“Bluetooth a le mérite d’exister et de fonctionner. Les applications concrètes sont à montrer.” Par ces quelques mots, Pierre Perron, directeur général de Sony Ericsson Mobile Communications, résume parfaitement la situation du protocole Bluetooth. Malgré l’arrivée des premiers produits intégrés en septembre 2001, la déferlante Bluetooth ?” annoncée depuis trois ans ?” n’a toujours pas eu lieu. La toute nouvelle version des spécifications, la 1.1, est pourtant arrivée à point nommé pour sauver Bluetooth du naufrage, en lui apportant une composante essentielle qui faisait défaut aux versions 1.0 et 1.0b : l’interopérabilité.
Un protocole en mal de standardisation
Pour autant, la version 1.1 ne règle pas les autres handicaps de cette technologie radio. La “dent bleue” est encore plombée par le coût élevé du jeu de composants, l’encombrement de la bande de fréquence utilisée (2,4 GHz) et le manque d’applications. Néanmoins, ce protocole de communication radio reste novateur et ambitieux. Créant le lien entre le monde de l’informatique et celui de la téléphonie, Bluetooth aurait dû bouleverser notre environnement en quête de mobilité (voir infographie). Mais force est de constater que cette technologie souffre d’un manque de standardisation. Ce n’est que début décembre que l’IEEE (Institut of Electrical and Electronical Engineers) validera Bluetooth sous le nom de code IEEE 802.15.1. Or, cette absence de norme définitive a favorisé jusqu’à présent une politique d’attente de la part d’une grande partie des industriels. “Personne n’ose s’aventurer, reconnaît Abbas Abbassi, responsable nouvelles technologies de NEC Computer International. L’attitude de Microsoft illustre le scepticisme ambiant.” Un état d’esprit expliqué par Alexis Oger, chef de produits techniques de Microsoft : “Lors du lancement de Microsoft XP, nous n’avions pas eu l’occasion de tester suffisamment de périphériques pour nous assurer de la maturité de cette version. En revanche, Pocket PC 2002 en est équipé.” De fait, Microsoft promet une mise à jour de Windows XP intégrant la version 1.1 de Bluetooth au cours du premier semestre 2002.Malgré tout, la valse hésitation de l’éditeur encourage la politique du wait and see adoptée par les attentistes. Lesquels arguent de la promesse non tenue sur le prix du jeu de composants Bluetooth. Il est encore loin des 5 dollars (4,56 euros) escomptés pour une adoption en masse. “Notre jeu de composants était à 15 dollars [13,60 euros], reconnaît Xavier Petot, responsable technique des produits sans fil pour Intel. Mais Intel a choisi d’interrompre la production de son jeu de composants Bluetooth désormais limitée à celle de nos usines Xircom. Cette production est suffisante pour couvrir la demande.”Quelle qu’elle soit, Intel refuse de communiquer les chiffres de production et ceux des ventes effectives, tout en se défendant de prendre du recul vis-à-vis de cette technologie. La majorité des constructeurs mise pourtant sur une baisse du prix du jeu de composants pour prédire l’envol de la technologie. Mais cette baisse reste liée à une augmentation de la demande du monde de la téléphonie. Et encore faut-il que les utilisateurs achètent des téléphones siglés Bluetooth, chose impossible si les constructeurs ne simplifient pas les interfaces.Un autre obstacle : la confusion régnant quant au positionnement de la technologie. Certes, tout le monde s’accorde pour destiner Bluetooth ?” avec son débit toujours théorique de 1 Mbit/s ?” à une utilisation dans un réseau personnel PAN (Personal Area Network).En revanche, quand il s’agit de décider de sa place dans l’entreprise, la divergence est de mise. Ainsi, Ericsson cible le grand public en équipant deux téléphones haut de gamme (T39 et T68). Nokia commercialisera, dès décembre 2001, ses premiers téléphones équipés de Bluetooth… dans la gamme professionnelle, cette fois. Quant aux constructeurs de PC, leurs avis sont plus homogènes. IBM et Toshiba, les premiers à intégrer Bluetooth dans leurs ordinateurs portables, privilégient les gammes professionnelles.Les deux constructeurs font d’ail- leurs cohabiter dans ces portables la technologie Bluetooth et la connexion wi-fi (Ethernet sans fil). Quid des interférences entre ces deux technologies radio (lire encadré) ? Ce problème reste l’un des points d’achoppement de l’adoption de Bluetooth dans les entreprises. Wi-fi a connu une forte progression en 2001. Les utilisateurs accepteront-ils que le débit du réseau local radio (11 Mbit/s partagé) soit dégradé par une connexion entre le téléphone portable et l’assistant personnel ? “Nous espérons que les mécanismes de coexistence sur lesquels nous travaillons seront adoptés au cours du second semestre 2002”, note Steve Shellhammer, président du groupe de travail 802.15 TAG 2, dédié à ce problème.Alors quel avenir pour Bluetooth ? Pour le moment, les constructeurs restent muets sur leurs ventes et les analystes livrent des études divergentes (un marché de 1,6 milliard de dollars en 2004 pour IDC contre 4,6 milliards de dollars pour Cahners In-Stat en 2005). Quoi qu’il en soit, il apparaît certain qu’en 2002 de nombreux périphériques embarqueront la technologie Bluetooth.En revanche, en ce qui concerne les applications, Bluetooth devra encore attendre… au risque de se faire voler la vedette par une autre technologie ou de lasser le public avant de l’avoir conquis.
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