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5G : Huawei choisit la France pour implanter son premier site de production radio hors de Chine

L’équipementier chinois va ouvrir une usine d’équipements radio dans notre pays. Une réponse habile à la guerre diplomatico-commerciale acharnée que lui livrent les Etats-Unis en Europe.

C’est un coup judicieux que Huawei est en passe de réaliser. Le président du groupe Liang Hua s’est déplacé en personne aujourd’hui à Paris pour annoncer ouvrir un site de production d’équipements radios 4G et 5G en France, le premier hors de Chine. Un choix stratégique à interpréter évidemment comme une réplique aux pressions des Etats-Unis. Les Américains tentent en effet de faire interdire par tous les moyens l’équipementier Huawei sur les marchés 5G de ses partenaires, particulièrement en Europe.

Liang Hua a livré quelques détails sur ce site de production en s’exprimant exclusivement en mandarin, à proximité d’un traducteur en français. « Le site sera destiné à fournir le marché français et européen », a-t-il déclaré. Les produits seront des équipements radios, concernant principalement les stations de base des opérateurs. Rappelons que les stations de base ne comprennent pas seulement les antennes-relais situés sur des points hauts. Elles intègrent aussi les boîtiers servant de récepteur et d’amplificateur du signal, et les locaux techniques à proximité qui pilotent les modules de puissance des boîtiers et répartissent le trafic voix sur l’ensemble des technologies 2G-3G-4G, et bientôt 5G.

Rassurer sur la sécurité des produits

Première remarque, Huawei n’a donc pas l’intention de fabriquer en Europe des équipements de cœur de réseau. En France, il n’était de toutes façon pas présent dans ces points névralgiques. Mais il avait réussi à s’y imposer ailleurs en Europe. Jusqu’à ce que les craintes récentes vis-à-vis de la sécurité de la 5G poussent des opérateurs comme Vodafone et BT à désinstaller les équipements Huawei. Il était donc inutile pour le géant chinois d’insister sur ce terrain perdu d’avance.

L’usine française ne se contentera pas de faire de l’assemblage. « Elle va concevoir des modules radio, les tester, les vendre et les charger avec les logiciels nécessaires », nous a expliqué Liang Hua. Le président de Huawei nous a aussi précisé que la filiale de semi-conducteurs HiSilicon de Huawei serait loin d’être le seul fournisseur de composants de l’usine française. Le site sera approvisionné par des partenaires du monde entier, et à coup sûr, des acteurs locaux. Il a notamment cité le franco-italien STMicroelectronics qui est déjà l’un de ses gros fournisseurs.

Le site comprendra enfin une unité de recherche et développement, ainsi qu’un showroom. Ce n’est pas un détail. Avec ce centre d’exposition, Huawei joue la carte de la transparence et invite les Européens à venir vérifier par eux-mêmes la sécurité de ses produits pour les rassurer. Une façon de désamorcer les craintes qui subsistent sur la possibilité que le gouvernement chinois puisse placer des backdoors dans ses équipements et que les opérateurs n’aient pas la main sur ses algorithmes.

Des employés de Huawei qui installent des antennes.
Huawei – Des employés de Huawei qui installent des antennes.

Sauver les contrats européens

Pour le moment, Huawei en est au stade l’étude de faisabilité. Il doit ensuite lister les sites potentiels et les auditer pour choisir l’emplacement. Il va consacrer un premier budget de 200 millions d’euros pour acheter le terrain, les équipements et conduire les travaux. 500 emplois directs devraient être créés. Il estime que la valeur de production de cette usine devrait s’élever à 1 milliard d’euros par an. Le site pourrait ensuite s’attaquer à d’autres produits que les équipements radio, en fonction des demandes du marché européen.

Huawei est présent depuis 17 ans en France et près de 20 ans en Europe. Liang Hua a affirmé avoir pris la décision d’ouvrir cette usine il y a un an. A cette époque, la guerre avait déjà été déclarée par les Etats-Unis, mais le champion chinois n’était pas encore menacé de perdre ses nombreux contrats sur le vieux continent. Les choses se sont dégradées depuis. Même si la Commission européenne et la plupart des pays européens n’entendent pas bannir Huawei de la 5G, ils ont l’intention d’écarter les « fournisseurs à risque » totalement ou de façon localisée sur des sites sensibles. 

En France, les opérateurs sont toujours en attente de la réponse de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), qui doit donner son accord pour installer des équipements Huawei. Le président Liang Hua se retrouve donc en mission spéciale pour sauver ce qui peut l’être en Europe. Son mot d’ordre était clair « En Europe, pour l’Europe ». Et en localisant une partie de sa production en France, Huawei se paye même le luxe de se poser en sauveur de notre souveraineté. Un beau retournement de situation, alors qu’il est soupçonné de mettre en péril notre sécurité nationale.

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Amélie Charnay