat. Une chose est sûre : l’éditeur a fait des concessions et n’a pas pu appliquer les tarifs catalogue de ses nouveaux contrats de licences controversés.Même pragmatisme sur les standards et les progiciels : “Ce qui compte, c’est plus l’interopérabilité que le standard lui-même, assure Alain Pouyat. Les standards imposent leur méthode : c’est comme vouloir à tout prix installer un quartier de Manhattan ou de Tokyo au milieu de votre petite ville de province. Le vrai problème, aujourd’hui, c’est l’urbanisation du système informatique.”Le message aux fournisseurs est clair : tant qu’ils n’auront pas compris qu’ils doivent découper en objets leur progiciel ou leur PGI, ils ne répondront pas vraiment aux besoins de leurs clients, qui veulent des composants modulaires plus que des progiciels prétendus universels. Le sujet de fond aujourd’hui, c’est l’intégration. D’où la démarche groupe, fondée sur l’analyse des processus clés de l’entreprise.Elle doit répondre à deux objectifs apparemment contradictoires : faire en sorte que les systèmes informatiques deviennent indépendants de l’organisation de l’entreprise, et, en même temps, les aligner sur le fonctionnement de l’entreprise. La réponse passe par cette urbanisation, qui est une charte très concrète, avec des outils ?” des bus, des connecteurs, etc. Mais, surtout, le pragmatisme est toujours là.Quand chez Saur, en Angleterre, on s’est rendu compte que les collaborateurs étaient obligés de rentrer à l’agence tous les soirs pour faire le bilan de la journée, on les a dotés d’une camionnette équipée d’un PC portable, connecté en GPRS. Plus besoin de passer systématiquement au bureau : des heures de transport gagnées par semaine. Retour sur investissement : quatre mois !
Une architecture vivante et ouverte
Le groupe a ainsi peaufiné peu à peu sa voie informatique, faite de coups d’audace et de sens pratique. Le résultat est un ensemble vivant, sans doute atypique. Le client- serveur a rapidement évolué vers un client léger ; du coup, la ” webisation ” des applications est naturellement en route, parce qu’elle est considérée comme la forme ultime du client léger. Mais elle n’est pas systématique parce que l’on ne veut pas que certaines applications perdent de leur efficacité en passant en mode web.Et, comme d’habitude, tout s’installe progressivement. Le chantier est lourd : “L'”intranettisation”, c’est plus que du revamping, dit Alain Pouyat. Il faut mettre en place un système informatique plus ouvert sur l’extérieur, en offrir l’accès à nos clients. Dans de nombreux cas, il faudra refaire nos applications. “Mais, même si l’on opte pour un progiciel, l’un des critères de choix est qu’il doit être ouvert sur internet. Cette attitude ouverte persiste en période difficile.“C’est toujours dans les cas de conjoncture plus tendue que l’on doit faire les plus grands progrès possible, dit Alain Pouyat. Parce que c’est là qu’on doit se remettre en cause et s’améliorer.”Chez Bouygues, on ne baisse pas les bras ; on est habitué aux difficultés. Un chantier, ça se passe rarement bien. Le fait d’avoir des problèmes est considéré comme une situation normale. Tous les compagnons du Minorange connaissent l’histoire : quand on croisait Francis dans les couloirs et qu’il vous demandait : ” Ça va ? “, il ne fallait surtout pas lui répondre ” oui “, car cela l’aurait inquiété. La bonne réponse était : ” Francis, vous le savez bien, c’est dur, mais on va y arriver. “Une période de ralentissement permet d’aller à l’essentiel, de privilégier les développements sur ce qui peut être différenciant et accroître la productivité. Donc, les projets ne s’arrêtent