Bouygues Telecom a assigné Free Mobile devant le tribunal de commerce de Paris pour pratiques commerciales trompeuses. Après une première audience le 18 décembre dernier, le jugement a été renvoyé au 27 février 2015. Bouygues accuse son concurrent de brider volontairement le débit de ses clients en 3G, afin de réaliser des économies et de reverser moins d’argent à Orange, à qui il loue une partie de ses antennes. Une manœuvre qui aurait permis à Free de casser les prix de ses abonnements.
Free n’a pas officiellement réagi à l’attaque. Face aux critiques, le quatrième opérateur mobile a choisi, ces dernières semaines, de garder le silence. Dernière info en date, Free couvrirait bien 75% de la population française au 12 janvier 2015. Un objectif qui lui avait été fixé par le régulateur des télécoms (l’Arcep).
Alors Free, opérateur catastrophique ou modèle ? Pour y voir plus clair, nous vous avons fait le tour de toutes les informations en notre possession. Le point en 5 questions.
Le réseau Free Mobile couvre-t-il tout le territoire ?
Free a lancé son service mobile le 10 janvier 2012 et, même si les déploiements se sont accélérés ces derniers mois, l’opérateur possède toujours beaucoup moins d’antennes 3G que ses concurrents.
Dans le tableau ci-dessous, la colonne «supports 3G» indique le nombre d’antennes déployées au 1er janvier 2015 : soit exactement 4 428 antennes 3G en service chez Free mobile, contre largement plus de 10 000 chez chacun de ses concurrents.
Cela dit, en plus de son accord contractuel en 2G, Free a conclu un accord commercial avec Orange pour louer des antennes 3G en plus des siennes, et ainsi offrir à ses clients une large couverture en haut débit mobile. Précisons que dans les zones très denses, ce «roaming» s’avère quasiment obligatoire, tant il devient compliqué de poser de nouvelles antennes dans des villes déjà saturées, comme Paris.
Aussi, grâce à cet accord d’itinérance, Free est parvenu à couvrir 86% du territoire et 98,5% de la population en 3G au mois de décembre 2013 (voir carte ci-dessous). Et donc de faire mieux que Bouygues Telecom sur ce terrain !
Enfin, lors de son dernier communiqué du mois de décembre, l’Agence nationale des fréquences soulignait que Free Mobile maintenait un rythme soutenu de déploiement d’antennes 3G « depuis août 2014 », ainsi que 4G…
Que vaut le réseau de Free sur la 4G ?
Le réseau 4G de Free mobile est encore plus récent : il a été ouvert le 3 décembre 2013. Mais ses concurrents ne sont pas partis beaucoup plus tôt : Orange et SFR avaient lancé la 4G en 2012, mais au compte-goutte, dans quelques quartiers de grandes villes uniquement. Le vrai lancement pour les trois opérateurs mobiles historiques remonte à la rentrée 2013.
Toutefois, l’écart entre Free et ses concurrents a été pointé du doigt par l’Arcep en juillet dernier. Selon l’Autorité des télécoms, Free ne couvrait que 1,5% du territoire et 24% de la population, dernier au coude à coude avec SFR qui ne couvrait que 1,7% du territoire, et loin derrière Orange avec 18% du territoire couvert en 4G, et Bouygues Telecom avec 22% (voir carte ci-dessus).
Au 1er janvier 2015, nous ne disposons pas encore de nouveaux chiffres sur la couverture en 4G, mais des indications intéressantes publiées par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) : en nombre d’antennes actives, Free en affiche 2 099 (Cf tableau ci-dessous), contre seulement 1 411 en juillet dernier !
Quelle qualité de service offre Free mobile ?
Dans l’enquête publiée par l’Autorité de régulation des télécoms, au mois de juin dernier, sur La qualité des services mobiles en France métropolitaine, Free finissait dernier du classement des opérateurs concernant la 3G. Sur 258 indicateurs pris en compte, l’opérateur historique Orange en totalisait 213 au-dessus de la moyenne ; Bouygues, 75 ; SFR, 38 ; et Free… seulement 2 (voir le graphique ci-dessous).
