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« 5-6 heures d’autonomie pour un portable seront bientôt la norme »

Grand chef de la division mobile d’Intel, Mooly Eden, homme aux multiples casquettes, livre son histoire et sa vision du futur de l’informatique. Rencontre.

Le futur du PC est mobile. Derrière cette évolution se cachent des femmes et des hommes, dont Schmuel « Mooly » Eden fait partie. Mooly Eden n’est ni plus ni moins que celui qui a apporté l’architecture Pentium M et Core 1 et 2 dans nos portables. Avec sa casquette vissée sur sa tête et son allure « jean, chemise et veste de costume », il est loin du look formaté des experts en marketing des grandes boîtes américaines. Mais qu’on ne s’y trompe pas! Mooly Eden est un ponte, il porte le titre de General Manager of the Mobile Platforms Group, l’une des unités les plus lucratives d’Intel, située en Israël, dont Bloomberg disait en 2007 qu’elle avait sauvé Intel, en un temps où AMD grignotait des parts de marché. Rencontre avec le grand gourou de la mobilité d’Intel.

Un début au coeur des puces

« J’ai eu plusieurs carrières à Intel, commence Mooly. J’ai tout d’abord commencé à travailler sur la fabrication des puces en Israël pendant sept ans. Intel m’a envoyé étudier deux ans aux Etats-Unis afin d’apporter la technologie pour monter un centre de recherche. Puis je suis devenu concepteur de puces, un métier plus créatif qui correspondait mieux à mon caractère. » Un départ de carrière qui le conduit au cœur des puces et qui l’amène à diriger le premier projet de plusieurs milliards de dollars du centre de développement d’Intel (IDC) à Haïfa : le Pentium MMX. Un processeur qui fera date dans l’histoire du fondeur.

A contre-courant de la course aux mégahertz

Longtemps dans la course à la fréquence, Intel se retrouva dans l’impasse avec ses Pentium 4 en ce qui concerne les PC portables. Mooly explique : « On avait éduqué les consommateurs à mesurer les performances des ordinateurs à la fréquence des processeurs. » Nous sommes alors en 2002-2003, les Pentium 4 atteignent alors 3 GHz.

« Mais en matière de mobilité, on se heurtait à un mur, celui de la dissipation thermique. On ne peut pas aller au-delà de 35 watts, continue-t-il. C’est pourquoi nous avons développé le Pentium M, un processeur qui commençait à 1,3 GHz. Il nous a fallu faire montre de beaucoup de persuasion, mon équipe et moi, et il a fallu beaucoup de courage aux équipes marketing pour inverser la tendance. » La suite, vous la connaissez. Intel développe la stratégie Centrino, poursuit sur sa lancée avec Core et Core 2.

Du mobile au desktop, ou repenser les priorités de conception

L’effet Core a eu un impact majeur sur le design des puces, on le sait : « Avant, on partait d’un processeur desktop, puis on déclinait les technologies en version mobile. Désormais, on développe des technologies qui vont convenir au mobile, notamment les fonctions d’économie d’énergie (C6 State, etc.), puis on les adapte pour les desktops », explique, pas peu fier, Mooly en souriant.

La mobilité aujourd’hui

Mains entrecroisées, pieds fermement ancrés au sol et ton décidé, Mooly martèle ses deux leitmotive pour le futur proche de l’informatique. « Thin is in, light is right [fin c’est branché, léger c’est ce qu’il faut, ndlr]. » Pour le concepteur du Core, « aussi fier quand il voit des avions pleins de Centrino que des écoles chinoises pleines (de netbooks à base) d’Atom », la légèreté, la finesse des produits est un objectif aussi capital que l’autonomie des batteries.

Sur ce point, il professe même que « d’ici un ou deux ans, vous ne trouverez plus un ordinateur portable dont l’autonomie se cantonne à 2-3 heures. 5-6 heures sera la norme ». Il parle aussi de la disparition des lecteurs optiques, puisqu’ils « ne sont plus souvent utilisés et [qu’ils] consomment de l’énergie ». Et quand on lui parle de l’aspect novateur d’Apple avec le MacBook Air, il tique, sourit et réplique « non, désolé, nous fûmes les premiers à montrer le concept avec Metro [un concept-PC présenté] en 2007 ».

L’informatique de demain : vidéo et sécurité

« Côté performances, la vidéo est notre plus gros challenge en terme de puissance », prédit-il. Elle représente 50 % du trafic Internet, avec les services comme YouTube, Hulu, etc. « Nous allons nous concentrer pour délivrer les meilleurs outils afin de manipuler aisément la vidéo. » Mais au sens large, le premier des défis est celui de la sécurité : « Regardez tout ce que l’on peut mettre comme informations personnelles dans les ordinateurs !, s’exclame-t-il. Des numéros de cartes bancaires en passant par les données de passeports, etc. Je pense que la problématique de la sécurité va passer à la vitesse supérieure et nous concentrons beaucoup d’efforts sur ça. »

« Le meilleur moyen de prédire le futur est de le créer »

Citant Abraham Lincoln, Mooly explique la démarche que les équipes d’Intel tentent d’avoir quand ils créent des puces. « Développer des puces de plusieurs millions de transistors représente un travail colossal, à l’égal de l’envoi de fusées dans l’espace ou du séquençage du génome. Il faut lancer un projet en essayant de savoir quels seront les besoins dans deux ou trois ans. » D’autant que, selon lui, malgré la position dominante d’Intel, rien n’est acquis. « AMD, par exemple, a d’excellent ingénieurs, ils arrivent à faire de bons processeurs. Les concurrents sont à l’affût, il nous faut savoir où ils vont pour anticiper les mouvements afin de ne pas nous faire dépasser. » Quand on se rappelle l’épisode des premiers Athlon et le succès de l’Opteron couplés aux erreurs stratégiques autour du Pentium 4, on le comprend. 

Aujourd’hui, avec plus de 80 % de parts de marché, Intel est à l’abri d’un revirement à court terme, d’autant qu’AMD est en pleine restructuration, à la suite de l’ingestion d’ATI et de la scission avec The Foundry Company. Mais à l’ère du téléphone mobile, iPhone en tête, les Qualcomm et autres commencent à être de plus en plus puissants, d’autant que le premier marché émergent mondial, la Chine, semble développer ses propres technologies de processeurs…

Quand on est un géant, on est naturellement la cible. Quand on est en haut, on ne peut que tomber. Regard droit et tête en avance de trois ans, Mooly semble prêt au combat. Sourire combatif aux lèvres et pattes d’oie au coin des yeux.

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Adrian Branco