01net. Le Parlement européen doit se prononcer la semaine prochaine sur le projet de directive relatif à la brevetabilité des logiciels, que vous inspire cette réforme ?Alain Madelin : C’est toute la question du droit de propriété intellectuelle dans l’économie du savoir numérique qui est posée. Ainsi en ce qui concerne tant les brevets logiciels, le copyright que la brevetabilité
du vivant, le contexte est aujourd’hui très mouvant. Et il est très prématuré de trancher sur la question. En réalité, il manque actuellement une vraie réflexion tant sur le plan économique, juridique que philosophique sur cette question.
Aujourd’hui, on décalque sur le présent des concepts anciens, des concepts du passé, en ne prenant pas en compte la réalité de demain. Alors forcément cela craque. Cette réforme sur la brevetabilité des logiciels promet d’avoir de redoutables effets
pervers.Y a-t-il des solutions juridiques précises pour encadrer cette économie du savoir numérique ?Il n’y a pas de solutions évidentes. Tout se discute. Prenez le droit de la propriété industrielle par exemple, pourquoi choisit-on de protéger telles ou telles choses pendant 10, 20 ou 30 ans. C’est une barrière symbolique qui
n’a pas de sens. Regardez Mickey aux Etats-Unis. Les Américains sont encore trop attachés à Mickey pour se résoudre à le voir tomber dans le domaine public.Le droit et les brevets ne constituent-ils pas une garantie nécessaire contre les différents abus (exploitations illégales d’invention…) ?Le droit protège, mais il fabrique aussi de toute pièce un monopole légal. Pour le numérique quel est le cadre juridique le mieux adapté ? Quelle durée de protection choisir ? A quoi ressemblera l’économie du savoir
numérique dans cinq ans ? Personne ne le sait. Un algorithme peut être considéré comme une invention mais Archimède ne peut pas protéger un théorème. Car c’est un travail de la raison.Que pensez-vous du rôle joué par l’OEB (Office européen des brevets) ?Concernant l’OEB, je dirais qu’il fonctionne comme un marché politique. Ainsi pour cet organisme, procéder à l’enregistrement de milliers de brevets c’est aussi gagner en statut. Tout cela n’est pas forcément compatible avec l’idée de
progrès. Le droit de propriété est justifié quand il y a rareté. Or dans les idées qui touchent au numérique il y a quelque chose d’infini. Pour certains : breveter c’est créer un point de passage obligatoire. On travaille alors sur les brevets
pour bloquer, pour créer des rentes de monopoles. Dans certains cas, le mieux est l’ennemi du bien. Tout cela ne doit pas freiner le progrès. Le droit de propriété est un privilège légal et arbitraire. Ce n’est pas une réponse à la vitalité du
savoir numérique.
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