Passer au contenu

2001, Odyssée de l’e-space

Chirac va désormais consulter sur le web les résultats du Sumo. Mais la France de l’internet n’a pas rattrapé son retard pour autant.

Jacques Chirac utilise son ordinateur de deux manières : il va sur l’internet regarder les résultats des matches de sumo, et il révise son trombinoscope avant ses escapades en province. Mieux, pour que tous ses concitoyens sachent que l’époque du ” mulot ” est bien révolue, il organise des consultations sur la sécurité des paiements en ligne, désormais plus ” tendance ” que le pèlerinage chez les start-up de Republic Alley.Son rival Lionel Jospin n’est pas en reste côté symboles : c’est son discours d’Hourtin, en août 1997, qui a lancé le mouvement internet en France. Dommage que le Premier ministre ait avoué ensuite, trop honnête, avoir plus surfé sur l’Atlantique que sur le Net…Comme ses deux magistrats suprêmes, la France a pris du retard en matière de nouvelles technologies, mais elle essaie de se rattraper. Les dernières statistiques sont encourageantes : selon Médiamétrie, le nombre d’internautes français âgés de plus de 15 ans a progressé de 47 % en un an pour atteindre 8,5 millions à la fin de 2000.Avec un taux global d’utilisation proche de 19 % de la population, on reste très loin derrière les Allemands (27 %), les Britanniques (41 %) ou les Suédois (54 %). Pire : deux Français sur trois ne se sont jamais aventurés sur la Toile. La France est-elle condamnée à être le tiers-monde de l’internet ? Comment faire pour que 2001 soit l’odyssée de l’e-space, e-commerce et autres e-business ?Les politiques cherchent des idées. En voici une : annoncer aux fonctionnaires qu’ils recevront leur prochain bulletin de salaire via le web. En un mois, on augmenterait de manière spectaculaire le taux d’internautes. L’ennui, c’est que ce tour de passe-passe ne marcherait qu’une fois. À moins d’aviser tous les Français, le mois suivant, qu’ils ne peuvent plus payer leur facture d’EDF qu’en ligne…D’accord, on ne transformera pas les Français de la génération TSF en technophiles avec des gadgets et des exhortations. Mais on peut les pousser à s’y mettre en levant quelques obstacles.Faire bouger France Télécom. La France risque de passer à côté du haut débit, qui seul rendra l’utilisation d’internet dans les foyers aussi naturelle que celle de l’électricité. Responsables ? Les pouvoirs publics, qui continuent de protéger l’ancien monopole.
Bien sûr, depuis le 1er janvier, le dégroupage de la boucle locale donne aux opérateurs concurrents de France Télécom la possibilité de se raccorder directement à la paire de cuivre de la ligne téléphonique pour fournir, entre autres, des services d’accès à haut débit. Mais pour que l’offre alternative existe, encore faudrait-il que la facture que payent les nouveaux venus à France Télécom ne soit pas prohibitive. Or l’opérateur public a proposé un tarif ?” 112 francs la ligne dégroupée ?” deux fois supérieur à celui qui est appliqué dans d’autres pays européens…Baisser la TVA sur les ordinateurs. Avec le Minitel, la France avait pris une longueur d’avance en matière de commerce électronique. En 1995, la charcutière de Carpentras consultait déjà son compte bancaire sur cet ancêtre du Net, quand son homologue de New York ou de San Francisco recevait toujours ses relevés par courrier.
Si le cher Minitel s’était diffusé aussi bien dans l’Hexagone, c’est parce que l’équipement initial était gratuit. Supprimer la TVA sur les ordinateurs pourrait contribuer à abaisser l’obstacle du prix.Attribuer à l’école un PC par enfant. Les ordinateurs sont entrés dans les écoles, c’est un fait. Mais au compte-gouttes ! De plus, les enseignants ne sont, pour la plupart, ni convaincus de leur utilité ni rompus à leur usage. Les petits génies des jeux vidéo savent généralement mieux manier la souris que leur instit !Développer les vertus de l’exemple. Les hommes politiques sont en large majorité ” analpha-net “. Mais les dirigeants des grandes sociétés n’ont rien à leur envier. L’ordinateur trône rarement sur le bureau du patron français, et le manager de plus de 50 ans est moins ” accro ” à l’internet que la ménagère de moins de 50 ans…
Plus grave, avec la chute des cours des valeurs techno, les dirigeants ne sont plus obligés de se convertir à l’internet pour satisfaire leurs actionnaires. C’est pourtant à eux de donner l’impulsion dans les entreprises. Faudra-t-il attendre, pour qu’ils s’y mettent, qu’ils se découvrent une passion pour le sumo ?

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Christine Kerdellant