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Le transhumanisme en cinq questions

Né en Californie dans les années soixante, ce mouvement d’idées a acquis une ampleur internationale mais reste complexe à appréhender. Voici nos clefs pour en comprendre les enjeux.

C‘est quoi, le transhumanisme ? A l’occasion du colloque Transvision, qui a lieu à partir d’aujourd’hui à Paris, nous consacrerons quelques articles et interviews dans les jours à venir à ce mouvement très peu connu en France, mais très populaire outre-Atlantique. Il est à notre avis important d’avoir quelques notions de la pensée transhumaniste, car de nombreuses innovations actuelles en sont le fruit et elle est courante dans de nombreuses entreprises et universités américaines que nous évoquons sur ce site régulièrement. Voici une courte FAQ pour débuter.


C’est quoi, le transhumanisme ?

Le transhumanisme, c’est un mouvement d’idées qui affirme que les technologies émergentes représentent une opportunité de changer notre nature humaine, voire notre condition de mortel.

Quand ce mouvement a-t-il été fondé ?

Le transhumanisme est né dans les années soixante en Californie. Il tire à la fois son origine de la contre-culture des sixties et des débuts de l’informatique.

Mais il faut attendre les années 80 pour qu’il soit revendiqué comme tel et théorisé. Une première organisation, l’Extropy Institute, est créée en 1992 aux Etats-Unis, avant le lancement en 1998 de la World Transhumanist Association rebaptisé récemment Humanité +. Il existe aujourd’hui des associations transhumanistes dans le monde entier.

Que souhaitent les transhumanistes ?

Les singularitariens, comme le pape transhumaniste Ray Kurzweil (en photo) croient à la théorie de la singularité technologique, qui veut que l’évolution de la technologie soit exponentielle et atteigne un jour un niveau que l’homme ne sera plus capable d’appréhender. La singularité technologique a été postulée par l’universitaire et (l’excellent) auteur de SF Vernor Vinge dans un papier un tantinet flippant qui commence ainsi : « dans trente ans, nous aurons les moyens technologiques de créer une intelligence superhumaine. Peu après, l’ère humaine prendra fin.» L’article ayant été publié en 1993, nous devrions donc être tranquilles jusqu’en 2023 !

Le concept de singularité est lié à celui de la convergence NBIC, c’est-à-dire la convergence des Nanotechnologies, Biotechnologies, de l’Intelligence artificielle et sciences Cognitives. Chacune des avancées de l’une de ces disciplines profitant aux autres et s’accélérant, nous atteindrons bientôt -selon les singularitariens- ce moment explosif.

La plupart des singularitariens souhaitent étendre leur longévité en améliorant leur corps avec des machines… Voire, rêve suprême, accéder à l’immortalité en téléchargeant un jour leur cerveau (uploading) sur un support informatique. C’est d’ailleurs le thème du dernier ouvrage de Kurzweil (How to create a mind)dans lequel il explique que recréer un cerveau artificiel ne sera pas pour toujours mission impossible. 

L’autre versant transhumaniste se soucie davantage des répercussions sociales des bouleversements que ne manqueront pas d’engendrer les progrès technologiques. Ce sont les techno-progressistes, à l’image de l’association française transhumaniste Technoprog, qui organise le colloque Transvision. Ceux-ci visent seulement l’allongement de la durée de vie et s’opposent à la cryogénisation.

Quelles sont les figures du transhumanisme ?

Les transhumanistes les plus célèbres sont anglo-saxons et pour la plupart singularitariens. Il y a des entrepreneurs qui travaillent dans la high-tech comme les fondateurs de Google Sergueï Brin et Larry Page ou encore l’investisseur Peter Thiel. Mais il y a aussi beaucoup d’universitaires, de journalistes et de chercheurs. Comme l’informaticien Ray Kurzweil -embauché par Google- le physicien Peter H. Diamandis qui préside l’université du singularisme, le neuroscienfitique Anders Sandberg qui enseigne à Oxford, le biogérotonlogue Aubrey de Grey basé à Cambridge.

Enfin, on trouve un certain nombre d’artistes pour qui le transhumanisme offre l’opportunité de métamorphoser le corps humain. C’est le cas de la célèbre Natasha Vita-More, par exemple, qui est designer et a créé le Primo Posthuman, le prototype du corps du futur.

• Faut-il s’en méfier ?

Le transhumanisme suscite de violentes critiques, particulièrement chez les philosophes français. Certains s’appuient sur des arguments éthiques. Ainsi, pour Jean-Michel Besnier, le transhumanisme relève d’une conception techniciste du corps humain ravalé au niveau de celui d’un robot. Or, si le corps de l’homme ne lui appartient plus, il risque de se dégager de toute responsabilité.

Jean-Claude Guillebaud et Dominique Bourg soulignent également que les technologies émergentes risquent de ne profiter qu’aux riches et de favoriser l’individualisme au détriment de la démocratie.

En dehors de ces questions de fond, d’autres comme l’anthropotrologue suisse Daniela Cerqui s’inquiètent de l’influence bien réelle des transhumanistes sur des entreprises comme Google et la Nasa, ou des universités comme le MIT ou Oxford, et même au plus haut de l’Etat américain. De quoi accréditer l’idée d’un lobby dénoncé souvent par le chirurgien Laurent Alexandre.

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Amélie Charnay