Les composants PC commencent à sortir de leur léthargie : après AMD qui lance ses processeurs les plus intéressants depuis des années, les Ryzen, c’est Qualcomm – épaulé par Microsoft – qui tient une promesse lancée en fin d’année dernière en dévoilant sa plate-forme Snapdragon 835 pour PC sous Windows 10. Le fameux processeur ARM le plus haut de gamme de Qualcomm, que l’on retrouve notamment dans le Samsung Galaxy S8. C’est une version légèrement modifiée pour un usage PC portable (entrées/sorties, etc.) sur laquelle Microsoft a travaillé d’arrache-pied afin d’adapter son célèbre système d’exploitation Windows 10.
Et quand on dit Windows 10, on parle d’un VRAI Windows 10 avec les mêmes logiciels et (théoriquement) la même expérience. Rien à voir avec Windows 10 S ou une précédente initiative qui a laissé de vilaines marques dans l’esprit des gens…
Windows RT, un précédent malheureux
Avant de détailler le projet plus avant, rappelons qu’un Windows a déjà fonctionné avec des processeur ARM. Le fameux – ou infâme, au choix – Windows RT. Dérivé de Windows 8, il souffrait de la faible puissance de processeurs de l’époque… et d’un cruel manque de programmes, les éditeurs se devant en effet de recompiler (et reprogrammer en tout ou partie) leurs logiciels.
Pourtant soutenu par Microsoft sur les Surface RT, Windows RT a fait un four total. Et ç’en fut terminé du beau rêve du PC Windows avec un processeur ARM. Jusqu’à aujourd’hui…
« Notre plate-forme ne va pas exécuter un Windows light, un Windows S ou je ne sais quoi, mais un vrai Windows complet », nous a assuré Don McGuire, Vice-président en charge du marketing chez Qualcomm. Un « vrai Windows » qui sera martelé pendant tout l’entretien comme un mantra comme pour mieux éloigner l’ombre de Windows RT…
Une plate-forme solide
Lors de la présentation du Galaxy S8, Samsung a démontré que son téléphone pouvait être utilisé comme un ordinateur (ou presque). Il était logique que l’expérience aille plus loin, ce que fait Qualcomm en déclinant sa puce Snapdragon 835 en version PC portable. Une puce à la pointe de la technologie – gravure en 10 nm – qui apporte, à sa puissance de calcul, des avantages issus du mobile. « Nous avons demandé aux utilisateurs de PC ce qu’ils aimeraient améliorer dans leurs ordinateurs et ils nous ont répondu une meilleure autonomie et une connectivité permanente. C’est ce que nous leurs offrons avec le Snapdragon 835 », s’enorgueillit Don McGuire. Si la finesse de gravure a son importance, c’est que cela permet de diminuer la taille de la puce et donc de sa carte mère.
Comparée à une « carte mère de machine équivalente à la taille des PC concurrents » (sans plus de détails), il est vrai que la plateforme de référence de Qualcomm a de quoi faire saliver les constructeurs puisqu’elle promet des PC plus fins ou intégrants plus de choses – qui a parlé de batterie ? Si l’inquiétude première qui nous anime concerne évidemment les performances (lire plus loin), la promesse est alléchante.
Endurance, connectivité permanente et finesse… à prix modéré
Puce mobile et donc conçue dès le départ pour consommer le moins possible, le Snapdragon 835 promet une plus grande endurance et un moindre dégagement de chaleur qui impliquerait des PC encore plus fin. « Nous tablons sur un endurance moyenne de 15h, de quoi tenir une journée et demi de travail », se félicite Don McGuire précisant que ce sont des chiffres indicatifs qui seront fonction des machines (et de la taille et de la capacité des batteries). A ces finesse et endurance, s’ajoute un élément clé selon Qualcomm : une connectivité permanente. « Notre processeur intègre un modem LTE Gigabit qui peut rester connecté même en veille – pour rapatrier vos emails – et se réveille vraiment instantanément. Aucun PC sous processeur Intel ne se réveille aussi vite, ni ne reste connecté en permanence au réseau 4G », assure Don McGuire. Avant de se féliciter du timing de l’annonce : « Comme dans les pays européens, où les volumes de données sont généreux, les opérateurs américains sont en passe de proposer des forfaits illimités en données ce qui enlèvera la limite psychologique de dépassement de forfait, très présente aux USA ».
