Mettre le Soleil en boîte. L’expression est souvent utilisée au sujet de la fusion nucléaire et n’est pas galvaudée. C’est en observant les phénomènes naturels à l’œuvre dans les étoiles que les scientifiques ont eu l’idée de les reproduire pour créer une nouvelle source d’énergie. Plus propre, plus sûre et plus puissante que nos vieilles centrales nucléaires. Une révolution est peut-être en marche et c’est au cœur des Bouches du Rhône, sur le site du CEA de Cadarache, qu’elle a commencé.
Ici se trouve le réacteur expérimental West. Une installation massive composée d’un enchevêtrement de tuyaux incompréhensible aux yeux du néophyte (voir image ci-dessous). Difficile de distinguer au centre une sorte de caisson en forme de donut (voir image ci-dessus). Il s’agit d’un tokamak, un acronyme russe désignant une chambre de confinement magnétique. Le tout préfigure, en beaucoup plus petit, ce que sera ITER, le fameux programme international qui doit prouver d’ici 2030 la capacité de la fusion nucléaire à produire de l’électricité à grande échelle.
Le gaz est chauffé à 150 millions de degrés
West doit servir de terrain d’expérimentation aux scientifiques afin de mettre en place les briques technologiques qui seront utilisées sur ITER. « On commence par faire le vide dans la boîte, avant d’injecter du gaz et d’y induire un champ électrique pour le faire claquer », nous explique Jérôme Bucalossi, chef de projet West au CEA. En bref, ce gaz, qui est un mélange de deutérium et de tritium, est ensuite chauffé entre 150 et 200 millions de degrés. On obtient ainsi du plasma : une sorte de soupe où noyaux et électrons circulent librement sans être liés. Ils peuvent entrer en collision et former un noyau plus lourd d’hélium pour libérer un neutron.
Le plasma en fusion est invisible aux yeux de l’homme, à l’exception de la trainée lumineuse qui se forme au contact de la partie basse du tokamak, parce qu’elle est soumise à des températures moins élevées. On peut le voir dans cette vidéo qui date de 2007, tournée dans l’ancienne version de West qui s’appelait alors Tore Supra :
Maintenir le plasma en fusion, un véritable défi
Le problème, c’est d’arriver à maintenir ce plasma en fusion. « Le plasma est comme une flamme qui pourrait facilement être soufflée. Il est très difficile à entretenir », fait observer Alain Becoulet, directeur de l’IRFM du CEA (Institut de Recherche sur la fusion par confinement magnétique). Tant que l’on ne saura pas entretenir l’énergie de la fusion avec une puissance et sur une durée suffisante, on ne pourra pas produire d’électricité. Or, jusqu’ici les scientifiques du CEA n’ont pas réussi à soutenir le plasma au-delà de 400 secondes.
Pour éviter que le plasma ne disparaisse au contact des parois du tokamak, des bobines supraconductrices génèrent en permanence des champs magnétiques pour créer le confinement. Le plasma est aussi chauffé en continu grâce à l’injection de matière chaude et à des ondes radio très haute fréquence.
Le tungstène, la grande innovation de West
Mais la grande innovation de West, c’est d’utiliser un composant qui pourrait tout changer : le tungstène. « Ce matériau a pour avantage de ne pas stocker d’hydrogène, à l’inverse du le carbone, par exemple », souligne Alain Becoulet. Il a donc été utilisé pour recouvrir le divertor, un module essentiel qui se trouve sur le plancher de la chambre à vide. « Son rôle est d’évacuer les impuretés générées par les interactions du plasma et de la paroi, ainsi que de maintenir le plasma dans des conditions de températures idéales », détaille Jérôme Bucalossi.
Le 14 décembre dernier, le tokamak West a produit son premier plasma. Une campagne s’apprête maintenant à débuter pour une durée de trois mois à raison de 25 à 30 décharges de plasma par jour. Mais le chemin est encore long avant d’espérer un jour produire de l’électricité grâce à la fusion nucléaire. Si tout se passe bien, ITER débouchera sur un énième réacteur, Demo, destiné à prouver cette fois la faisabilité industrielle de cette technologie vers 2040. Avec des premières centrales attendues pour 2050 qui ne produiront ni CO2, ni déchets toxiques et dont les combustibles seront abondants et accessibles.
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