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Airbus va faire décoller un avion sans pilote avec des ailes pliantes inédites

L’avionneur européen va faire décoller un jet privé sans pilote et avec d’étranges ailes pliantes. Le premier essai grandeur nature d’une technologie qui permettra de réduire la consommation de carburant de la nouvelle génération d’Airbus A320 prévue dans dix ans.

Sur le stand dédié aux projets « UpNext », du Airbus Summit 2025, un mystérieux Cessna Citation VII miniature se dressait fièrement sur son socle, accompagné d’un écran de télévision, diffusant un reportage en continu. Sur les images, un mécanicien équipé d’une disqueuse s’attelait à suivre une ligne formée par un rayon laser, pour découper l’aile entière depuis sa jonction avec le fuselage. Malgré un travail de précision, tout semblait artisanal. « Même la musique du reportage a été réalisée par un collègue », souriait un responsable d’Airbus, devant les images.

Ce travail d’une petite équipe dédiée aux futures technologies de l’avionneur prenait place à la base militaire de Cazaux, près de Bordeaux. Ses ingénieurs y préparent activement l’intégration de leur eXtra Performance Wing, une aile pliante inédite, avec une charnière bien spéciale. Une nouvelle conception, et une nouvelle approche pour l’aéronautique, où la charnière viendra plier l’aile lorsque l’aéronef circule sur le tarmac, puis la déplier au moment de décoller. Une articulation qui aura aussi son rôle en vol, pour améliorer l’efficacité aérodynamique de l’appareil à la manière du comportement des albatros.

Le projet n’est pas nouveau. En 2019, il passait par la conception d’AlbatrossOne, un démonstrateur d’A321 à l’échelle réduite, avec des ailes « à battement libre ». En s’inspirant de l’oiseau à la plus grande envergure du monde, Airbus remarquait qu’en augmentant les dimensions des ailes de ses avions, il pourrait réduire leurs trainées, la consommation de kérosène, et donc les émissions de CO2. L’excroissance permettrait aussi de réduire le risque de décrochage à l’atterrissage. Problème, pour accueillir des avions avec des ailes plus grandes sur les terrains aéroportuaires, il ne sera pas possible de modifier l’infrastructure. Seule solution, replier les ailes à leur extrémité.

Lire aussi « Un ciel sans contrails » : le plan d’Airbus pour effacer les trainées des avions

Un premier vol d’essai sans pilote au-dessus de l’Atlantique

L’avion en question, sur lequel les équipes UpNext d’Airbus ont découpé les ailes, est un Cessna Citation VII. Un jet privé qui permettra de se rapprocher de l’objectif d’équiper les nouvelles ailes pliantes sur la future génération d’A320. La taille du démonstrateur permet d’y intégrer des ailes à l’échelle 1/3 comparé à ce qu’il en sera sur le futur avion de ligne monocouloir. À Toulouse, Airbus nous donnait l’occasion d’approcher l’extrémité de l’aile qui viendra se replier, mais nous défendait de jeter un oeil à la charnière. C’est à travers elle qu’Airbus rassemblera toutes ses technologies.

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Le bout de l’aile pliante qui sera installée sur le Cessna Citation VII de l’équipe UpNext d’Airbus © 01net.com

« C’est elle qui nous a demandé beaucoup de travail de recherche, pour savoir s’il fallait choisir des commandes hydrauliques ou électriques. Sa conception doit aussi répondre à des normes de résistance », détaillait l’intervenant à 01net.

Le premier vol d’essai sera réalisé depuis Cazaux, en mai 2026. L’avion partira au-dessus de l’Atlantique, dans un espace aérien généralement réservé aux tests de l’Armée. « Pour la première fois, on va la tester en vol. Comme nous allons pousser nos technologies à leurs limites, nous n’aurons personne à bord. L’avion sera télécommandé et nous volerons au-dessus de l’Atlantique. Nous ne risquerons pas de blesser quelqu’un dans l’avion ou au sol. Comme il s’agit d’un modèle des années 70, avec des commandes mécaniques, nous sommes en train de le transformer aux standards Airbus, avec des commandes électriques qui répondront aux commandes du sol en moins de 200 millisecondes » expliquait-il.

L’essai en vol ne se focalisera pas seulement sur le décollage et l’atterrissage. En allant au-dessus de l’Atlantique, Airbus cherche aussi à tester plusieurs configurations pour ses ailes, en modifiant l’angle de la charnière. De quoi mesurer comment l’avion répondra. Une phase est même prévue dans laquelle la charnière n’opposera aucune résistance et laissera l’aile complète se placer comme elle l’entend, en fonction de la portance.

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Airbus a bien pris soin de cacher la charnière qui fera la jonction avec le reste de l’aile pliante © 01net.com

Une autre révolution dans les ailerons

La vidéo d’Airbus remonte au mois de novembre de l’année dernière, et la scène du découpage des ailes prenait place un mois plus tôt, en octobre . Les ingénieurs ont donc encore du temps avant de se lancer dans le premier vol d’essai. Une période qui servira aussi à intégrer – ou non – d’autres innovations. Parmi elles, l’équipe UpNext se présentait à l’Airbus Summit 2025 avec une nouvelle approche des ailerons. Plutôt que de pièces fixes modifiant leur degré d’inclinaison par le bais de systèmes hydrauliques, les ailerons de demain pourraient être conçus dans un matériau flexible qui pourra se courber. Un système qui permettra d’affiner le design final, et l’alléger.

La composition des ailes est un autre chantier sur lequel Airbus a dédié une équipe spéciale, en parallèle à celle d’UpNext. Regroupé derrière le programme « Wing of Tomorrow », il est dirigé par Sue Partridge, aussi responsable de la division Commercial Aircraft d’Airbus au Royaume-Uni. Après s’être focalisée sur la conception des ailes de l’A380 et les programmes A320neo et A330neo, l’ingénieure imagine aujourd’hui le design et les composants des ailes de demain. Au Airbus Summit 2025, l’accent été mis sur la promotion du composite, un nouvel alliage ultra-léger constitué de CFRP, un polymère renforcé de fibres de carbone.

Le défi, avec ce composite, sera d’élargir son utilisation à des productions à plus grande échelle, comme la famille A320. Sur les ailes des A350 et celles de l’A220 (avec Spirit Aerosystems), Airbus a déjà intégré ses dernières innovations. Mais le processus sera difficile à intégrer sur des productions d’appareils à deux chiffres par mois, autrement dit les avions monocouloirs. Les ailes pliantes pourraient toutefois simplifier le système en réduisant la taille des fours nécessaires à la « cuisson », appelés « autoclaves ».

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Hadrien Augusto