Sur le marché des smartphones, Android écrase désormais la concurrence avec 85% de parts de marché, contre 12% pour l’iOS d’Apple. En situation de force, Google serait-il tenté d’abuser de sa position? La Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (DG COMP) soupçonne fortement l’entreprise californienne d’avoir dépassé la ligne rouge. Selon Reuters, l’instance pourrait rapidement ouvrir une affaire antitrust. Google est suspecté de faire pression sur les fabricants de téléphones sous Android afin qu’ils privilégient ses propres applications, au détriment de celles de la concurrence.
Une recherche de pièces à conviction
Selon les sources de Reuters, la DG COMP a fait parvenir un formulaire de 40 questions aux nombreuses entreprises – dont les fabricants de téléphones – en lien avec Android. Elles devront y avoir répondu avant septembre. Parmi les renseignements à fournir, d’éventuelles requêtes abusives de la part de Google, officielles ou officieuses. Et l’organisme européen veut des preuves : emails, fax, prises de notes, tout devra y passer. Les informations devront remonter jusqu’en 2007 soit deux ans après le rachat d’Android par Google. Les détails sur la répartition des revenus devront également être communiqués.
La DG COMP, dirigée par l’espagnol Joaquín Almunia, craint principalement que Google profite de sa position de force face aux fabricants de téléphone. Un ancien cadre de Google a précisé à Reuters que l’entreprise imposait aux constructeurs désirant vendre leurs produits avec la dernière version d’Android un contrat « stipulant un nombre minimum de services Google préinstallés sur les appareils ». L’américain aurait-il été prêt à tout pour que les utilisateurs voient apparaitre Maps, Search, ou Google+ dès l’allumage d’un téléphone fraîchement acheté ?
Dans le viseur depuis plusieurs années
Ce n’est pas la première fois que Google se retrouve au cœur des soupçons. En novembre 2010, le régulateur européen s’intéressait déjà à de potentielles pratiques anticoncurrentielles de la part du moteur de recherche. Ce dernier aurait profité de sa position pour mettre en avant ses propres services dans les résultats de recherche. En février dernier, les deux parties arrivaient à un règlement à l’amiable après de belles promesses de l’américain. Soulagement pour Google, qui encourait une amende pouvant aller jusqu’à 5 milliards d’euros. Satisfaction également pour Joaquín Almunia tout heureux de mettre un terme au conflit. Il était bien le seul. Alors que les concurrents dénonçaient la non-application des engagements du moteur de recherche, Arnaud Montebourg et plusieurs autres ministres européens critiquaient fermement le manque de fermeté d’Almunia.
L’affaire rappelle furieusement les déboires que Microsoft avait connus avec cette même Commission européenne. Après avoir été poursuivi pour avoir imposé son lecteur Windows Media Player en 2004, la firme de Redmond avait été inquiétée en 2009 concernant l’utilisation Internet Explorer. Autrefois associé à Microsoft, le terme antitrust pourrait bientôt changer d’effigie.
Des conséquences potentiellement considérables
Pour Google, ces allégations ne sont pas fondées. Sans répondre à la Commission européenne, son porte-parole précisait hier que la FTC (agence fédérale du commerce aux Etats-Unis) avait « examiné les accords de Google autour d’Android de façon approfondie sans y trouver le moindre problème légal ». Se rabattre sur le système américain pourrait sembler être une bonne solution si Google n’était pas également visé par une plainte sur ses propres terres, pour le même motif. Deux utilisateurs de smartphones ont récemment entamé une action collective en Californie. Ils reprochent également à Google de biaiser la concurrence à l’aide d’Android. La Cour fédérale de San Jose devrait statuer en octobre prochain sur la poursuite de la procédure. Si un procès était envisagé, Google devrait lutter sur deux fronts à la fois.
L’enjeu est colossal. Android est aujourd’hui le plus gros relais de croissance pour le moteur de recherche. En Europe, une décision défavorable pourrait sensiblement impacter son chiffre d’affaire et l’ensemble de sa politique de développement. En novembre, Joaquín Almunia sera remplacé par un nouveau commissaire européen. Le durcissement de ton face à Google pourrait bien être l’un des principaux enjeux de cette prochaine nomination. Un dossier potentiellement explosif pour Google, pour peu que quelqu’un ose appuyer sur le détonateur.
À lire aussi : Concurrence : le lobby iComp met un nouveau coup de pression à Google (05/03/14)
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.