pas, et ils sont intégrés dans les budgets. Ces budgets sont dans les mains des DSI et des utilisateurs des métiers, qui les présentent à la direction générale du métier : “Ce n’est pas simple, car la demande est parfois trois fois supérieure à ce qui est réellement faisable”, dit Alain Pouyat. Apparemment, les opérations d’arbitrage ont été souvent douloureuses, mais “elles se passent mieux maintenant parce que les problèmes sont posés plus clairement”.Résultat : il n’y a pas de grand critère groupe ; la dépense informatique varie considérablement d’un métier à l’autre ?” de 1 % du CA dans le BTP, elle grimpe à 12 % dans les télécoms. Sur un budget global de 530 millions d’euros, Bouygues Telecom en absorbe à lui seul les deux tiers. On surveille quand même certains ratios transversaux ?” par exemple, le coût annuel du poste de travail bureautique, défini comme le total des coûts informatiques ramené au nombre de postes de travail.Ce ratio est différent selon les métiers : il varie de 4 000 euros dans le BTP à 10 000 euros pour TF1, et ” beaucoup plus ” pour Bouygues Telecom. Dernier constat : avec 1700 informaticiens maison, l’infogérance est très sélective chez Bouygues…
Innover, c’est transposer
e qui caractérise aussi la mentalité maison, c’est l’esprit d’innovation, ainsi défini par Alain Pouyat : “C’est rarement une création, mais plus souvent une transposition dans un domaine de ce qui a réussi ailleurs.”Ce qui marchait bien en informatique, Bouygues n’a pas hésité à le transposer à la télévision : la notion de serveur de bases de données a été appliquée à la vidéo, et la compression numérique s’est transférée à l’audiovisuel. Cette transposition va la plupart du temps dans le même sens : elle part de l’informatique et elle s’applique aux métiers. La numérisation a envahi la télévision et les télécoms, le virtuel est déjà très utilisé dans le BTP comme simulation du monde réel, l’assistance client apprise dans les télécoms a inspiré le projet Saphir de Saur (lire encadré).Transfert d’expérience, transfert de concepts.“A condition de savoir se méfier des faux concepts”, prévient Alain Pouyat. Par exemple, c’était annoncé : on ne pouvait pas réussir dans la téléphonie mobile si l’on n’était pas un opérateur du fixe. Bouygues Telecom a prouvé le contraire.Ou encore ?” plus grave ?”, il fallait, au titre de la convergence, fusionner le contenu et le contenant : ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui le syndrome Messier. L’histoire a montré, pour le moins, qu’il n’y avait pas de relation obligatoire. Bouygues a bien essayé de nouer des liens étroits entre TF1 et BouygTel. Mais les synergies se développent lentement, parce que ces deux métiers répondent à des logiques différentes. Et les télécoms sont pleines de mystère.L’anecdote est connue : quand Martin Bouygues annonce qu’il renonce à l’UMTS (première époque), Michel Bon, alors PDG de France Télécom, déclare : “Martin ne peut pas avoir raison seul contre tous.” Et Pouyat de citer Francis Bouygues : “Plus on est nombreux, plus la bêtise est importante.”En fait, le groupe peut compter sur une vraie synergie, celle qui résulte de ses activités, à la fois complémentaires en termes financiers et vivant des cycles économiques différents : la construction-BTP est un métier à haut risque, financement faible, marge moyenne ; les services, une activité à risque moyen, financement lourd, marge forte. Bien sûr, si on a la chance d’avoir des spécialistes, on les utilise de manière transversale : chez Bouygues, l’expert en vidéo, c’est TF1. Donc, quand on parlera vidéo sur téléphonie mobile, on s’adressera à TF1.
