Les ayants droit doivent être satisfaits, la réponse graduée de la Hadopi n’a jamais été aussi efficace qu’en ce moment, tant au niveau qualitatif que quantitatif.
Pour rappel, la réponse graduée consiste à envoyer un email puis, si les faits persistent, six mois plus tard, une lettre remise contre signature pour alerter un abonné sur le piratage constaté sur sa ligne d’accès Internet. En cas de nouvelle constatation, l’abonné reçoit une lettre remise contre signature qui vient constater les faits de négligence caractérisé. Cette ultime notification ouvre la voie à une procédure pénale.
A l’occasion d’une présentation de son rapport d’activité annuel, la haute autorité a révélé avoir effectué 178 286 envois de deuxièmes recommandations entre juillet 2016 et juin 2017. Ce chiffre est en croissance de 16 % et n’a jamais été atteint auparavant.
Sur la même période, les constats de négligence caractérisé sont passés de 1991 à 2547. Quant au nombre de dossiers transmis au parquet, il a même augmenté de 30 %, passant de 684 en 2015/2016 à 889 en 2016/2017.
« Le nombre de dossiers transmis est en hausse significative depuis deux ans parce que le traitement des saisines reçues a été optimisé, que le nombre de lettres de notification a été augmenté et que notre stratégie s’est affinée au cours du temps », se félicite Dominique Guirimand, membre de la commission de protection des droits (CPD) au sein de la Hadopi.
Une justice plutôt clémente
Que deviennent ces dossiers dans les mains de la justice ? Là encore, la Hadopi constate avec satisfaction que dans 80 % des cas, il y a une « réponse pénale », ce qui ne veut pas dire forcément condamnation. Sur les 583 réponses pénales connues au 31 octobre 2017, 461 sont en réalité des mesures alternatives aux poursuites sans saisine du tribunal : rappels à la loi, stages de citoyenneté, versement d’une amende, classement sans suite sous condition, demande de régularisation, indemnisation de la victime (dédommagements aux ayants droits), etc.
A noter que 67 de ces mesures alternatives se sont faites dans le cadre d’une composition pénale, une procédure qui permet à l’accusé de reconnaître ses fautes pour mettre fin au contentieux et qui implique une inscription au casier judiciaire. La partie restante des réponses pénales est constituée de poursuites classiques : jugements de condamnation, ordonnances pénales, comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Entre 50 et 1000 euros d’amende
Si l’autorité judiciaire fait visiblement preuve d’une certaine clémence vis-à-vis du piratage de masse, Dominique Guirimand tient à souligner que « les mesures alternatives aux poursuites pénales ne constituent pas un abandon des poursuites, mais sont de vraies réponses pénales ». Mesures alternatives ou pas, les amendes que doivent payer les contrevenants se situent généralement entre 50 et 1000 euros, parfois assorties du sursis en fonction de la situation de la personne.
Le rapport donne plusieurs exemples. Ainsi, au tribunal de police de Melun, le cas d’une mise en partage d’une dizaine d’œuvres protégées a donné lieu à 300 euros d’amende avec sursis et de 100 euros de dommages et intérêts. Au tribunal de grande instance de Créteil, un abonné a été condamné à verser une amende de 500 euros dans le cadre d’une composition pénale.
Toutes ces statistiques pourraient faire penser que l’état jugule de manière efficace le piratage d’œuvres protégées. Il n’en est rien. La réponse graduée ne s’applique que dans le cas du piratage en peer-to-peer, une pratique qui est en chute brutale par rapport au téléchargement direct et, surtout, par rapport au streaming.
Le problème, c’est que la Hadopi n’a pas les moyens techniques et juridiques pour combattre ces deux formes de piratage au niveau des abonnés. Dans le cas du streaming, « la consommation individuelle n’est pas forcément un acte de contrefaçon, notamment parce qu’il n’y a pas d’acte durable de reproduction, contrairement au téléchargement », souligne Christian Phéline, président de la Hadopi.
L’autre problème est celui de l’identification par les ayants droit des pratiques de piratage. Dans les cas du peer-to-peer, c’est facile car il suffit de collecter les adresses IP dans les réseaux de partage. Ce n’est pas possible dans le cas du streaming et du téléchargement direct, où il faudrait utiliser des techniques beaucoup plus intrusives pour identifier le contenu illégal et l’adresse de l’abonné contrevenant. Ce qui n’est pas possible dans le cadre juridique actuel, et n’est pas souhaitable au regard des libertés individuelles.
Les moyens de sécurisation sont au point mort
La Hadopi ne reste pas les bras ballants pour autant. Selon elle, la bonne stratégie consiste à identifier et fermer les sites qui proposent ces contenus illégaux. Et dans ce cadre-là, elle veut apporter son expertise pour qualifier de manière probante ces sites auprès des tribunaux.
Parmi les autres nombreux chantiers qui restent ouverts figure celui de la labellisation des moyens de sécurisation « destinés à prévenir l’utilisation illicite de l’accès à Internet ». A ce jour, aucun moyen de sécurisation n’a été labellisé et ce sujet est au point mort. « Le texte de loi n’est pas vraiment compréhensible et la procédure de labellisation est très complexe. En fait, il faudrait revoir ce texte », nous explique Christian Phéline. Vu le changement récent de majorité parlementaire, le moment pourrait être propice pour s’atteler à cette tâche.
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