« Intolérable », « frustrant », « il y a urgence ». Au salon des maires et des collectivités locales qui se tient cette semaine à Paris, le constat est partagé par tous : la France est en retard en matière de couverture numérique et le plan France Très Haut Débit doit passer à la vitesse supérieure. Aussi, les élus locaux sont venus en masse à l’atelier organisé ce 22 novembre sur le très haut débit. Et les anecdotes ubuesques sont nombreuses, comme celle de ce maire d’une commune de moyenne montagne… qui a mis 10 ans pour obtenir l’autorisation de construire un pylône destiné à accueillir des antennes mobiles. Mais c’est le témoignage de Jean-Pierre Fourlon qui a retenu notre attention.
Un décalage absolu entre les cartes et la réalité du terrain
Il est maire de Caudiès-de-Fenouillèdes, une commune aux frontières du département des Pyrénées-Orientales. Un village de 640 habitants au cœur de la campagne occitane, situé à seulement une quarantaine de kilomètres de Perpignan. Très remonté, notre homme n’a pas hésité à interpeller le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires Julien de Normandie. « Jusqu’à quand va-t-on se payer notre tête ? », a-t-il vitupéré, aussitôt acclamé par d’autres élus dans la salle. En cause, les cartes de couverture numérique fournies par les opérateurs et l’Etat. « Il y a un décalage absolu entre la réalité des dessertes qui est ressentie par les gens et les cartographies qu’on met sur la place publique. X % de la population est desservie en haut débit et X % est desservie en téléphonie mobile. C’est faux et ça explique pourquoi les gens sont si virulents », nous explique-t-il à la sortie de l’atelier.
Sur le site Mon Réseau Mobile édité par l’Arcep, la carte indique pourtant que la commune est globalement bien couverte en SMS et voix, avec de grandes zones de très bonne couverture et quelques petits îlots seulement de couverture limitée où l’on ne peut échanger des SMS et téléphoner à l’intérieur des bâtiments.
Impossible de passer un appel depuis la mairie
La réalité sur le terrain est toute autre. « On ne peut pas passer d’appel mobile depuis la mairie et la dernière fois qu’on a été mis en alerte par la Préfecture, je n’ai reçu les 13 appels que le lendemain, en montant sur un toit du village après la tempête », témoigne-t-il. « Lorsqu’on a fait un exercice de mise en sécurité des enfants à l’école, les institutrices n’ont pas pu appeler la gendarmerie avec un téléphone mobile comme la procédure le prévoit », ajoute-t-il encore. Il ne comprend pas non plus que ce soit les opérateurs qui fournissent leurs propres cartes de couverture à l’Arcep, même si cette dernière procède à des vérifications locales.
Un simple coup d’œil à la carte des antennes établie par l’ANFR suffit à vérifier qu’il n’existe aucune antenne mobile sur la commune. L’antenne la plus proche – de la 4G opérée par Orange sur la bande de fréquence 800 MHz – est située à une dizaine de kilomètres, dans le village limitrophe de Puilaurens dans le département voisin de l’Aude. Ce qui explique probablement que seuls les vingt habitants des fermes à proximité captent la 4G, contrairement aux 620 autres nichés au centre-bourg.
Du 8 Mbit/s qui se transforme en 800 kbit/s
Concernant l’accès à l’Internet fixe, la carte de l’Observatoire du Plan France Très Haut Débit considère que les trois-quarts du village ont accès au très haut débit via l’ADSL, soit entre 30 et 100 Mbit/s. Le quart restant est classé en haut débit, soit entre 8 et 30 Mbit/s. Mais là encore, les habitants ne semblent pas en voir pas la couleur. « On vend aux habitants des forfaits avec 8 Mbit/s de débit. Et puis, quand ils vérifient avec des sites spécialisés, ils constatent qu’ils n’ont que 700 ou 800 kbit/s ! C’est dix fois moins mais on leur répond quand même : « Non, non, vous avez 8 Mbit/s ».
Il faut dire qu’en ADSL, les opérateurs ne promettent pas des débits garantis mais théoriques. Rien ne les oblige à assurer effectivement les chiffres annoncés. Autant dire que lorsque le gouvernement promet du « bon haut débit » à 8 Mbit/s pour tous d’ici 2020, Jean-Pierre Fourlon reste dubitatif. « S’agira-t-il de débit théorique ou garanti ? », s’insurge-t-il. « Il faut arrêter de se cacher derrière des ratios qui ne correspondent à rien. Et dire enfin la vérité sur la couverture Internet fixe et mobile », appelle-t-il de ses vœux.
Le gouvernement semble prendre conscience du problème, Julien Denormandie évoquant ce matin « un grand malentendu » entre les chiffres parfois flatteurs et le ressenti de la population. L’Arcep aussi, qui a engagé un grand travail de crowdsourcing pour prendre en compte, par exemple, les données des applications mobiles installées sur les smartphones de la population. Une petite révolution est donc en marche.
En attendant à Caudiès-de-Fenouillèdes, les habitants pâtissent d’une mauvaise couverture. Mais en plus ils doivent payer plus cher que dans les grandes villes pour y pallier, recourant souvent à des offres satellitaires. Une double peine, en quelque sorte.
Contrairement à ce que laissait entendre le titre de cet article dans un premier temps, la carte
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