Des utilisateurs poussés à évoluer
C’est peut-être cette méfiance des idées reçues qui a évité à Bouygues de succomber à la folie internet. Martin, toujours pragmatique et prudent, ne s’est pas transformé en business angel malgré les nombreuses sollicitations. A un certain moment, le BTP a compté plus de 20 projets de place de marché.“On étudiait très sérieusement les projets qui nous étaient soumis, raconte Alain Pouyat. Mais, rien à faire, on ne voyait pas comment ils pouvaient s’équilibrer.” De même, e-TF1 ne sera jamais introduit en Bourse malgré l’énorme envie qui titillait certains managers. Résultat : c’est surtout en interne que le groupe a avancé sur internet.Une des résultantes positives de cette période est la création de l'” e-lab “, une sorte d’équipe de recherche-développement appliquée, qui aide les sociétés du groupe à réfléchir sur les potentialités e-business de leur secteur.De même, l’Institut de management Bouygues, géré par la DRH et qui organise des séminaires internes à l’intention des 500 principaux managers du groupe, se penche régulièrement sur le sujet. En décembre, le thème de la réunion était ” Intranet, outil de management “. Vaste programme !Les utilisateurs finals ne sont pas oubliés. 50 000 postes de travail chez Bouygues, cela fait beaucoup de monde penché sur les écrans ! Ils n’ont pas le temps de s’y endormir, car la politique est simple : “Il faut au moins une évolution forte par an sur le poste de travail de l’utilisateur”, énonce Alain Pouyat. A cela, plusieurs raisons. D’abord, le poste de travail est défini comme un outil de productivité, et il faut régulièrement améliorer cette productivité ?” même si on ne la mesure pas réellement. Mais, après tout, c’était la même chose avec le téléphone, le fax, le minitel, le courrier électronique…Ensuite, il faut habituer l’utilisateur au changement régulier. Sinon, le jour où l’on veut vraiment faire bouger les choses, on n’y arrive pas. Et Alain Pouyat d’énumérer, en vrac, d’autres arguments : c’est plus facile de changer d’environnement virtuel que d’environnement physique ; un utilisateur face à un poste de travail qui évolue, ça lui rappelle que, lui aussi, il doit évoluer ; il ne faut pas avoir peur d’être poussé par la techno ; la démarche par les besoins est, certes, fondamentale, mais il ne faut pas hésiter à faire l’inverse ; il faut même utiliser en permanence la double démarche. Bref, quand on sait exprimer un problème, c’est que l’on entrevoit déjà sa solution.Alors, Alain Pouyat, un parcours sans faute ? Ce genre de remarque l’amuse : ” Dans les technologies nouvelles, sur cinq actions, il y en a quatre qui loupent “, affirme-t-il. Il reconnaît volontiers ses échecs et tente d’en tirer des leçons.Ainsi, début 80, il embarque le groupe dans un accord avec Dassault Systèmes pour créer, à partir de leur logiciel Catia, un système de CAO spécialisé dans le BTP. Le groupe va y consacrer quatre ans de travail et dépenser 20 millions de francs (de l’époque) pour, finalement, se retirer du projet : “Nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord avec Dassault Systèmes sur le partage de la propriété intellectuelle”, explique-t-il.De plus, les coûts d’usage se sont révélés prohibitifs : à l’époque, un poste de CAO valait 75 000 euros quand on fait la même chose aujourd’hui sur un poste à 1000 euros. Leçon de l’échec ? ” Trop de décalage entre la technologie et les besoins, des partenaires trop rigides, un matériel trop cher. “ Deuxième aventure qui se termine mal : le développement avec France Télécom et Cap, à travers la société Edival, d’un projet d’échange électronique dans le BTP. Là aussi, beaucoup d’efforts pour rien.Le projet est finalement abandonné après des mois de travai : les artisans en BTP étaient très peu équipés et la crise frappe le secteur en 1995. Bilan et conclusion : “Nous étions trop en avance sur l’usage et sur les conditions économiques du marché. Le problème, quand on joue à fond l’innovation, c’est d’arriver au bon moment ?” ni trop tôt ni trop tard. De plus, on ne sait pas très bien pourquoi une technologie perce à un moment donné, alors qu’elle a végété pendant des mois.” Les mystères du métier, en somme…
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