Pourquoi les États-Unis ont-ils déclaré la guerre à Huawei ?
Les Etats-Unis ne voient pas d’un bon œil la montée en puissance de ce fournisseur de technologies de communications qui, en l’espace de 15 ans, est passé d’une position de challenger à celle de leader mondial. Pour l’oncle Sam, Huawei n’est rien d’autre qu’un cheval de Troie qui permet au gouvernement chinois de siphonner les réseaux de tous les pays.
Les Américains veulent stopper l’ascension de cette entreprise par tous les moyens. La grande priorité du moment est d’exclure Huawei des réseaux 5G, un domaine où il est particulièrement puissant et innovant. L’argument, c’est qu’en fournissant les équipements des futurs réseaux 5G, l’entreprise serait capable d’espionner nos infrastructures, par l’intermédiaire de portes dérobées.
Existe-t-il vraiment des backdoors dans les équipements télécoms de Huawei ?
Pour l’instant, personne n’a jamais publié de preuve à ce sujet. Dans un article du Wall Street Journal daté du 12 février 2020, des « sources gouvernementales » américaines expliquent toutefois que les équipements télécoms de Huawei seraient truffés de portes dérobées permettant aux forces de l’ordre chinoises d’intercepter des flux dans le monde entier, et cela à l’insu des opérateurs et des agences de cybersécurité locales. Ces backdoors auraient été observées pour la première fois en 2009 sur des équipements 4G. Pour autant, l’article ne livre aucun détail technique. Évidemment, Huawei a rejeté en bloc ces accusations. « Huawei n’est qu’un fournisseur d’équipements. Il est impossible pour nous d’accéder aux réseaux de nos clients sans leur autorisation et, surtout, sans être vu. Nous n’avons pas la capacité de contourner les contrôles d’accès des opérateurs et d’intercepter les données de leurs réseaux sans être détectés par tous les pare-feu ou systèmes de sécurité normaux », explique un porte-parole auprès de Business Insider.
Qu’en pensent les alliés des États-Unis ?
Les États-Unis souhaitent que leurs alliés adoptent la même position vis-à-vis de Huawei et qu’ils décident, à leur tour, d’interdire les équipements 5G de Huawei. Certains l’ont fait, comme l’Australie et le Japon, mais d’autres non. En particulier, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ne comptent pas bannir Huawei de leurs réseaux, en tous cas pas totalement. Ces pays prennent du coup le risque de détériorer leur relation avec les États-Unis.
À l’occasion d’une conférence de sécurité à Munich, ces derniers ont martelé que leurs services de renseignements cesseraient de partager des données avec les pays récalcitrants. Mais cet argument assez peu diplomatique, qui a également été relayé par Richard Grenell, directeur par interim du renseignement américain, n’a pas fait mouche. Les pays européens estiment visiblement que le danger potentiel émanant de Huawei est suffisamment gérable. À moins qu’il s’agisse d’une rébellion de façade pour ne pas froisser la deuxième puissance économique mondiale…
En quoi consiste l’embargo décrété par Donald Trump vis-à-vis de Huawei ?
En mai 2019, Huawei et ses filiales ont été placées sur la liste noire des organisations avec lesquelles les entreprises américaines n’ont pas le droit de commercer. Le gouvernement américain ne donne pas de raison précise pour cet embargo. Il met simplement en avant le risque que représenterait l’entreprise chinoise pour la sécurité nationale. Désormais, pour pouvoir travailler avec Huawei, les entreprises américaines doivent demander une autorisation spéciale auprès du gouvernement.
Quelques domaines d’activités ont néanmoins été exclus dans le cadre d’une licence générale temporaire qui vient d’être étendue jusqu’au 1er avril 2020, pour ne pas trop gêner les entreprises américaines. Ainsi, les opérateurs télécoms et les revendeurs informatiques ont le droit de continuer à profiter du support technique de Huawei et les chercheurs en sécurité peuvent continuer à collaborer avec leurs homologues chinois pour les alerter sur des failles. Mais en dehors de ces cas d’exception, collaborer avec Huawei est impossible. Google, par exemple, a clairement coupé les ponts avec le géant chinois, empêchant ce dernier d’intégrer les services Google dans ses nouveaux smartphones.
Huawei peut-il échapper à cet embargo ?
Les États-Unis veulent asphyxier Huawei à tous les niveaux, tant logiciel que matériel. Et comme les technologies américaines sont présentes dans beaucoup de domaines high-tech, la portée de l’embargo est potentiellement très importante. Côté logiciel, Huawei veut se dégager de l’emprise américaine et accélère le développement de ses propres services. Mais côté matériel, ce sera nettement plus compliqué. Pendant un temps, on pensait qu’ARM n’allait plus pouvoir fournir de licences à Huawei, ce qui l’aurait empêché d’utiliser ce type de puces. Mais les juristes d’ARM ont trouvé une parade, permettant à l’entreprise chinoise d’échapper à cette catastrophe.
Le gouvernement américain cherche maintenant un autre moyen pour casser l’approvisionnement en puces de Huawei. Selon Reuters, il envisage d’interdire aux fabricants de processeurs, en particulier l’entreprise taïwanaise TSMC, de fournir le géant chinois à partir du moment où ils utilisent des outils de production d’origine américaine. Or, la fabrication de semi-conducteurs s’appuie très largement sur des technologies venant d’outre-Atlantique.
Quels autres moyens de pression utilisent les États-Unis ?
Le gouvernement américain s’attaque également à Huawei au niveau juridique. Le 13 février 2020, le Département de la justice a accusé le fournisseur chinois de « racket » et de « complot criminel » dans le but de voler des secrets commerciaux et technologiques au sein d’entreprises américaines : des codes sources, des manuels techniques, des prototypes, etc. Des collaborateurs de Huawei auraient, par exemple, photographié en douce des circuits électroniques d’équipements réseau qui étaient exposés à l’occasion de salons internationaux.
L’année dernière, le Département de la justice avait déjà accusé la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, de voler des informations secrètes et de contourner l’embargo iranien. Cette dirigeante se trouve actuellement au Canada, en attente d’extradition vers les États-Unis.
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