Cependant, l’Arcep a constaté une amélioration des débits chez tous les opérateurs depuis deux ans, y compris Free qui dépasse maintenant SFR sur les débits montants (qui permettent d’envoyer des requêtes, des vidéos, de transférer des fichiers, de synchroniser des données… ) et a fortement amélioré ses résultats sur la navigation web.
Mais d’autres usages ne profitent pas de cette embellie, comme le visionnage d’une vidéo (voir le graphique ci-dessous) ou encore la réception de SMS.
Concernant la qualité de service du réseau 4G, l’UFC Que choisir avançait dans sa dernière enquête du mois d’octobre 2014 le classement suivant : Orange en tête avec un taux de qualité de 90,2%, puis Bouygues Telecom avec 84,6%, Free Mobile avec 78,9% et enfin SFR avec 72,1%.
Le débit offert par Free mobile est-il dégradé en itinérance 3G ?
L’association de consommateurs UFC-Que Choisir a porté plainte au mois de janvier 2013 contre Free Mobile. Elle reproche à l’opérateur de commercialiser un service avec une qualité dégradée quand ses clients tentent d’accéder à des fichiers multimédias en itinérance avec Orange.
« Nous avons réalisé trois études entre 2013 et 2014 avec des tests de terrain qui montrent tous un taux de défaillance marqué pour accéder à des sites gourmands en bande passante comme Youtube. Une situation qui résulte assurément d’une restriction du débit », nous a confirmé Antoine Autier, chargé de mission nouvelles technologies chez UFC Que Choisir.
Mais la procédure engagée par UFC-Que Choisir contre Free est toujours au point mort.
4GMark a, elle aussi, publié des tests pour le site ZDNet qui montraient, au mois de septembre 2014, que le débit délivré aux utilisateurs de Free en roaming avec Orange variait en fonction des types de fichiers téléchargés. Des résultats intéressants à titre indicatif mais à prendre avec précaution étant donné qu’ils émanent de la collecte de données auprès d’internautes lambda, sans protocole, dans des conditions variables.
Ces indices mis bout à bout soulèvent forcément des interrogations. Free mobile bride-t-il les débits en itinérance Orange ? Le protocole HTTPS (utilisé par les services de Google notamment, comme Youtube, mais aussi le service Dropbox et bien d’autres) est-il visé par des restrictions de débits ? S’agit-il simplement du résultat d’une gestion optimale de son réseau dans un contexte où les ressources sont particulièrement limitées ?
Ces questions restent en suspens. Aucun élément technique ne permet à ce jour de prouver la volonté de Free de brider volontairement le réseau de ses clients, et encore moins son intention de le faire dans le but de reverser moins d’argent à Orange. Par ailleurs, Free reconnait des problèmes de saturation dans les zones denses… tout en soulignant que les autres opérateurs sont également confrontés à ce genre de situation.
Que peut-on espérer sur le réseau Free Mobile en 2015 ?
L’année commence plutôt bien puisque Free aurait respecté son engagement à couvrir 75 % de la population en 3G au 12 janvier 2015, mais l’Autorité n’a pas encore validé ce chiffre. Le régulateur va lancer une procédure pour vérifier la fiabilité de la carte fournie par Free, avec des mesures sur le terrain.
Autre bonne nouvelle pour les clients de Free Mobile : en plus des fréquences 2600 MHz, l’opérateur vient d’être autorisé, comme les trois autres, à utiliser des fréquences 1800 MHz à partir de 2015 pour la 4G. Cette décision va lui permettre d’améliorer notamment sa couverture en très haut débit mobile.
Restera à surveiller la qualité de l’expérience utilisateur. Et on compte sur vous pour nous faire des retours !
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