Un campus. Telle est l’impression spontanée du visiteur qui, fraîchement débarqué de l’aéroport, fait son entrée sur le site de Montpellier. À peine a-t-il franchi la porte d’entrée qu’il se sent happé par un ballet de jeunes gens ?” 29 ans en moyenne ?” qui s’apostrophent, rient, virevoltent et… travaillent. Car si le centre d’affaires de Montpellier n’a rien d’une usine, “il a, en revanche, tout d’une ruche”, comme le signale, non sans fierté, Marc Frejavise, customer services manager pour l’Europe du Sud. “Ici, c’est à la fois très détendu et très professionnel”, renchérit Julie, 25 ans, hôtesse d’accueil, tout sourire dehors. Envie de bouger ? Quelle drôle de question. “J’y suis depuis trois ans, alors c’est que ça me plaît !”, réplique-t-elle.
Le règne du téléclient
De part et d’autre de l’atrium, discrètement paysagé et bien insonorisé, hommes et femmes de toutes nationalités occupent plusieurs étages. Ils s’expriment au téléphone, casque sur la tête et gestes à l’appui, en trois langues différentes : français, italien et espagnol. Leur mission est de répondre en permanence aux sollicitations commerciales du client, sans oublier les diverses nécessités du support technique. Et là, attention à ne pas vexer l’interlocuteur. Y compris, et surtout, si c’est lui qui est à l’origine de la faute…” J’interviens pour vérifier que chacun a bien le même niveau technique pour répondre à ses interlocuteurs, précise Catherine, formatrice. Dans l’ensemble, ça se passe bien.”Il le faut. Car la mécanique de Dell est implacable. “Voilà comment se déroule le cheminement d’une commande, décrit Xavier Gandillot directeur général grand public et PME pour l’Europe du Sud. Imaginons qu’une entreprise soit intéressée par nos produits. Elle nous contacte soit par téléphone, soit par internet (aujourd’hui, c’est à peu près cinquante-cinquante). Tout appel est aiguillé, par un système complexe d’arborescence, vers la personne idoine. Une proposition de devis est alors élaborée conjointement avec le client. Une fois ce devis accepté, la commande est transmise à notre usine en Irlande. Les opérations d’assemblage sont ensuite déclenchées en fonction des besoins spécifiques du client. Aussitôt, son profil, son historique, son choix de configuration sont enregistrés.” Pour lui, c’est un atout inestimable. “Cette connaissance de chaque histoire particulière nous a permis, au niveau mondial, de tout remettre en place après les attentats du 11 septembre. Pour un client Dell dont l’outil de travail avait été endommagé pendant ces événements, nous disposions d’un historique détaillé et précis.”
Un carnet de santé du PC
On touche là au c?”ur du système. D’une part, la fabrication activée sur simple validation de la commande, d’autre part la mémorisation absolue de chaque occurrence. C’est le carnet de santé de l’ordinateur, en quelque sorte…“Pour nous, la fabrication, c’est un peu d’assemblage et beaucoup de tests, reprend Xavier Gandillot. Quand ils voient comment nous fonctionnons, les gens s’imaginent qu’ils pourraient monter le PC eux-mêmes. Faux. Il suffirait d’un composant non compatible pour “planter” la machine. Alors que nous portons garants de tous les éléments utilisés dans le process d’industrialisation et de distribution.”La journée avance. C’est l’après-midi. Dans les étages, les commerciaux et autres hot-liners ne paraissent pas tous soumis au même stress. “C’est normal, explique Michel Levy, directeur des ressources humaines pour l’Europe du Sud. Ici, dans cette pièce, le volume sonore augmente : nous sommes dans l’espace réservé aux Espagnols et aux Italiens. Dans le cas particulier des Espagnols, la journée de travail est décalée d’une heure ou deux vers la fin de l’après-midi. Mode de vie local oblige…” À propos, comment ces collaborateurs arrivent-ils sur le site de Montpellier ? “En gros, un tiers par internet, un tiers par cooptation et un tiers différemment. La cooptation marche bien. Il faut dire que nous offrons une grosse prime à chaque personne qui fait entrer un employé.” Cela aide.Sur un plan général, ce site fonctionne exactement à l’image des sociétés américaines. Fournitures diverses en accès libre, courtoisie de rigueur, cravate en option, réfectoire convivial, distributeurs de boissons mobilisables par un système de clés qui remplace avantageuse- ment la recherche de la monnaie. De toute évidence, la mise à disposition d’outils performants, propres à assurer une qualité de vie qui, elle-même, servira à stimuler la motivation personnelle des impétrants, est une préoccupation constante des dirigeants. Il s’agit de gagner du temps et de la productivité, mais en souplesse et dans la bonne humeur. Esprits chagrins s’abstenir !
L’équilibre morale-business
Car ici, le couple morale-business fonctionne à plein régime. Les panneaux associatifs et syndicaux sont révélateurs : peu de récriminations, beaucoup de propositions de loisirs. En équipe, de préférence. “À chaque fois que Michael Dell vient nous voir, il commence toujours par la même question”, raconte Manuel Matilla, sales operations manager pour l’Europe du Sud. “Il veut savoir comment va le moral des troupes. C’est son obsession. Il fait le tour, s’arrête, repart, cherche un petit mot personnel à dire à chacun. Cet exercice n’est pas de pure forme : il demande continuellement où en est le “close rate”, c’est-à-dire le nombre de devis convertis en commandes dans la journée.” Pas de doute, sur ces quelques mètres carrés, on baigne dans un bouillon de culture inédit, mais diablement efficace. Il réunit d’un seul tenant un bout d’Amérique, une bonne dose de culture française et une grosse pincée de Méditerranée, “le seul continent liquide” selon l’expression de l’historien français Fernand Braudel.
Un pôle d’attraction
Que va-t-il advenir de Dell Montpellier ? Toujours grandir. Et devenir non seulement un vrai pôle d’attraction high-tech, mais encore un bassin d’emplois. À ce sujet, Xavier Gandillot rapporte une anecdote qui résume assez bien le changement d’époque qui travaille en profondeur les soubassements de l’industrie. “Pendant longtemps, lorsqu’ils arrivaient à l’aéroport tout proche, nos visiteurs avaient coutume de demander au chauffeur de les conduire à côté de l’usine IBM. Comme ça, ils étaient sûrs de parvenir à bon port. Maintenant, ceux qui veulent se rendre chez IBM doivent préciser au taxi quils vont à côté de Dell…” On ne saurait être plus cruel.
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