A l’heure où la grand messe des technologies futures arrive à son terme à Las Vegas, il nous semble intéressant de revenir sur une étude, publiée en 2013 par deux chercheurs de l’Université d’Oxford. Cette étude a mis des chiffres sur une tendance qui commence à prendre corps avec les voitures autonomes, notamment, dont on parle de plus en plus.
Course contre la machine
Depuis la fin des années 90 et l’explosion des « autoroutes de l’information », la high tech est auréolée du dynamisme d’un secteur qui recrute et crée des emplois indirects. Les services en ligne, la gestion de nouvelles solutions marketing, la création de nouveaux réseaux, etc.
Pour autant, des chercheurs et observateurs portent un regard plus critique et circonspect sur cette évolution accélérée de la société. C’est le cas d’Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, dont le livre Race Against The Machine analyse de manière assez glaçante la course perdue d’avance entre l’homme et les machines qu’il a créées.
Quel futur pour l’emploi ?
« Le futur de l’emploi : à quel point le travail est-il susceptible d’être confié à des ordinateurs ? », c’est le titre de ce document de 72 pages. Il étudie 702 métiers aux filtres d’une méthodologie qui les placent dans différentes catégories. Une fois celles-ci établies, les chercheurs ont analysé et estimé le potentiel de remplacement des humains par des machines intelligentes – la « computerisation », qu’on traduira par ordinatorisation, comme on connu la robotisation il y a quelques décennies.
Pour cela, les deux chercheurs ont pris en compte les avancées récentes dans deux domaines principaux : l’apprentissage des machines et les robots mobiles. Puis ont établit une projection.
La préoccupation d’une désuétude du travailleur humain face à la machine n’est pas nouvelle. On en trouve trace aux prémices de la première révolution industrielle et plus proche de nous lors de l’apparition des premiers robots dans les chaînes de production automobile, par exemple.
Les deux chercheurs, Carl Benedickt Frey et Michael A. Osborne, citent l’économiste John Maynard Keynes pour qui un large chômage technologique serait « dû au fait que notre découverte de moyens d’économiser les forces de travail est bien plus rapide que le rythme auquel nous trouvons de nouveaux usages pour la main d’œuvre ».
La révolution technologique du 21e siècle
Le terme main d’œuvre renvoie à une image de travailleurs manuels, mais à en croire l’étude des deux chercheurs d’Oxford, ce ne seront pas les seuls touchés. Les moyens de révolutionner le travail ont évolué, sont bien plus puissants et « intelligents ». Nous entrons dans la révolution technologique du 21e siècle.
Les capteurs, le Big Data et l’évolution des interfaces hommes-machine permettent à certains métiers d’augmenter la quantité de travail abattue par un salarié mais permettent également d’en remplacer d’autres totalement. Les progrès en synthèse et reconnaissance vocales, couplés à ceux obtenus en termes de langage naturel et d’obtention de réponses adéquates permettent à des sociétés comme SmartAction de fournir des solutions qui pourront prendre en charge 60 à 80 % des appels d’un « call center ».
Dans la section V de leur étude, intitulée L’Emploi au 21e siècle, les deux chercheurs en arrivent ainsi à mettre en perspective les projections de 2010 à 2020 du Bureau américain du travail. Celui-ci estime en effet que le marché de l’emploi sera croissant pendant cette période.
Pour autant, pour Carl Benedickt Frey et Michael A. Osborne, ces estimations reposent sur de vieux schémas historiques, qui peuvent être caduques. Même si les auteurs reconnaissent que leur analyse est une « conjecture touchant à des technologies qui en sont à leurs premières étapes de développement. Ce qui signifie que les données historiques sur l’impact de ces développements technologiques ne sont pas disponibles ».
Afin de réduire la marge d’erreur, les deux chercheurs se sont concentrés sur les métiers qui existaient en 2010 – autrement dit anciens mais toujours existants et nouveaux.
Près de la moitié des emplois “ordinatisés”
Ils ont ensuite établi trois zones de risques bas, moyens et élevés. Certains secteurs courent peu de risques d’être automatisés, comme l’éducation ou la santé. Même si certains métiers de ces domaines pourront l’être. En revanche, les métiers de la vente, les emplois administratifs, agricoles ou même du transport courent eux de bien gros risques.
Pour cette dernière activité, on pense notamment à l’impact que pourrait avoir des voitures et camions autonomes sur les métiers de chauffeurs de taxi ou de routiers.
Pour les Etats-Unis, Frey et Osborne estiment que « 47% des actifs se trouvent dans un secteur à haut risque de chômage ». On comprend mieux pourquoi Barack Obama martèle que l’enjeu américain est de former une main d’œuvre hautement qualifiée d’ingénieurs, de chercheurs, etc. Près de la moitié de la population américaine pourrait être remplacée par des robots ou machines « intelligentes » dans « un nombre indéfini d’années, peut-être dix à vingt ans », précisent-ils.
Développer l’humain
Ils mettent ensuite en perspective et corrélation le niveau de salaire, d’étude et le risque de voir son métier automatiser (voir graphique ci-dessus). Les hubots de demain feront donc leurs premières victimes parmi les petits salaires, les personnes les moins formées… Pour autant, tout n’est pas perdu. Il est encore loin le temps où les machines seront aussi adaptables et intelligentes que l’Homme. C’est d’ailleurs une porte entrouverte vers un certain espoir que laissent Carl Benedickt Frey et Michael A. Osborne : « Nos conclusions impliquent que la technologie fait la course en tête, les travailleurs peu qualifiés seront réallouées à des tâches qui ne sont pas susceptibles d’être confiées à des ordinateurs, par exemple des tâches qui requièrent une intelligence créative et sociale. Pour qu’ils gagnent la course, les travailleurs devront développer des compétences sociales et créatives ». En deux mots, ce qui fait l’Homme.
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Source :
Etude de Carl Benedikt Frey et Michael Osborne (PDF)
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