01net : La fondation Mozilla annonce aujourd’hui la création d’une entité commerciale baptisée ‘ Mozilla Corporation ‘. De quoi s’agit-il ?
Tristan Nitot : La Mozilla Foundation est une organisation à but non lucratif. Elle s’est donné pour vocation de restaurer le choix et donc l’innovation sur le marché des logiciels Internet, comme les
navigateurs. Firefox est sorti l’année dernière, a gagné des parts de marché significatives ?” environ 15 % en France, et a enregistré près de 77 millions de téléchargements. Des accords avec des moteurs de recherche tels Google
et certains sites comme Amazon ou eBay, générateurs de revenus, ont été conclus. On se retrouvait donc avec une structure qui n’était pas prévue pour gérer ce type de partenariats. Il est rare d’avoir une organisation non commerciale qui développe
des logiciels ?” d’habitude, ce sont des universités, des ?”uvres caritatives ?”, et nous ne connaissions pas la jurisprudence fiscale. Cela nous gênait donc de signer des contrats rémunérateurs et risquer quelque chose
[par exemple un redressement fiscal, NDLR] dans plusieurs années. La création de la Mozilla Corporation a pour but d’adapter la structure aux sources de revenus.Comment les rôles vont-ils se répartir, entre la Fondation et la filiale commerciale ?
La Mozilla Foundation détiendra la totalité de la Mozilla Corporation, les marques (Firefox, Thunderbird…) ainsi que le code source. Mozilla Corporation, qui sera enregistrée aux Etats-Unis et accueillera les employés américains de
la Mozilla Foundation, elle, se voit confier le développement, la promotion et la distribution des logiciels. Son idée sera de gagner de l’argent, mais pas à tout prix. Ce ne sera pas une entreprise typique cherchant à générer des revenus
redistribués aux actionnaires. Dans le cas présent, il n’y aura pas de salariés actionnaires, ou encore d’introduction en Bourse. Plutôt qu’une entreprise, il faut parler d’une ‘ entité soumise à l’impôt sur les sociétés ‘.Cette création d’une entreprise ne va-t-elle pas inquiéter ou irriter les adeptes de Mozilla ?
Non, je ne pense pas. J’ai moi-même été invité à participer au comité de mise en place de la Corporation. J’y suis allé surtout en tant qu’observateur de la communauté d’utilisateurs. J’ai vu que l’approche était bonne et les grands
principes sauvegardés : pas d’introduction en Bourse, pas d’entrée de partenaires au capital, etc. Filiale et maison mère auront la même mission. Nous n’avons pas une approche de type MySQL.La création de l’entreprise Mozilla n’annonce-t-elle pas l’arrivée d’une version payante de Firefox ? Ou de services ou fonctions payantes ?
Non, les choses sont très claires. Cela ne change rien. Firefox et Thunderbird resteront libres, gratuits pour tout le monde, et cela restera ainsi. Je veux rassurer les adeptes du logiciel libre que le terme de
‘ corporation ‘ hérisse…Un virage vers le payant est-il à ce point impensable ?
J’aurais été le premier à m’y opposer. L’état d’esprit du projet Mozilla reste en tous points le même aujourd’hui.Quels sont les derniers chiffres qui concernent Firefox ?
Nous en sommes aujourd’hui très précisément à 77 millions de téléchargements, et quelque 300 000 par jour. En France, nous tournons autour de 15 % de parts de marché, à peu près autant en Europe, et près de 12 % aux
Etats-Unis. L’Allemagne est au-delà de 20 %. La percée de Firefox nous a permis d’atteindre nos objectifs et même dépassé nos rêves les plus fous. Nous étions navrés de voir le Web stagner, avec un Internet Explorer en monopole qui n’était plus
développé, qui était peu respectueux des standards, victime de failles de sécurité, et limitant les développeurs dans leur créativité. Firefox a réveillé Microsoft, ce dont nous nous réjouissons, car tout le monde bénéficie ainsi d’un progrès dans
l’utilisation d’Internet.Avez-vous réglé vos
problèmes récents de mises à jour de sécurité de Firefox ?
Il faut savoir qu’en matière de sécurité nous travaillons en permanence à des améliorations. Des chercheurs nous aident et sont rémunérés pour cela. Nous cherchons constamment des failles potentielles. A intervalles réguliers, nous
groupons plusieurs rustines pour sortir une nouvelle version, environ tous les 45 jours. La qualité de notre code a été très travaillée en amont (absence d’ActiveX), mais nous nous assurons aussi en permanence que les correctifs soient prêts
rapidement. Une version 1.05 américaine est sortie. Nous nous sommes rendus compte qu’elle était incompatible avec certaines extensions de Firefox et Thunderbird, comme Enigmail, et donc avons décidé de ne pas sortir certaines versions locales.
La version 1.06 corrigeant ce défaut est sortie dans la foulée.Quelles sont les évolutions prévues dans les mois à venir ?
Nous allons sortir une version 1.5 de Firefox à la fin de l’été ou au début de l’automne. Nous pensions sortir une version 1.1 cet été, mais comme nous avons rajouté nombre de fonctions. Elle sera plus complète et arrivera un peu
plus tard. Le système de mise à jour sera amélioré : l’utilisateur ne téléchargera que les patches, et non pas tout le logiciel, soit quelques kilo-octets au lieu de 5 mégaoctets. Il y aura aussi notamment le support
de SVG et de Canvas, des standards d’affichage de graphiques dans le navigateur. Les utilisateurs découvriront aussi une version plus rapide d’environ 15 %.
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