A partir de ce lundi 8 septembre, Jérôme Kerviel sera le plus célèbre porteur du bracelet électronique. Mais il n’est pas le seul à bénéficier de cet aménagement de peine. Au 1er août, plus de 11 000 condamnés étaient placés sous surveillance électronique. Or, le dispositif connaîtrait quelques couacs.
Selon Le Figaro, les alarmes intempestives se multiplient depuis janvier. « De jour comme de nuit, cela sonne chez les gardiens, contraints de vérifier, par téléphone ou en se déplaçant, qu’une lanière n’a pas été arrachée ou qu’un domicile n’a pas été déserté aux heures fixées par la justice ». Des dysfonctionnements confirmés par une enquête menée par Nathalie Alonso de l’AFP.
« Il existe aujourd’hui un nombre incalculable de dysfonctionnements qui perdurent » et qui, cumulés à « un manque d’effectifs », « nuisent à l’efficacité du bracelet électronique », explique à l’AFP Jean-François Forget, secrétaire général de l’Ufap-Unsa, principal syndicat de surveillants de prison. « Aujourd’hui, on ne peut pas garantir que l’on a sous contrôle 24 heures sur 24 toutes les personnes placées sous surveillance électronique. »
Thales pointé du doigt
Les exemples cités sont nombreux: alarmes qui se déclenchent pour un oui ou pour un non, dispositifs déconnectés quelques secondes ou plusieurs heures, bracelets qui provoquent de fausses alertes après un bain de mer… Ces bugs ne sont pas nouveaux, mais selon Frédéric Belhabib, surveillant de prison au service pénitentiaire d’insertion et de probation d’Aix-en-Provence et syndicaliste CFDT, cité par Le Figaro, « les dysfonctionnements se multiplient » depuis que le groupe de défense et d’électronique Thales a remporté le marché en janvier. « Le nouveau bracelet nous a été présenté comme un produit plus développé techniquement que les anciens modèles, or il s’avère moins fiable dans le temps », renchérit M. Forget, qui avait alerté la Chancellerie au printemps dans deux courriers restés « sans réponse ».
« Les agents sont inondés d’alarmes »
« On est à la rue », souffle sous couvert d’anonymat l’une des 93 agents pénitentiaires affectés à ces pôles centralisateurs de surveillance électronique répartis sur toute la France. Le nouveau logiciel informatique génère « beaucoup d’alarmes pour rien », confirme-t-elle, par exemple quand le condamné a quelques secondes de retard sur l’heure de retour prévue, quand l’électricité du boîtier est rétablie après une coupure ou même quand le délinquant est bien chez lui. Avec le risque, fait-elle valoir, de passer à côté d’un cas critique, tel une évasion.
Dans son centre de surveillance, les agents sont « inondés d’alarmes » et ont parfois « deux à trois heures de retard sur la gestion des incidents », raconte-t-elle. Elle craint que « des délinquants en profitent », sachant qu’ils ne seront pas appelés tout de suite par les gardiens pour vérifier qu’ils sont bien chez eux.
« Et si les agents pénitentiaires se rendent compte d’un sabotage quelques heures plus tard ? Ce sont deux ou trois heures au cours desquelles le délinquant a le temps de sévir », abonde Jean-Yves Forget.
Contacté par l’AFP, Thales renvoie vers le ministère de la Justice, qui reconnaît « des difficultés lors de la phase de déploiement progressif de l’équipement de janvier à mi-mars ». Parmi les problèmes rencontrés: « des sangles qui se détachaient facilement, des piles qui se déchargeaient plus vite, des dispositifs qui se mettaient en veille. Autant d’événements qui pouvaient créer des alarmes et entraîner des vérifications pour les agents ». Depuis, assure-t-on à la Chancellerie, « des ajustements ont été faits avec Thales” et depuis mai “le taux de panne est revenu au niveau normal de 0,05% ».
Pour le n°1 de l’Ufap-Unsa, il n’y a au contraire pas d’amélioration, même s’il reconnaît des situations contrastées sur le territoire: « Les problématiques sont plus prononcées dans l’Est et en Paca ». Ainsi, en région parisienne, le secrétaire régional adjoint de l’Ufap-Unsa Gérald Ferjul souligne que des dysfonctionnements à la phase de démarrage ont été depuis résorbés « en partie ».
Pour le syndicaliste, la technique n’explique pas tout. « S’il y a une hausse des incidents, c’est parce qu’il y a beaucoup plus de placements sous surveillance électronique.» Et « des gens qui ne jouent pas le jeu».