Le scénariste est un métier en danger, et ce n’est pas (encore) la faute de l’Intelligence artificielle. Voilà le message passé par l’Association des scénaristes américains (la Writers Guild of America ou WGA) dans les colonnes du Financial Times le lundi 20 mars. En ce début de semaine s’ouvrait une nouvelle période de négociation de leurs tarifs. Tous les trois ans, la WGA et l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision, une association qui comprend les grands studios et les géants du streaming, déterminent le salaire minimum des auteurs de séries et films. Cette fois, un véritable bras de fer vient de s’engager. Les scénaristes comptent en effet bien se saisir de cette occasion pour pousser un cri d’alarme. Et preuve qu’ils comptent aller jusqu’au bout, la menace de la grève est à peine voilée.
Car si on ne connaît souvent pas leurs noms, ce sont bien eux qui, en coulisses, écrivent les scripts et tracent la destinée et la trame de toutes nos séries et films préférées. Tout cela pour des rémunérations trop maigres et dans un système qui privilégie des pools sous-payés. Ainsi, le métier est en danger, et le système de rémunération doit changer, expliquent les 11 500 de la WGA chez nos confrères.
Le coupable : le streaming
Nombre d’entre eux ne parviennent plus à joindre les deux bouts et le coupable est tout trouvé : c’est le streaming, soulignent-ils. Actuellement, « les scénaristes ne peuvent pas gagner leur vie », confirme Chris Keyser, scénariste et membre du comité de négociation de la WGA. Et si le métier était déjà « sous-évalué » depuis plusieurs années, « le passage au modèle du streaming a aggravé la situation », ajoute-t-il.
Contrairement à ce qu’on peut penser, le streaming, qui a multiplié le nombre de contenus produits, n’a pas permis aux scénaristes d’être mieux payés. C’est même l’inverse qui s’est produit : les auteurs gagnaient mieux leur vie avant que la diffusion en continu ne prenne son envol. Aux États-Unis, on estime qu’à l’époque de la télévision traditionnelle, les séries comprenaient au moins 22 épisodes, soit autant de scénarios à écrire pour les scénaristes. Et ces derniers touchaient des droits d’auteur en fonction du nombre de diffusions.
Mais avec le streaming, le système de rémunération a changé. Les séries sont plus courtes, avec une dizaine d’épisodes par saison. Autre problème, le nombre de scénaristes engagés par série a diminué. Le secteur a peu à peu mis en place un système de « pool », où quelques scénaristes vont produire ensemble un scénario dans un laps de temps réduit. Résultat, le salaire moyen d’un scénariste a baissé de 4 % ces dix dernières années, selon la WGA, citée par le New York Times, mardi 21 mars.
Les producteurs font des réserves de scénarios et craignent une grève longue
De leur côté, les producteurs ont estimé qu’il fallait tenir compte des « réalités économiques ». Ils ont ajouté, dans un communiqué, être « déterminés à parvenir à un accord mutuellement bénéfique ». En filigrane, ils expliquent que leurs coûts de production ont explosé, et que la course aux abonnés les oblige à produire toujours plus. Ils ajoutent qu’ils doivent aussi répondre aux exigences de leurs actionnaires qui demandent une réduction de leurs coûts et une meilleure rentabilité.
Craignant une grève longue, comme celle qui avait duré 100 jours en 2007, les producteurs ont commencé à stocker des scénarios en demandant aux créateurs d’en terminer le plus possible avant le 1er mai, la date de la fin des négociations. Un agent hollywoodien, interviewé par nos confrères, résume : d’un côté, « les scénaristes ont des problèmes très légitimes à résoudre, et de l’autre, les studios perdent tous de l’argent en dépensant autant pour le contenu en streaming ». La négociation risque d’être difficile.
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Source : Financial Times