Ces belles promesses nous conduisent à interroger sur le prix des machines qui seront lancées par Asus, HP et Lenovo, les premiers partenaires engagés. « Cela dépendra évidemment de nos partenaires qui concevront les appareils », poursuit Don McGuire « mais il ne s’agira pas de PC au rabais comme les Chromebooks, ni de portables de luxe comme les Macbook. On pense que la fourchette sera entre 400 $ et 700 $, peut-être un peu plus pour les modèles les plus luxueux ». Tout en concluant que « En fait, il s’agit du prix que vous mettez déjà dans un smartphone ».
Un moteur d’émulation x86, exclusif et signé Microsoft
Si Qualcomm a décliné son processeur pour une plateforme différente, une grosse partie du travail a été effectuée par les équipes de Microsoft. « Nous avons conçu le moteur d’émulation x86 qui fonctionne au niveau du cœur même du système d’exploitation », raconte Pete Bernard, directeur de programme du géant logiciel. Non seulement « les logiciels compilés au format ‘’applications universelles’’ fonctionnent, mais aussi les programmes x86 classiques ». Et il prend un exemple concret : « Vous téléchargez Audacity, vous l’installez et cela fonctionne directement sans que vous vous aperceviez de rien », promet-il. Interrogé sur la perte de performances, logique dans le cas d’une émulation, Pete Bernard promet qu’avec « les applications les plus courantes – 7-zip, etc. – vous ne verrez rien même si la perte de performances est là et se fera sentir avec des logiciels plus lourds ». Une remarque sur laquelle rebondit Don McGuire : « Notre SnapDragon 835 n’est pas là pour concurrencer les gros processeurs Core i7 de bureau ni même mobiles. Il s’agit de proposer une bonne expérience d’un Windows complet dans les usages courants ».
Si Microsoft intègre directement la prise en charge d’un processeur ARM dans Windows, cela ne signifie pas pour autant qu’il prenne en charge tous les processeurs du genre. « Nous avons travaillé exclusivement avec Qualcomm pour l’émulateur ARM, et les autres processeurs ne sont pas pris en charge ». Interrogé sur la possibilité pour Samsung, qui développe de puissants processeurs ARM, les Exynos, Pete Bernard répond de manière espiègle : « Si demain Samsung veut développer des PC Windows sur processeur ARM ils peuvent tout à fait le faire… s’ils utilisent des processeurs Qualcomm ».
Les concurrents annoncés : iPad Pro et Macbook
Si la carte-mère miniature de Qualcomm permettra aux constructeurs de proposer de nouveaux formats de machines, les deux plateformes contre lesquelles Qualcomm entend concourir frontalement sont signées Apple : l’iPad Pro et le MacBook. « L’iPad Pro est une superbe tablette, mais iOS n’est absolument pas aussi productif qu’un vrai système s’exploitation comme Windows 10 », explique Monte Giles, responsable produit chez Qualcomm. « L’autre concurrent qui a un vrai système d’exploitation est le MacBook, mais son processeur Core Y est peu puissant et la machine est très chère ».
Vents contraires contre Intel, la menace Apple
Que signifierait une réussite de la plateforme SnapDragon 835 (et les suivantes) sur des PC Windows ? Tout d’abord une perte de parts de marchés de Core Y au profit de Qualcomm – auquel il faut ajouter le retour d’AMD dans la course sur les plateformes plus puissantes. Mais ce serait surtout la preuve qu’on peut tout à fait exécuter un OS de bureau complet (Windows 10 ici) sur un processeur mobile. Or il se trouve justement qu’Apple dispose à la fois d’un processeur ARM performant (les A9), d’un OS de bureau complet et de PC portables ultra nomades, les MacBook. Si on se rappelle que la firme de Cupertino a déjà l’expérience du changement d’architecture lors du passage des Power PC aux Core d’Intel, on réalise à quel point Intel est en mauvaise posture.
Retrouvez l’intégralité de notre dossier sur le Computex 2017.
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